J’observe le ciel à ma fenêtre, épisode 1 : à l’ouest, repérez Vénus et les Pléiades

© F. Villard/C. Birnbaum/C&E
Contre le coronavirus, la consigne est claire : #JeResteChezMoi ! Mais il y a tout de même un moyen de sortir à plus d’un kilomètre de son domicile sans prendre de risque : observer le ciel ! Voici un éventail d’observations simples à réaliser par la fenêtre ou depuis votre balcon. Commençons par l'ouest…

Il se passe toujours quelque chose dans le ciel. Il suffit de savoir où et quand regarder. Pendant la durée du confinement, chacun peut s’essayer à l’observation, à condition d’avoir au moins une portion de ciel visible depuis sa fenêtre. Si vous avez, à la campagne, un jardin avec un horizon dégagé, évidemment c’est la meilleure situation. Mais même en ville, sous un ciel altéré par les éclairages urbains, il peut y avoir quelque chose à voir.

Nous allons vous indiquer quelques observations à tenter en fonction de la portion de ciel à laquelle vous avez accès. Nous avons éliminé tout ce qui se trouve bas sur l’horizon (en ville, il est rare de ne pas avoir un immeuble en face de ses fenêtres) et trop haut dans le ciel (de même, il est difficile de viser un point proche du zénith). Ce premier épisode concerne les astres visibles à l'ouest au fil de la nuit. Demain et les jours suivants, nous explorerons les autres points cardinaux.

Tout d’abord quelques conseils pour bien observer

Si vous observez à l’œil nu ou aux jumelles, il n’y a guère de consigne à respecter. Depuis une fenêtre, le mieux est quand même d’ouvrir celle-ci. Le verre utilisé pour nos vitres n’est pas de qualité optique et regarder une étoile avec des jumelles à travers peut donner des figures assez exotiques.

Si vous possédez une lunette ou un télescope, vous aurez probablement remarqué que la plupart des guides d’observation déconseillent d’observer depuis une fenêtre. En effet, ce n’est pas idéal. Outre le champ de vision réduit, la différence de température entre l’air intérieur (chauffé) et l’air extérieur crée des turbulences locales assez fortes. Ces turbulences vont brouiller les images de votre instrument et vous aurez du mal à voir des détails nets sur la surface de la Lune par exemple.

Il existe cependant une solution : cesser de chauffer la pièce, l’isoler des autres pièces en fermant la porte et ouvrir la fenêtre pendant au moins 30 minutes avant vos observations. Pendant cette durée, laissez votre instrument dans la pièce afin qu’il prenne lui aussi la température extérieure. Alors, vous pourrez détailler la Lune et les planètes et voir les détails les plus petits si le ciel est stable.

Un dernier conseil : évitez de vous lancer dans cette opération de mise en température si vous constatez que les étoiles situées assez haut dans le ciel scintillent fortement : cela indique que l’atmosphère est turbulente et que votre qualité d’image sera mauvaise, quoi que vous fassiez.

L’orientation de votre observatoire

Nous avons divisé les observations que nous vous proposons en quatre portions de ciel : ouest, sud, est et nord. L’étendue de ces régions du ciel va varier en fonction de l’orientation de votre poste d’observation et des éléments de paysages que vous avez aux alentours (immeubles, collines, arbres…). Il se peut également que votre fenêtre soit vers le sud-ouest, donc entre deux de nos secteurs définis arbitrairement. Dans ce cas, lisez les suggestions données dans les deux orientations, car à mesure que l’heure tourne, le ciel tourne aussi et tout ce qui est au sud à une certaine heure se trouve à l’ouest deux ou trois heures plus tard. Enfin, si vous avez plusieurs fenêtres ou une terrasse qui couvre deux ou trois secteurs, considérez-vous comme bien loti, car vous avez accès à la plus grande partie des observations proposées.

Les suggestions d’observation qui suivent sont davantage destinées aux personnes situées en ville ou près des villes. Les observateurs installés à la campagne disposent d’un ciel plus sombre et peuvent accéder à des galaxies et des nébuleuses sur de grandes portions de voûte céleste. Toutefois, cet article peut aussi leur donner des idées de cibles plus faciles.

À voir à l’ouest, là où le soleil vient de se coucher

Le soir

Fin mars le soir, la brillante Vénus vous indique l’ouest. © C&E

La planète Vénus, en position idéale fin mars

Le 24 mars 2020, la planète Vénus a atteint son élongation maximale (46°) à l’est du Soleil. Cela signifie qu’elle est en position idéale pour être vue le soir dès le coucher du Soleil, en direction de l’ouest. Pas besoin d’une carte céleste ou d’identifier des constellations pour reconnaître Vénus : même en pleine ville, c’est un véritable phare dans le ciel qui brille très fort dès le début du crépuscule ! À l’œil nu, son éclat est impressionnant. Vénus est une planète de la taille de la Terre. Elle se trouve ces jours-ci à un peu plus de 100 millions de kilomètres. Quand vous la regardez, songez qu’elle vous donne un bel aperçu de la manière dont vous verriez la Terre si vous étiez à cette distance dans l’espace.

Avec des jumelles grossissant 10x, Vénus reste quasi ponctuelle. On a la sensation qu’elle n’est plus tout à fait un point, mais on ne la discerne pas assez bien pour pouvoir noter sa phase. Celle-ci est un quartier parfait pour encore quelques jours. Autrement dit, on voit l’exacte moitié de la planète éclairée par le Soleil et l’autre se trouve dans la nuit.

Avec un instrument d’astronomie, un grossissement de 30x est suffisant pour remarquer confortablement cette phase. Si votre télescope le permet (150 à 200 mm de diamètre), poussez jusqu’à 200x : la partie ensoleillée de Vénus est magnifique, d’un blanc éclatant et immaculé. Vous ne discernerez aucun détail à sa surface, car la planète est entièrement recouverte d’une épaisse couche de nuages blancs. Sa dense atmosphère de dioxyde de carbone engendre un puissant effet de serre qui porte la température jusqu’à près de 500 °C à sa surface. Songez simplement en admirant ce quartier éclatant que si Vénus avait des océans et des continents, comme la Terre, nous pourrions les voir facilement au télescope.

L’amas des Pléiades

Juste à quelques degrés au-dessus et à gauche de Vénus se niche l’un des amas ouverts les plus proches de la Terre : les Pléiades. Les cinq étoiles les plus brillantes de ce groupe situé à environ 400 années-lumière sont visibles à l’œil nu, même en pleine ville. Aux jumelles, l’observation est plus confortable et il est possible de voir davantage d’étoiles. Combien ? Cela dépend de votre ciel et de votre acuité visuelle. Alors, amusez-vous à compter. Sachez simplement que sous un ciel parfait, certains observateurs en ont compté une quinzaine à l’œil nu !

Les Pléiades sont des étoiles jeunes et, en 1995, les astronomes y ont découvert un nouveau type d’objets : des naines brunes. Il s’agit d’étoiles de masse trop petite pour que des réactions de fusion thermonucléaire aient commencé en leur cœur. Résultat : elles ne se sont jamais mises à briller. Elles rayonnent seulement dans l’infrarouge et c’est pourquoi elles n’ont été découvertes que récemment.

Aldébaran et l’amas des Hyades

À quelques degrés à la gauche des Pléiades se trouve une belle étoile orangée : c’est Aldébaran, qui est la plus brillante de la constellation du Taureau et qui se trouve à 66 années-lumière. Mais regardez bien aux abords immédiats d’Aldébaran : plusieurs étoiles moins brillantes dessinent un V. Comme les Pléiades, elles constituent un amas ouvert qu’on appelle les Hyades. Distant de 150 années-lumière, c’est l’amas ouvert le plus proche de la Terre. Un coup d’œil aux jumelles permet d’en apprécier l’étendue : d’un bord à l’autre de l’amas, vous couvrez du regard 80 années-lumière.

Bételgeuse, dans la constellation d’Orion

Attendez aux alentours de 22 h pour voir entrer en scène une autre étoile très brillante : Bételgeuse. Celle-ci a beaucoup fait parler d’elle ces dernières semaines en affichant une baisse spectaculaire de son éclat. Les astronomes professionnels travaillent à la compréhension du phénomène. Actuellement, Bételgeuse est en train de retrouver de sa brillance. De soir en soir, elle remonte en magnitude. Mais il lui faudra encore quelques semaines pour retrouver son niveau initial. Alors, profitez-en pour la regarder et comparer son éclat avec celui des étoiles voisines visibles à l’œil nu. D’ici quelque temps, vous constaterez son changement. Nul besoin d’un télescope pour cela ; l’œil nu suffit amplement.

En milieu de nuit, les Gémeaux et… un esquimau

La nébuleuse de l’Esquimau, NGC2392, se trouve juste sous Castor et Pollux, célèbre duo des Gémeaux… © C&E

Castor, dans les Gémeaux

L’étoile principale de la constellation des Gémeaux (sa jumelle Pollux est juste à côté) est un astre multiple. En tout, six étoiles composent ce système. Seules trois sont discernables dans un instrument d’amateur. Il faut une lunette pour séparer ces composantes (écart de 4” entre elles). Un grossissement de 100x permet d’admirer la paire Castor A et B. La première est la plus brillante (magnitude 1,9) et la seconde, qui affiche comme elle une belle couleur blanche, compte une magnitude de moins (2,9). La composante C, une naine rouge de magnitude 8,8 distante de plus d’une minute d’arc, est difficile à retrouver, même avec une lunette de plus de 80 mm. Castor A et B, qui accomplissent leur révolution en environ 400 ans (autant dire qu’elles ne bougent guère d’une année sur l’autre), se trouvent à 52 années-lumière.

NGC 2392, la nébuleuse de l’Esquimau

Cette nébuleuse planétaire, aussi appelée la nébuleuse de l’Esquimau, est difficile à repérer en ville avec un petit instrument. Un télescope ou une lunette d’au moins 100 mm est nécessaire pour l’apercevoir. Mais son observation dans un ciel urbain est une révélation, car avec son petit diamètre apparent (42’’) elle offre assez de contraste par rapport au fond de ciel. On parvient à discerner son étoile centrale (magnitude 10,5) et à percevoir quelques détails dans la nébulosité ovale qui l’entoure.

Algieba, dans la constellation du Lion

Cette étoile de la constellation du Lion est double. Elle se trouve à quelques degrés au-dessus de Régulus, l'étoile principale de la constellation. A l'oeil nu, Algieba est facile à repérer car elle est l'une des plus brillantes du Lion. La coloration orange de ses deux composantes en fait une cible très belle. Une petite lunette suffit pour les admirer. Distantes de 126 années-lumière, elles ont une période de 500 années environ. Autant dire qu’à l’échelle d’une vie, elles ne bougeront pas.

En fin de nuit, l’amas d’étoiles M 3

L’amas d’étoiles M3, à voir aux jumelles, se trouve entre Arcturus et Cor Caroli.

Peu de choses à l’ouest en fin de nuit. Mais arrive tout de même l’amas Messier 3, ou M3, caché à mi-chemin entre les étoiles brillantes Arcturus (du Bouvier) et Cor Caroli (des Chiens de chasse). Il s’agit de l’un des amas globulaires les plus accessibles de tout le ciel. Il serait dommage de s’en priver. Distant de 34000 années-lumière, M 3 compte au moins 300000 étoiles confinées (elles aussi, mais par la gravité) dans une sphère de 160 années-lumière. Des jumelles permettent de le voir sous un ciel sombre (donc, a priori, pas en ville). Un télescope de plus de 100 mm de diamètre est nécessaire pour bien voir le picotement produit par plusieurs de ses étoiles.

Retrouvez nos autres conseils d’observation en ce début de printemps :

 

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le magazine Ciel & espace n°570, d’avril-mai 2020

 

 

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