Le vertige. Voilà sans doute comment décrire la sensation provoquée par les premières images du tout nouvel observatoire Vera Rubin, construit au Chili. Elles ont été révélées ce lundi 23 juin 2025 par la collaboration internationale menée par la Fondation nationale pour la science et le département de l’Énergie des États-Unis.

L’observatoire Vera C. Rubin abrite le Large Synoptic Survey Telescope (LSST), de 8,4 m de diamètre. L’instrument dispose de la plus grande caméra du monde : 3,2 milliards de pixels ! En trois jours, il est capable de scanner l’entièreté du ciel visible depuis le sommet du Cerro Pachón.
Révélant deux parties de l’amas de la Vierge, mais aussi une vue saisissante des nébuleuses Trifide et de la Lagune, ces images spectaculaires ont pour objectif de démontrer les capacités inédites du Vera Rubin. Finalisé après plus de vingt ans de conception et de travaux, l’observatoire qui porte le nom d’une pionnière de la matière noire va révolutionner quatre domaines de l’astrophysique : l’étude de l’énergie sombre ; la cartographie de la Voie lactée ; le recensement du Système solaire ; la surveillance des phénomènes transitoires.
Des détails fins sur un champ gigantesque
« Quand j’ai vu ces premières images, j’étais sous le choc », réagit Dominique Boutigny, du Laboratoire d’Annecy de physique des particules. « On a beau connaître théoriquement les capacités de l’instrument, le résultat est vraiment impressionnant », précise ce chercheur impliqué dans ce projet depuis de nombreuses années.

La photographie des nébuleuses de la Lagune et Trifide résume le gigantisme de LSST (ci-dessus). Elle est seulement 30 % plus large que le champ du télescope, et couvre pourtant une surface de la voûte céleste grande comme 47 pleines Lunes.
Quant aux deux photographies de l’amas de la Vierge, elles représentent seulement 1/15 et 1/50 du champ du télescope (respectivement la 1re et la 2e photo ci-dessous). Mais elles comportent déjà plusieurs dizaines de milliers de galaxies. Et révèlent des détails fins, comme les ponts de marée bien définis entre les trois galaxies du groupe RSCG 55, en forte interaction gravitationnelle les unes avec les autres (3e photo). Ou encore ceux qui relient NGC 4261 et NGC 4270.



« Quatre filtres ont été utilisés [sur les six que comporte la caméra, NDLR] pour produire ces images. Nous les avons combinés différemment pour le champ des nébuleuses et celui de l’amas de la Vierge étant donné leur caractère très différent », détaille William O’Mullane, qui dirige la gestion des données à l’observatoire. Deux ont permis de capter les longueurs d’onde visibles par l’œil humain, un les ultraviolets et le dernier, l’infrarouge proche.
Au terme des 10 ans du relevé baptisé Legacy Survey of Space and Time, principale tâche du Vera Rubin, l’ensemble du ciel austral aura été imagé 800 fois. Ces images donnent ainsi un bon aperçu de ce que permettra de voir l’instrument.
Une formule optique unique
« Ce qui frappe, c’est la profondeur des images. Avec une seule pose de 30 s, on atteint déjà la magnitude 23. C’est dingue ! » commente Dominique Boutigny. « Cela est permis par la formule optique très particulière du télescope : un grand miroir de 8,4 mètres de diamètre ouvert à 1,23 », explique l’astronome.
Avec plus d’un millier de poses accumulées, l’instrument dévoile alors des astres jusqu’à une magnitude supérieure à 27 dans le visible. À la fin du relevé, ce seront quelque 20 milliards de galaxies, 17 milliards d’étoiles, 10 millions de supernovas et 6 millions d’objets du Système solaire qui auront ainsi été photographiés. Et pourquoi pas parmi eux l’hypothétique « Planète 9 » imaginée par certains ?


Encore en phase de mise en service, l’observatoire Vera Rubin devrait démarrer son LSST à la fin de cette année 2025. « En ce moment, il y a un gros travail sur la température du dôme et des miroirs, afin d’éviter le plus possible les turbulences internes », rapporte Dominique Boutigny. « On a déjà réussi à atteindre un seeing de 0,65 seconde d’arc. L’objectif est maintenant d’obtenir de type de performance de manière constante et sur l’ensemble du plan focal », ajoute l’astronome. Pour ce faire, le télescope pourra également s’appuyer sur son système innovant d’optique active — à lire dans notre reportage à paraître dans le Ciel & espace n°603.
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