« Quelle mouche a piqué la ministre de la Culture, de vouloir délocaliser le Palais de la Découverte ? » Parmi les prises de parole qui se succèdent sur les marches de l’Académie des sciences, à Paris, ce mardi 8 juillet à 18 h, celle de la maire du VIIIe arrondissement, Jeanne d’Hauteserre, est sans aucun doute l’une des plus percutantes. La charge, menée dans un langage poli, n’en est pas moins féroce. L’élue rappelle que le Palais de la Découverte a ouvert ses portes en 1937 et qu’elle ne peut que défendre sa réinstallation dans le même lieu, le Palais d’Antin, après quatre années de travaux de rénovation.
Une réouverture reportée sine die
Car le Palais de la Découverte est directement menacé. Alors que sa réfection était terminée et que sa réouverture partielle était annoncée pour le 11 juin 2025, les salariés apprenaient le 20 mai son report sans aucune nouvelle date. Le 12 juin, Bruno Macquart, président de l’Établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie (Universcience), était destitué. À la manœuvre, les deux ministères de tutelle de l’institution, à savoir ceux de la Culture et de la Recherche.
Depuis, le flou le plus complet règne sur l’avenir du vénérable établissement de médiation scientifique. C’est la raison pour laquelle, scientifiques et médiateurs du Palais avaient organisé une manifestation avec prises de parole le 8 juillet sur le parvis de l’Académie des sciences. Les orateurs, physiciens, mathématiciens, astrophysiciens se sont succédé pour défendre avec force arguments la spécificité du Palais de la Découverte : un lieu de médiation humaine. En effet, concernant l’astronomie, en dépit des avancées techniques, le planétarium du Palais n’a jamais cessé de fonctionner par l’entremise d’animateurs présents dans la salle. Avec des humains accessibles, capables de répondre aux réactions et aux questions du public. Pour les autres sciences aussi, le contact humain direct et l’expérimentation ont toujours été le fer de lance de ce musée unique au monde.
«La science est dans nos vies »
Dans le concert des interventions, ce 8 juillet, les arguments sont pesés, solides, implacables. L’astrophysicien Jean-Philippe Uzan martèle que « ce musée de sciences qui côtoie un musée d’art est connu dans le monde entier comme un joyau de Paris. Il dispense un savoir incarné, humain. Il est populaire car il parle à tout le monde et il vulgarise les sciences fondamentales. » D’autres ajoutent que « s’attaquer au Palais de la Découverte, c’est s’attaquer aux valeurs de la république ». Ou rappellent que « la science est dans nos vies ».

Sauf que… La trentaine de défenseurs des sciences regroupés derrière la banderole « Non à la mort du Palais de la Découverte » ne parlent à personne. Le parvis est vide. Les touristes continuent à passer, indifférents, sur le pont des Arts situé juste en face, sans s’arrêter. La presse n’est pas là. Hormis l’AFP, seul Ciel & Espace a fait le déplacement. En cause, une communication rendue tardive par le délai d’autorisation de la manifestation qui n’a été accordée que le jour même. Ce désert, face auquel les scientifiques prêchent, c’est le symbole d’une lutte déséquilibrée : d’un côté, une pensée structurée avec des projets argumentés ; de l’autre, le néant instauré par la brutalité de décisions à l’avenant ou aux intentions cachées. Car c’est l’un des problèmes de l’annulation de l’ouverture du nouveau Palais de la Découverte : nul n’en connait la raison.
L’un des orateurs indique qu’un jour plus tôt, une réunion a eu lieu entre le président de la République et les deux ministres concernés et qu’un arbitrage devrait être rendu « dans quelques semaines ». Exactement ce qui avait été dit quelques semaines plus tôt. Sans effet. Avec une crainte supplémentaire : celle de voir une décision tomber en plein mois d’août, quand la plupart des salariés seront en vacances et que les 110 000 signataires de la pétition rédigée pour défendre le Palais auront le dos tourné.
Menace sur la Cité des Sciences
Cette prise de parole a également été l’occasion pour ses acteurs d’alerter sur une seconde menace qui plane : celle qui concerne la Cité des Sciences et de l’Industrie (CSI), toujours à Paris. Le bâtiment érigé dans les années 1980 va en effet devoir subir une cure d’entretien approfondie. Sa rénovation, estimée à 1,4 milliard d’euros, arrive comme une raison de questionner sa pertinence même. Ainsi, dans une lettre de mission du 21 mai adressée aux inspections générales des finances, des affaires culturelles et de l’éducation, Élisabeth Borne (ministre de la Recherche), Rachida Dati (ministre de la Culture) et Amélie de Montchalin (ministre des Comptes publics) souhaitent évaluer l’ensemble du projet. Cela, en guidant la direction vers laquelle aller, puisque les inspections concernées ont pour ordre d’examiner les scénarios suivants :
- La démolition du bâtiment actuel et la reconstruction d’un nouveau bâtiment
- La relocalisation de la CSI et de ses activités
- La mutualisation de la CSI avec d’autres occupants et de nouveaux usages
- Le resserrement des activités et de l’enveloppe bâtimentaire, avec une valorisation du foncier libéré
Les organisateurs de la manifestation du 8 juillet 2025 déplorent que la lettre ne contienne aucune allusion au projet scientifique d’un site qui, jusqu’ici, accueille 1,5 million de visiteurs par an. En d’autres termes, la diffusion de la culture scientifique semble avoir été oubliée, ce qui n’augure rien de bon quant à l’avenir de la Cité des sciences.
En conclusion, Jean-Philippe Uzan affirme : « La science est une action politique. » Les menaces qui planent désormais sur le Palais de la Découverte et sur la Cité des sciences émanent justement de responsables politiques. Dans un contexte actuel de mépris des sciences aux États-Unis et dans plusieurs pays, elles laissent la désagréable impression que le même vent contraire souffle aussi en France.