Eau sur Mars : une histoire épisodique ?

Ladon Valles par Mars Reconnaissance Orbiter. © Nasa/JPL-Caltech/Univ.Arizona
L’analyse d’observations récentes a révélé la présence de sédiments argileux dans le bassin de Ladon, à différentes périodes, démontrant une histoire de l’eau sur Mars plus longue qu’escomptée. Mais difficile de trancher sur son caractère durable ou épisodique.
Catherine Weitz, du Planetary Science Institute (Arizona). DR
Catherine Weitz

L’existence d’eau dans le passé de la planète Mars fait consensus chez les astronomes à l’heure actuelle. Mais son histoire, elle, reste incertaine. Que l’on parle d’un océan, de lacs, ou de zones inondées de façon épisodique, il est difficile de s’accorder sur un scénario. Entre les preuves géologiques, climatiques et minéralogiques, il faut réunir beaucoup d’éléments pour pouvoir affirmer quoi que ce soit. Et pourtant, le débat est en pleine effervescence.

C’est dans ce cadre qu’une observation récente menée par Catherine Weitz, du Planetary Science Institute en Arizona, apporte un argument supplémentaire. À partir de données de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, son équipe a mis en évidence des sédiments argileux s’étendant sur plus de 200 km dans le bassin de Ladon, au sein de Margaritifer Terra, région proche de l’équateur martien. L’altitude et la distribution de ces argiles favoriseraient un environnement lacustre durant le Noachien supérieur, voire l’Hespérien précoce, soit il y a environ 3,5 milliards d’années.

Des argiles ont été repérées sur des images de Land Valles prises de puis l’orbite par la sonde MRO. © Nasa/Hirise/Univ. Arizona
Des argiles ont été repérées sur des images de Land Valles prises de puis l’orbite par la sonde MRO. © Nasa/Hirise/Univ. Arizona

Dans une jeune chaine secondaire du cratère Holden, des dépôts similaires ont été trouvés d’un âge qui se rapprocherait de l’Amazonien précoce, soit il y a moins de 3 milliards d’années, ce qui signifierait une activité fluviale bien plus tardive que les conditions martiennes ne semblaient le permettre.

Conflits entre observations et modèles

François Forget et Martin Turbet, spécialistes du climat martien au Laboratoire de météorologie dynamique, restent dubitatifs : « Quand on observe des argiles, on se pose souvent la question de savoir s’ils ont été formés dans la structure géologique observée. Ils ont pu être déplacés, déposés comme du sable. L’origine de ces argiles n’est pas très claire. »

En effet, l’eau bouillante produite par la forte activité géothermale dans le bassin de Ladon à la même période pourrait également être à l’origine de ces sédiments hydratés. « Il y a des explications alternatives, on ne peut pas être sûrs qu’il y ait eu un grand lac », ajoutent-ils, concluant que « tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il est plus facile d’expliquer une histoire épisodique de l’eau sur Mars, mais cela paraît tout de même difficile. »

Et ils ne sont pas les seuls à pencher pour ce scénario. John Carter, expert en minéralogie martienne à l’Institut d’astrophysique spatiale, ne voit pas dans ces sédiments la preuve d’un environnement aqueux durable. « Les travaux issus du rover chinois Zhurong dévoilent de la silice hydratée dans les jeunes plaines du nord de Mars. De ce que l’on comprend de cette silice, celle-ci est peu stable en conditions aqueuses. Ainsi, elle n’a pas dû se former en présence de grandes quantités d’eau. Mais surtout, depuis sa formation, il est très peu probable qu’il y ait eu de l’eau liquide en surface de façon durable », explique le chercheur.

Et c’est bien là le cœur du débat, car selon John Carter, il est bien plus simple pour les modélisateurs d’expliquer une planète globalement froide et sèche avec des épisodes de climats humides restreints dans le temps permettant l’existence d’eau liquide en surface. Des hypothèses existent bien pour comprendre ces variations. Cependant les observations minéralogiques et géologiques en faveur d’une histoire épisodique de l’eau liquide manquent encore.

Une zone porteuse de preuves

John Grant, géologue au Center for Earth and Planetary Studies et co-auteur de la publication, reste également prudent : « La région de Margaritifer Terra est une bonne zone d’étude, car elle préserve certains des systèmes de vallées et de canaux les plus étendus de Mars. L’incision initiale de l’Uzboi-Landon-Morava, une série de canaux ayant transporté l’eau à la surface de Mars, a probablement commencé dans l’histoire ancienne de la planète, peut-être à la fin de l’ère Noachienne. Et il y a des preuves qu’une partie de l’eau a coulé plus tard, avec des ventilateurs alluviaux liés au cratère à proximité étant actifs encore plus tard dans l’Hespérien supérieur ou l’Amazonien précoce. Il y a donc une longue histoire d’écoulement d’eau dans et autour du bassin de Ladon, mais sa continuité par rapport à son caractère épisodique demeure incertaine. »

Il reste donc encore beaucoup à faire pour apporter une réponse définitive. Catherine Weitz et son équipe vont continuer à cartographier et à étudier Margaritifer Terra pour essayer de mieux comprendre l’histoire de l’eau qui coule dans et à travers la région et comment elle a pu contribuer à l’évolution régionale des systèmes de canaux au nord, comme Ares Valles. La question de la vie, elle, semble encore bien lointaine.

 

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