Il y a 50 ans, Apollo 12 réalisait la première exploration de la Lune

Pete Conrad, d’Apollo 12, tient le drapeau dont la hampe est cassée. © Nasa
Quatre mois après les premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune, le 19 novembre 1969, un deuxième duo d’astronautes débarquait sur notre satellite naturel. Pete Conrad et Alan Bean s’éloignaient pour la première fois de leur module lunaire, pour une randonnée d’exploration.

Pour beaucoup de gens, l’homme sur la Lune, c’est Neil Armstrong dans la mer de la Tranquillité, le 21 juillet 1969. Mais assez peu savent que c’est aussi Pete Conrad, dans l’océan des Tempêtes, le 19 novembre de la même année. Un peu moins de quatre mois après l’exploit historique d’Apollo 11, un nouvel équipage se pose sur l’astre des nuits. Pete Conrad, le troisième homme à marcher sur la Lune, était rejoint vingt minutes plus tard par son collègue et ami Alan Bean.

Alan Bean sort du LM Intrepid pour rejoindre Pete Conrad sur la Lune. © Nasa

Dans une ambiance totalement décontractée, les deux hommes vont effectuer non pas une sortie de 2 h 30 min, mais deux sorties de près de 4 h chacune. Et ils réalisent la première vraie exploration de la Lune. Car contrairement à la consigne prudente de mise lors d’Apollo 11, ils ont toute liberté de s’éloigner de leur vaisseau, le module lunaire (LM) Intrepid.

D’étranges « mini-volcans »

Conrad et Bean consacrent leur première sortie au déploiement de la station scientifique ALSEP (Apollo Lunar Surface Experiment Package), à plus de 100 m du LM. Et ils font leur première découverte : des « mini-volcans ». C’est ainsi qu’ils appellent deux étranges buttes d’un peu plus de 1 mètre de haut, qui ont l’allure de monts Fuji miniatures. Après avoir installé l’ALSEP, ils s’approchent de l’un d’eux et en prélèvent des échantillons. En fait de volcans, il s’agit de roches éjectées par un impact météoritique qui ont été érodées au fil des millions d’années par le vent solaire et les micrométéorites.

Ce monticule en forme de mini-volcan intrigue les astronautes d'Apollo 12. Ils en prélèvent un échantillons qui en révèlera la vraie nature. © Nasa

Puis les deux astronautes bénéficient d’une rallonge de temps de 30 minutes qu’ils utilisent en partie pour pousser vers le nord-ouest, jusqu’à près de 200 m de leur module lunaire. Là, ils sont au bord d’un grand cratère plutôt ancien, appelé Middle Crescent. Ils en récoltent quelques roches à la hâte et doivent rentrer au vaisseau. C’est d’ailleurs sur le chemin du retour qu’Alan Bean est le premier homme à trébucher et à tomber sur la Lune. Contrairement à ce que redoute alors la Nasa, se relever ne pose aucun problème, même avec un scaphandre très rigide.

Conrad et Bean photographient l'intérieur du cratère Middle Crescent, première destination de leurs explorations. C'est aussi, involontairement, un autoportrait par les ombres. © Nasa

Une caméra de télévision hors service

Conrad et Bean ont eu quelques petits soucis au cours de leur première sortie. Mais rien de grave qui n’a pu être surmonté — comme la barre de plutonium servant de source d’énergie à l’ASLSEP, qui ne voulait pas sortir de son emballage de transport et que Conrad a libérée à coups de marteau. Le plus embêtant est sans doute la caméra de télévision en couleur mise hors d’usage après quelques minutes de retransmission par le seul fait qu’Alan Bean l’a pointée accidentellement vers le Soleil (ce qui a grillé son détecteur).

Les deux hommes sont les premiers à passer une vraie nuit sur la Lune. Pour cela, contrairement à Armstrong et à Aldrin, qui ont dormi recroquevillés à même le sol du LM, ils tendent des hamacs et profitent d’un confort relatif.

Un rayon du cratère Copernic

Et le lendemain, ils partent en excursion géologique. En cheminant vers l’ouest, ils découvrent un sol poudreux et clair. Celui-ci sera attribué à des éjectas du cratère Copernic, situé à 350 km plus au nord. Les scientifiques savent en effet que le site d’Apollo 12 se trouve exactement sur l’un de ces rayons blancs qui s’échappent du cratère. La datation de ce sol récupéré par les astronautes indiquera 810 millions d’années, âge aujourd’hui attribué à l’impact gigantesque qui trône au centre de l’océan des Tempêtes.

Ce matériau clair, excavé à la pelle, est considéré comme provenant du cratère Copernic. C'est grâce à cet échantillon que le gigantesque impact a été daté. Crédit : Nasa.

À 430 mètres du module lunaire

Le sol de cet océan de lave solidifiée depuis 3,5 milliards d’années semble plat. Et c’est l’une des raisons qui ont poussé la Nasa à sélectionner ce site pour Apollo 12. Mais en progressant vers l’ouest, Conrad et Bean réalisent que le sol est ondulé. Leur module lunaire, pourtant haut de 7 m, disparaît parfois partiellement derrière l’horizon de ces ondulations. Et surtout, les cratères Bench et Sharp, qu’ils sont censés explorer, ne sont pas faciles à identifier. « Vous ne saviez jamais exactement où vous étiez d’une manière certaine », confiera Alan Bean longtemps après. Mais Pete Conrad a un excellent sens de l’orientation et les deux hommes passent très précisément par tous les points définis par les géologues sur leur trajet. Ils arrivent jusqu’à Sharp, un modeste impact récent qui se trouve à 430 m d’Intreprid. Pour rappel, Neil Armstrong avait pris l’initiative d’aller voir un petit cratère à moins de 60 m du LM.

Là, ils collectent un échantillon et l’enferment dans un conteneur hermétique spécial, en métal, qui va le conserver sous vide. Alors que certains échantillons d’Apollo 17 commencent à être déballés pour être étudiés avec des techniques nouvelles, celui-ci n’a toujours pas été ouvert.

Alan Bean montre le conteneur spécial pour conserver sous vide l'échantillon du cratère Sharp. © Nasa

Le regret du selfie manqué

La randonnée de Conrad et de Bean ne s’arrête pas là. Ils filent plein est, en passant au sud de leur vaisseau, pour rejoindre la sonde Surveyor 3 près de laquelle ils se sont posés. Cette sonde, hors d’usage, leur servait de cible pour réaliser un atterrissage de précision sur la Lune. Car Apollo 11, malgré son succès, avait échoué à se poser à l’endroit prévu. Armstrong et Aldrin s’étaient retrouvés à 6 km du point visé. La faute aux irrégularités de masses de l’intérieur de la Lune, mal prises en compte par l’ordinateur de bord et qui avait dévié le vaisseau de sa trajectoire. Cette fois, la procédure a été revue et, selon le témoignage d’Alan Bean, Pete Conrad aurait pu atterrir sur la sonde s’il l’avait voulu. Au lieu de cela, il s’est posé prudemment à 180 m de l’engin, en bordure du large cratère érodé dans lequel elle repose.

Pete Conrad photographié — seul — près de la sonde Surveyor 3. © Nasa

Les deux astronautes descendent dans le cratère et s’approchent de la sonde. Là, ils avaient prévu une petite surprise : ils voulaient ajouter un retardateur à l’un de leurs appareils photo afin de se photographier ensemble sur le même cliché. Mais Bean ne retrouve pas le retardateur qu’il a caché dans un sac d’échantillons. Comme le temps presse, ils abandonnent leur idée. Alan Bean, décédé en 2018, s’en voudra. D’autant qu’au moment d’embarquer dans le LM pour repartir, il retrouvera le retardateur. En octobre 2016 il nous confiait à ce sujet : « Plus tard, quand je l’ai finalement trouvé, au milieu des roches, dans le sac d’échantillons, ce que nous aurions dû faire, c’est prendre le retardateur et faire notre photo devant le module lunaire. Mais nous pensions que nous manquions de temps à cause de l’absence d’extension et j’ai attrapé ce retardateur et je l’ai jeté ! Et ça, c’était ma grosse erreur. J’aurais dû dire : “Attends, nous pouvons prendre quelques photos ici, maintenant.” Mais je ne l’ai pas fait. C’était une grosse erreur de ma part. Nous aurions pu prendre plusieurs photos marrantes avec le module lunaire en arrière-plan et avec Surveyor. Mais je n’ai pas eu d’idée originale. »

Une exploration boudée par le public

Conrad et Bean sont les premiers à explorer véritablement les abords de leur module lunaire. Ils ramènent plus de 34 kg de roches et ont  — pour l’unique fois de l’histoire de l’exploration planétaire — marché dans un paysage photographié auparavant par une sonde automatique. Ils y ont récolté des roches que les scientifiques avaient repérées deux ans auparavant sur les clichés de Surveyor 3 sans pouvoir espérer les atteindre.

L’histoire retient hélas que cette mission n’a guère été suivie par le public. La faute, en partie à la mésaventure survenue à la caméra de télévision. Mais même si cette caméra avait fonctionné, l’intérêt du public aurait-il été au rendez-vous ? Pour l’excursion géologique, les astronautes n’auraient pas emporté la caméra avec eux (elle était sur un trépied et alimentée en électricité par un câble de moins de 20 m). Pendant près de 4 h, le public aurait eu droit à un plan fixe du paysage lunaire aux abords du LM. Cela s’est produit lors d’Apollo 14 et les chaînes de télévision ont cessé leurs retransmissions aussitôt que les astronautes sont sortis du champ de la caméra…

Le parcours accompli par Conrad et Bean, photographié par la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO). © Nasa/LROC

Apollo 12 marque véritablement le premier pas de l’exploration humaine de la Lune. Son succès permettra d’envoyer Alan Shepard et Edgar Mitchell, lors d’Apollo 14, dans une ambitieuse randonnée à 1,5 km du LM, au sommet d’une colline d’une centaine de mètres de haut.

 

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