Le Sénégal observe pour la NASA un astéroïde qui sera visité par une sonde spatiale

Pour la seconde fois, le Sénégal a uni ses forces pour venir épauler la NASA. L’objectif est de préparer le survol de l’astéroïde Polymèle par la sonde Lucy en 2027. Dans le contexte très particulier de la crise sanitaire, les Sénégalais ont eu le renfort d’un petit groupe de chercheurs européens.

Dans la nuit du 23 au 24 septembre 2020, l’astéroïde Polymèle passait devant une étoile. Cet événement rare a fait l’objet d’une attention toute particulière de la Nasa, car la sonde américaine Lucy doit le survoler en 2027. Le phénomène a été observé au Sénégal en collaboration étroite avec des astronomes venus de Nice, Toulouse, Paris et Louvain. Ces chercheurs étaient soutenus dans ce projet notamment par l’IRD et le CNRS.

Un vestige de la formation du Système solaire

Vue d’artiste de la mission Lucy qui partira à destination sdes astéroïdes troyens de Jupiter. © Nasa

Lorsqu’un astéroïde passe devant une étoile, il est possible de mesurer sa taille, voire sa forme. L’observer dès maintenant permet donc de préparer son survol par la sonde Lucy. Polymèle fait en effet partie des six cibles que Lucy doit visiter. Il s’agit d’un Troyen, c’est-à-dire un astéroïde « piégé » gravitationnellement par Jupiter et qui partagent son orbite (aux points de Lagrange). Ces astres ont un intérêt majeur car il s’agirait de vestiges de la formation du Système solaire comme nous l'expliquaient deux chercheurs impliqué dans la mission Lucy. Ils seraient donc semblables à Arrokoth, survolé le 1er janvier 2019 par la sonde New Horizons. Autrement dit, ce seraient des corps non modifiés depuis leur création.

Cette campagne d’observation depuis la Terre est pilotée par Marc Buie. Cet astronome du SWRI (Boulder, Colorado) était d’ailleurs déjà à la tête des campagnes d’observation d’Arrokoth par occultations. Comme celle menée en août 2018 au Sénégal, qui avait été déterminante pour programmer la séquence de prise de vue de New Horizons. Nous avions consacré un reportage à cet évènement.

Des liens tissés entre la Nasa et le Sénégal

Lors de l’occultation de 2018, une collaboration très forte est née entre le Sénégal, à travers l'ASPA présidée par Maram Kaire, et Marc Buie pour la Nasa. Le chercheur s’est appuyé sur celle-ci pour l’occultation de Polymèle. « Organiser cette observation a été un défi en raison de la crise du Covid-19. Les Américains ont envoyé les 14 télescopes à l’avance sans avoir la certitude que l’observation puisse avoir lieu. Eux n’avaient pas d’autorisation pour aller au Sénégal, et de notre côté ce n’était pas acquis d’avance », explique David Baratoux, directeur de recherche à l’IRD. Ils ont dû décrocher les autorisations de nombreuses autorités de tutelle pour effectuer le déplacement, car actuellement le Sénégal est fermé aux touristes.

La Nasa a mis à disposition 14 télescope de 20 cm de diamètre.

Les facéties de la météo

Finalement, les six chercheurs européens ont pu rejoindre sur place 30 Sénégalais, étudiants, universitaires, chercheurs ou simples passionnés de science. Certains d’entre eux observaient pour la toute première fois. Ensemble, ils se sont entraînés intensément pendant trois jours en vue de l’occultation. « Il a fait très beau pendant cette préparation. Mais le soir de l’occultation, le temps s’est dégradé avec la formation d’une cellule orageuse sur notre zone », raconte David Baratoux. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de l’occultation d’Arrokoth en 2018 ou encore celle d’une étoile par l’astéroïde Oros le 4 novembre 2019 ; lire notre reportage dans le Ciel & Espace n° 569.

Le jour J, les Sénégalais ont observé en autonomie par binômes et les chercheurs européens ont fait la navette d’un site à l’autre pour aider à résoudre les éventuelles difficultés techniques. Au final, dix stations ont pu être déployées malgré la météo capricieuse, mais seulement trois ont bénéficié d’un ciel clair pendant l’occultation.

Ci-dessous la carte montrant la répartition des télescopes.

Finalement, le succès !

« Deux stations étaient en dehors de la zone de visibilité, mais une était proche de la ligne centrale. On ne peut pas encore donner de chiffres précis, mais il semble que l’objet soit plus gros que prévu », détaille François Colas, astronome à l’IMCCE. Sa taille est actuellement estimée à une vingtaine de kilomètres et ce paramètre fait typiquement partie des informations clés pour programmer le survol de la sonde.

Il faudra encore de nombreuses observations pour mieux connaître les cibles de la sonde Lucy. Plusieurs autres occultations sont indiquées sur le site de la mission. Notamment un beau rendez-vous de Polymèle dans tout juste un an, visible en Espagne.

 

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