Enquête : les satellites Starlink sèment la panique chez les astronomes

Photo : JL Dauvergne
La société américaine Space X compte lancer 42 000 satellites sur orbite basse afin de fournir une couverture internet mondiale. Notre enquête montre que les dommages pour l’astronomie, la radioastronomie et même la physique des particules vont être importants, même si l’entreprise d’Elon Musk tente de limiter l’impact.

Depuis janvier 2020, les astronomes constatent avec inquiétude que le ciel se dégrade. Ils voient passer des trains de satellites très brillants toujours plus nombreux. Il s’agit des satellites Starlink de la société privée Space X. Envoyés dans l’espace par lots de 60, ils se déploient en quelques semaines sur leur orbite définitive à 550 km. « Cela fait un peu science-fiction. À quoi ressemblera le ciel dans le futur si on voit tous ces satellites en même temps ? Évidemment, cela gâchera complètement la beauté du spectacle nocturne », s’inquiète Emmanuel Jehin, de l’université de Liège.

L’entreprise d’Elon Musk n’a pour le moment placé que 600 satellites en orbite. Mais elle compte en lancer environ 1500 d’ici à fin 2020, pour commencer à rendre opérationnel le service d’internet haut débit accessible de partout sur la Terre. À moyen terme, Space X a déjà l’autorisation des autorités américaines pour lancer 12 000 satellites. Et à l’automne 2019, elle a déposé une autre demande pour en envoyer 30 000 de plus !

« Pour le moment, il n’y a pas d’impact significatif pour l’essentiel des observatoires, avec l’exception notable des télescopes à champ large dédiés à faire de grands relevés célestes, constate Yuri Beletsky, de l’observatoire américain de Las Campanas, au Chili. Mais nous ne sommes qu’au début. Bien d’autres satellites vont être lancés par d’autres sociétés privées. » Comme One Web (plus de 5 000 satellites), Amazon (3 200), Samsung (4 700) et Boeing (3 100). Facebook est également sur les rangs, mais reste flou sur ses ambitions. Pour l’heure, Starlink reste le principal sujet de préoccupations, car c’est le projet le plus avancé et le plus ambitieux.

La politique de l’autruche

En réponse à l’inquiétude grandissante des astronomes, Elon Musk tweetait le 27 mai 2019 : « Il y a déjà 4 900 satellites en orbite, que les gens remarquent environ 0 % du temps. » Tout bon astronome amateur ou professionnel rit jaune en lisant cela. De surcroît, cette affirmation oublie de mentionner que bon nombre des satellites existants ne sont pas en orbite basse (et sont donc peu visibles). Et de poursuivre : « Starlink ne sera vu par personne à moins de regarder très attentivement et aura un impact d’environ 0 % sur les progrès de l’astronomie. » Le milliardaire concluait d’une ultime irrévérence vis-à-vis de nombreux observatoires actuels et des grands projets de demain comme l’ELT, le GMT, l’observatoire Vera Rubin (LSST) ou le TMT : « De toute façon, nous devons placer les télescopes en orbite. L’effet d’atténuation de l’atmosphère est terrible. » Hélas, plusieurs études montrent que l’impact de Starlink sera fort dans de nombreux domaines.

Jusqu’à 30 % des images astronomiques dégradées

Cette photo a été prise le 18 novembre 2019 avec le télescope Victor Blanco de 4 de l'observatoire Cerro Tololo au Chili montre l'impact des satellites Starlink sur les images. Crédit :NSF National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory.  

En théorie, la magnitude des satellites Starlink devait être comprise entre 3,2 et 7,5 d’après une étude publiée par Olivier Hainaut, de l’Observatoire austral européen (ESO). Une autre étude conduite l’Américain Anthony Mallama indique une magnitude moyenne de 4,63 — donc 3 fois plus brillants que les étoiles les plus faibles visibles à l’œil nu. Pour les télescopes professionnels, la crainte la plus forte porte sur l’observatoire Vera Rubin, en construction au Chili.

Toutes les nuits pendant 10 ans, ce télescope de 8,4 m prendra 1 000 photos avec sa caméra de 3,2 milliards de pixels couvrant un champ large comme 6 Pleines Lunes ! Ce projet à 1 milliard de dollars n’a pas encore fait sa première image, prévue pour fin 2022, qu’il est menacé de voir 30 % de ses données impactées. Et dans son cas, il ne s’agit pas de simples traînées dans des images. Il est si sensible que le passage des satellites dans le champ provoquerait un effet de saturation du capteur avec débordement sur les pixels voisins (blooming).

Des flashes 10 000 fois plus lumineux que prévu

La crainte est d’autant plus légitime qu’en mars, plusieurs observations ont montré que la réalité est pire que ce que les astronomes ont simulé. Bernard Tregon, ingénieur de recherche au CNRS et astronome amateur installé dans le Périgord, en témoigne : « Le 26 mars, j’ai vu monter du sud-ouest un satellite un peu plus brillant que les autres. Puis un deuxième quelques degrés derrière, un troisième… Il s’agissait des Starlink 4, lancés le 17 février 2020. Un défilé continu et ininterrompu. Les magnitudes annoncées par le site Heavens Above étaient très largement en deçà de ce que j’avais sous les yeux. Chacun de ces satellites était plus brillant que Bételgeuse. Et en les suivant dans le temps, certains ont montré des sursauts de luminosité de plus en plus intenses, au point de devenir plus lumineux que Vénus. Je n’avais jamais vu de satellite d’un tel éclat, même pas les Iridium ! »

De nombreux amateurs ont rapporté le même phénomène et il a immédiatement été analysé par les astronomes professionnels. « Dans certains cas, la magnitude des satellites est devenue 10 000 fois supérieure aux prévisions », confirme Anthony Mallama. La vidéo suivante illustre bien le phénomène.

Starlink flaring, 17th April 2020 from Italy from Richard Cole on Vimeo.


Ce sursaut de 10 magnitudes a été observé sur des satellites situés entre 380 et 425 km d’altitude. Il survient quand le satellite est dans la direction du Soleil. Dans cette configuration, il se comporte soudainement comme un miroir.

Space X considère enfin le problème

Lors de la « 2020 Satellite Conference » à Washington, début mars, Elon Musk minimisait le problème : « Je pense que nous n’aurons aucun impact sur les découvertes en astronomie. Zéro, c’est ma prédiction. Nous mettrons en œuvre des corrections sur nos satellites s’il s’avère que c’est plus que zéro ». On note tout de même un infléchissement dans le discours : en évoquant des corrections sur les satellites, il reconnaît qu’ils posent un souci.

En fait, le 6 janvier a eu lieu un lancement de 60 Starlink, dont un prototype, le n°1130. Surnommé Darksat, il est supposé limiter la signature lumineuse. Les parties les plus réfléchissantes sont les panneaux solaires et les antennes de communication. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’impact des panneaux solaires est limité en raison de leur orientation. En revanche, les quatre antennes de communication sont par nature dirigées vers la Terre. Sur le Darksat, elles ont été peintes en noir au lieu de blanc.

Sur les Darksat, les antennes sont peintes en noir. 

Discuter plutôt que combattre

Cette évolution fait suite à la mobilisation des astronomes professionnels et du grand public. Cette stratégie est légitime, mais des pétitions peuvent-elles stopper un projet aussi coûteux ? L’American Astronomical Society (AAS) et l’Union astronomique internationale (UAI) ont eu une approche plus pragmatique, comme le raconte Yuri Beletsky : « Leur idée est de collaborer avec Space X pour trouver des solutions, car les chercheurs les plus influents de l’AAS pensent que les entreprises spatiales peuvent faire tout ce qu’elles veulent. Se battre contre elles est donc perdu d’avance. Il y a plus à tirer d’une approche collaborative. »

Depuis que le Darksat a été lancé, les astronomes ont pu évaluer l’efficacité de cette approche. Hélas, le gain escompté n’est pas au rendez-vous. Non seulement ce traitement noir pose des problèmes thermiques sur le satellite, mais de plus, sa diminution d’éclat n’est pas aussi efficace qu’escomptée. L’étude menée par J. Tregloan-Reed (Centre d’astronomie d’Antofagasta) montre un gain de 0,77 magnitude, soit une diminution d’un facteur 2. Anthony Mallama (université de Lancaster) constate, quant à lui, un gain de 1,6 magnitude, soit une diminution d’éclat de 78 %. Une troisième publication par Tony Tyson (observatoire Vera Rubin) note un gain de 1 magnitude. La disparité de ces résultats indique que l’efficacité du revêtement noir dépend fortement de la configuration du satellite par rapport à l’observateur et au Soleil.

Pour résumer, la solution Darksat rend les satellites discrets à l’œil nu, mais elle est insuffisante pour des observatoires comme Vera Rubin.

L’observatoire Vera Rubin en tête des concertations

Ses astronomes sont d’ailleurs en première ligne des discussions avec Space X. « De nouvelles solutions ont été proposées par SpaceX et elles pourraient en fait diminuer significativement la luminosité des satellites. L’avancée principale est le système Visorsat. Il s’agit de volets qui bloquent l’essentiel de la lumière du Soleil », indique Bob Blum, directeur des opérations au Vera Rubin.

Un prototype de Visorsat a été lancé le 4 juin 2020 en même temps que 59 autres satellites. « À ce stade, nous sommes prudemment optimistes sur le fait que ces mesures vont rendre le problème gérable, mais nous ne le saurons pas avant un moment. Les traces de ces satellites resteront de toute façon visibles dans le champ de notre télescope. Nous devons faire des études pour en évaluer précisément l’impact », poursuit Bob Blum.

« Par rapport au Darksat, nous espérons que Visorsat fera encore gagner une magnitude », complète son collègue Tony Tyson. Les satellites pourraient donc devenir quasiment 10 fois moins brillants qu’actuellement. Space X compte également jouer sur l’orientation des satellites pour limiter l’effet des panneaux solaires en particulier lors de leur phase de mise sur orbite. Au final, ils assurent que leur « objectif est que les satellites Starlink aient une magnitude de 7 ou plus pour presque toutes les phases de leur mission. »

Sur les Visorsat des volets font de l'ombre sur les antennes. 

Ils ne seraient donc pas visibles à l’œil nu l’essentiel du temps. Quant à l’observatoire Vera Rubin, « les traînées seront toujours visibles, mais pas saturées. Cela signifie que nous aurons moins de problèmes dans l’analyse des données, mais nous devrons néanmoins les masquer », précise Tony Tyson. Ce qui aidera à ne pas saturer les images lorsqu’un satellite passera dans le champ, c’est que leur taille apparente n’est pas ponctuelle. Avec un télescope de 8,4 m, une distance de 550 km n’est pas encore l’infini d’un point de vue optique. Ils apparaîtront légèrement flous, ce qui élargit leur taille à 3 secondes d’arc, soit 15 pixels.

En général, les satellites ne sont pas visibles en milieu de nuit. Le problème se pose le plus au crépuscule. Tony Tyson estime que 40 à 90 % des images prises en début et en fin de nuit seront impactées (selon le nombre effectif de satellites mis en orbite). « Cela posera un problème pour les détections automatiques des astéroïdes qui croisent l’orbite de la Terre, que ces télescopes à grand champ cherchent à repérer », souligne Emmanuel Jehin. La crainte est d’autant plus fondée que les astéroïdes géocroiseurs les plus difficiles à détecter, et donc potentiellement les plus dangereux, sont ceux qui passent le plus clair de leur temps à l’intérieur de l’orbite de la Terre. C’est donc en observant sous un angle resserré avec le Soleil, en début et en fin de nuit, que l’on a le plus de chance de les trouver.

De nombreux télescopes professionnels concernés

Avec son grand champ de près de 10° carrés, l’observatoire Vera Rubin est naturellement très touché par les satellites Starlink. À l’opposé, des télescopes observant des champs très petits comme les Very Large Telescope au Chili ne seront impactés qu’à la marge : 0,2 % à 1,5 % des images selon le type d’observation effectué, d’après l’étude d’Olivier Hainaut. La publication de cette étude par l’ESO a un peu minimisé le problème, car il existe une multitude de télescopes dotés de champs plus ou moins larges.

Lorsque l’on regarde au cas par cas, on constate que bien souvent l’impact ne sera pas marginal. Par exemple, Stefano Gallozzi (INAF Observatorio, à Rome) a considéré le cas du Large Binocular Telescope, deux télescopes de 8,4 m installés sur la même monture au sommet du mont Graham, en Arizona. Le champ de vision est bien plus petit qu’à l’observatoire Vera Rubin avec 23x25 minutes d’arc (inférieur à la taille apparente de la Lune). Stefano Gallozi a estimé les nuisances avec 50 000 satellites en orbite basse pour tenir compte des différents projets en cours (Space X reste le premier contributeur avec l’annonce de 42 000 satellites). Le télescope verrait passer 30 satellites dans son champ chaque heure en moyenne. Les scientifiques savent traiter les images pour supprimer les traînées dans les images finales obtenues, mais la qualité des données est néanmoins dégradée.

Le Large Binocular Telescope est située en Arizona. 

Plus préoccupant, lorsqu’ils traitent leurs images, les astronomes réalisent un flat field qui permet de corriger les défauts de sensibilité sur le capteur. Sur un petit télescope, l’image de flat field utilisée pour faire ces corrections est réalisée en photographiant un écran blanc. Le LBT comme beaucoup d’autres grands télescopes est trop large pour procéder ainsi. Les astronomes produisent donc ce flat field à partir des images prises pendant la nuit, en utilisant le fond de ciel. « Si une fraction importante des images utilisées pour obtenir cette image de flat field sont impactées par les satellites, il sera impossible d’obtenir une image finale de bonne qualité. C’est alors toute la chaîne de traitement des données qui est impactée », souligne l’étude.

Un coût pour le contribuable

Au final, l’efficacité scientifique risque d’être altérée de 30 à 40 % selon les chercheurs. « La perte dans les investissements publics derrière toutes les infrastructures astronomiques est proportionnelle à la perte de données scientifiques », soulignent-ils par ailleurs. Un télescope comme le LBT coûte 60 000 à 80 000 € par nuit en exploitation, et ce coût est représentatif de celui de la quinzaine de télescopes de plus de 8 m à travers le monde. Sur l’ensemble des télescopes sur Terre le coût lié à la perte d’efficacité des instruments se chiffre donc en centaines de millions d’euros, voire en milliards.

La radioastronomie mise en danger

La menace pour les observations optiques est la première qui vient à l’esprit, mais une grosse inquiétude plane aussi sur les observatoires radio. « La radioastronomie est fortement impactée par les télécommunications. Pour illustrer ça, un téléphone mobile de 0,5 W placé sur la Lune peut apparaître aussi brillant que certaines sources astrophysiques que j’étudie », souligne Wael Farah, de l’Institut SETI.

Ainsi, dès 1959, la World Radio Conference a défini les besoins des radioastronomes et d’autres utilisateurs. Il a été établi que la radioastronomie doit être reconnue et prise en considération par l’International Telecommunication Union, une agence des Nations Unies. « Il existe des règles de protection par bande de fréquences », explique Ivan Thomas, responsable de la gestion des fréquences pour la radioastronomie en France. Ainsi, le traité de 1959 a défini une protection particulière pour les bandes d’émission de l’hydrogène, de l’hydroxyle, et du deutérium. « La pollution des bandes de fréquences observées par les radiotélescopes peut néanmoins survenir lors des échanges entre les satellites et le sol. Dans le sens espace-Terre, satellites et radiotélescopes ne partagent pas les mêmes fréquences, mais le problème, c’est qu’une bande de fréquences de communication peut “baver” dans une bande utilisée pour l’observation. »

En effet, dans la publication « Concern about Ground Based Astronomical Observation », Stefano Gallozzi rapporte une étude de cas sur les satellites Iridium. « Il leur a été attribué la bande 1 618,85 MHz à 1 626,5 MHz, voisine de bande d’émission de l’hydroxyle : 1 610,3 à 1 613,8 MHz. Leur système produit des interférences radio espacées de 333 kHz, qui s’étendent bien au-delà de la fenêtre qui leur a été allouée. » Ce type d’interférences rend le traitement des données plus complexe et dégrade leur qualité.

La difficulté vient aussi du fait que les zones du spectre protégées ont été définies il y a plus d’un demi-siècle. Depuis, la science a progressé. Des bandes d’émission d’autres molécules ont été découvertes comme celles de l’eau et du monoxyde de carbone. « Les zones protégées sont très étroites, et parfois ne montrent qu’une partie du tableau d’ensemble de l’objet que l’on étudie. Donc 99 % du temps, on s’aventure en dehors de ces bandes réservées », souligne Wael Farah.

L’autre solution pour protéger un observatoire est d’éviter que les satellites n’envoient un signal vers eux. « C’est possible si la zone instantanée couverte par le satellite est suffisamment petite (moins grande qu’une partie du territoire), mais pour l’opérateur, cela génère des contraintes opérationnelles, de la complexité… surtout avec 40 000 satellites », estime Ivan Thomas. Space X s’est en tout cas engagé à ne pas émettre vers l’antenne de Greenbank géré par le NRAO. C’est quelque chose de possible, car les antennes utilisent une technologie de phasage qui permet de diriger le faisceau vers les utilisateurs.

Et vu que Greenbank est dans une « Radio Quiet Zone », il n’y aura de toute façon pas d’utilisateurs des services de Space X dans le voisinage du télescope. « On peut aussi essayer d’éviter d’observer dans les zones du ciel où se trouvent les satellites. Habituellement, on sait où se trouvent les satellites commerciaux. Avec les Starlink, c’est plus compliqué car ils vont régulièrement changer de position », craint Wael Farah. En effet, les Starlink doivent communiquer entre eux et appliquer des corrections d’orbite automatiquement pour conserver un maillage régulier.

La physique des particules également touchée

Autre domaine concerné : les observatoires Cherenkov. Ces grands télescopes observent l’arrivée dans l’atmosphère de rayons gamma de très haute énergie. En interagissant avec les molécules de l’air, ces rayonnements déclenchent une cascade de photons bleus. Elle est ténue et ne peut être détectée qu’au moyen de capteurs extrêmement sensibles. Dans les observatoires Cherenkov, comme HESS en Namibie, les astronomes font la chasse à la moindre lumière parasite pour ne pas perturber les détecteurs. La multiplication des satellites en orbite basse va donc multiplier la gêne pour ces instruments.

L'observatoire HESS en Namibie

Stefano Gallozzi a estimé qu’à chaque instant il y aurait 23 satellites dans le champ d’un télescope comme celui de 28 m installé à l’observatoire HESS et qu’ils mettront 79 secondes en moyenne à traverser le champ. Pour limiter leur impact, les chercheurs peuvent jouer sur les seuils de détection de leurs caméras au risque de manquer certaines détections de rayons gamma. « Ces satellites vont en tout cas augmenter la luminosité du fond de ciel pour un certain nombre de pixels. Par exemple, un satellite de magnitude 7 va plus que doubler la valeur du fond de ciel pour un pixel donné. Des pixels avec un fond de ciel plus élevé peuvent dégrader la reconstruction de l’image Cherenkov », alerte Stefano Gallozzi.

Maintenir la pression sur Space X

Les impacts des satellites Starlink sur la science sont donc multiples, mais il semble vain d’espérer l’arrêt des lancements. En effet, Elon Musk s’est engouffré dans un vide juridique et a reçu la bénédiction des autorités américaines.

En revanche, la pression de la communauté astronomique a porté ses fruits pour limiter la nuisance. Il y a quelques mois encore, on craignait voir d’ici à quelques années un ciel ponctué par moment de plus de 500 points mobiles. Les dernières avancées laissent penser qu’ils seront invisibles à l’œil nu l’essentiel du temps ; ce point reste néanmoins à confirmer en suivant le déploiement du Visorsat expérimental sur son orbite définitive. Yuri Beletsky estime d’ailleurs qu’il est important de maintenir la pression sur Space X. « Ce que vous pouvez faire en tant qu’astronome amateur, c’est de prendre des photos. Essayer de saisir autant de Starlink que vous pouvez pour montrer comment ils menacent la beauté du ciel nocturne. Présenter sur les réseaux sociaux la photo du même astre avec et sans les satellites de Space X est très parlant. »

Ces satellites gênent d’ailleurs notablement la pratique de l’astronomie amateur. « Nous allons avoir de plus en plus de travail pour traiter nos photos, confirme l’astrophotographe portugais Miguel Claro. Mais en fait, ce qui me préoccupe le plus, c’est la planète elle-même. Nous produisons de plus en plus des tonnes de débris qui polluent notre environnement spatial, alors qu’il est urgent de prendre soin de la Terre. » Dès lors, beaucoup d’astronomes espèrent de nouvelles réglementations.


Prochainement : le second volet de cette enquête, qui abordera les aspects économiques et juridiques.

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