Le Starship effectue son plus long vol spatial

Crédit : Space X
Pour la troisième fois, Space X a lancé son attelage géant fait du booster Super Heavy et du vaisseau Starship. Ce vol d’essai, le plus accompli jusqu’à présent, n’a toutefois pas atteint tous les objectifs affichés.

En progrès mais peut mieux faire. Tel est peut-être le bilan qu’il faut tirer du troisième lancement du Starship au moyen du Super Heavy. Le plus gros vaisseau spatial du monde (120 m de haut, 9 m de diamètre et 5000 tonnes au décollage) s’est une nouvelle fois arraché à l’attraction terrestre depuis la base de Space X, à Boca Chica, au Texas. Il était 14 h 25 (heure française), ce 14 mars 2024 quand les 33 moteurs Raptor du Super Heavy ont rugi et emporté le Starship dans les airs. Ce premier étage haut de 70 m a parfaitement fonctionné pendant 2 min 44 s, durée prévue de sa propulsion.

Les six moteurs du Starship (ou deuxième étage) se sont alors allumés pour permettre au vaisseau de continuer sa course vers l’espace pendant 8 min et 35 s. À cet instant, à environ 200 km d’altitude, le Starship avait une vitesse voisine de 26000 km/h, légèrement inférieure à celle requise pour demeurer en orbite. Cela était prévu afin de lui donner une trajectoire balistique de rentrée atmosphérique.

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Un Super Heavy proche de réussir son retour

Par ce début de mission, Space X a d’ores et déjà dépassé les objectifs atteints lors du premier et lors du deuxième lancement, qui avaient eu lieu respectivement en avril et en novembre 2023.

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Pour ce vol d’essai, le Super Heavy devait, après sa séparation avec le Starship, allumer trois de ses moteurs pour effectuer une manœuvre de retour vers le sol (en l’occurrence la surface du golfe du Mexique). Et à la fin, treize de ses moteurs devaient se rallumer pour lui permettre de se poser en douceur sur l’eau. Les manœuvres de retour vers la mer se sont bien déroulées. Mais l’allumage des treize moteurs n’a pas eu lieu. Un seul s’est allumé. Résultat, le booster n’a pas été freiné suffisamment et a percuté la surface de l’eau avec une trop grande vitesse.

Un Starship exposé aux rigueurs de l’espace

Les autres objectifs concernaient le Starship. Le vaisseau de 100 tonnes et de 50 m de long a bien atteint l’espace et a pu y séjourner sans être détruit, contrairement au test précédent. Grâce à une caméra embarquée postée sur l’une des ailerons avant, il a été possible de voir qu’après l’extinction des moteurs, le bas du vaisseau a continué à expulser des gaz. En l’absence d’explication de Space X, on peut supposer qu’il s’agit de fuites. Si c’est le cas, sont-elles à l’origine du mouvement de rotation en tangage et en roulis observé pendant toute la suite du vol ?

Quoi qu’il en soit, cela n’a pas empêché le premier objectif spatial de ce vol d’être atteint, à savoir l’ouverture d’une trappe par laquelle, dans le futur, devraient être lancés des satellites Starlink. Une caméra située à l’intérieur du vaisseau a permis de voir la trappe ouverte, sans qu’il soit possible de dire si cette ouverture a été entièrement réussie ou non. Car lors de la fermeture, tentée 28 minutes après le décollage, il a semblé que tout ne se passait pas parfaitement.

Le deuxième objectif spatial, à savoir le test de transfert de carburant d’un réservoir à un autre a-t-il eu lieu ? Space X n’a rien communiqué à ce sujet. Quant au troisième objectif, le bref rallumage de trois moteurs principaux du Starship, il n’a pas été tenté. Est-ce en raison de fuites dans la baie contenant les moteurs ? Pas d’information à ce sujet pour l’instant.

Un début de rentrée atmosphérique spectaculaire

Quarante-neuf minutes après le lancement, comme prévu, le Starship a commencé son retour vers la Terre. Le vaisseau a culminé à 235 km d’altitude. Et quand il a commencé à se frotter aux couches denses de l’atmosphère, il n’était pas encore stabilisé en roulis et en tangage. La caméra extérieure a alors produit des vues inédites de la formation d’un plasma incandescent autour de l’un des ailerons arrière du Starship et sur une partie de sa coque couverte de tuiles de protection thermique. L’engin a semblé se stabiliser quelque peu sous l’action des ailerons mobiles, mais cela n’a pas duré. Les parties non protégées par les tuiles réfractaires se sont trouvées exposées à l’air ionisé. Alors que le plasma chaud s’est intensifié, la liaison de la télémétrie a cessé vers 65 km d’altitude, à une vitesse encore voisine de 25000 km/h laissant supposer à une destruction de l’appareil quelque part au-dessus de l’océan Indien.

L’air chauffé autour de l'aileron arrière et de la coque du Starship lors de la rentrée atmosphérique, filmé par la caméra embarquée. © Space X.

Bilan : des progrès mais pas autant qu’escompté

Le Super Heavy et la Starship ont été détruits. Pour le premier, le succès d’un amerrissage à faible vitesse contrôlé n’était pas loin. Pour le second, outre une excursion dans l’espace plus longue que la fois précédente (l’exemplaire précédent avait explosé rapidement lors d’une tentative de purge de réservoirs), la copie semble à revoir plus en profondeur. Le vaisseau a survécu au vide spatial, certes, mais il est resté animé d’un mouvement quelque peu erratique, peut-être à cause d’une fuite au niveau des moteurs. La trappe de déploiement des Starlink a été ouverte mais comment ? Quant au transfert de carburant et au rallumage des moteurs, rien à leur sujet. À la fin, la rentrée dans l’atmosphère a été non contrôlée et a conduit à la destruction du vaisseau.

Par conséquent, Space X a fait des progrès par rapport au vol d’essai précédent en ce que les obstacles qui avaient mis fin au vol ont été surmontés. Mais les nouveaux objectifs affichés n’ont été que partiellement atteints (manœuvre de retour du Super Heavy et ouverture de la trappe pour les Starlink).

 

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