De l’eau détectée dans les régions de la Lune exposées au Soleil

Crédit : Nasa
L’observatoire aéroporté SOFIA a permis pour la première fois la détection de molécules d’eau à la surface de la Lune. Etonnant : cette eau se trouve dans des régions exposées au rayonnement solaire, comme le grand cratère Clavius.

Il y a de l’eau sur la Lune. Cela, les astronomes le savaient déjà. Mais une série d’observations menées avec le télescope aéroporté SOFIA révèlent qu’une partie de cette eau est présente sur des surfaces exposées au Soleil ! L’observatoire volant a en effet détecté pour la première fois des molécules d’eau dans la région du cratère Clavius, bien connu des astronomes amateurs.

L’eau déjà fortement suspectée sur la Lune

Plusieurs fois, la présence du précieux liquide, indispensable à la vie sur la Terre, avait été annoncée. Le 9 octobre 2009, la sonde LCROSS, larguée lors de la mission Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO), observait un panache chargé d’eau libéré par l’impact d’un étage de fusée Centaur dans un cratère perpétuellement à l’ombre proche du pôle sud. La sublimation de glaces éternelles lors du choc avait mis en évidence un peu moins d’une centaine de litres d’eau. Plus tard, en juin 2012, la sonde LRO elle-même, en orbite autour de la Lune sur une orbite polaire, avait, grâce à son radar, repéré de bonnes quantités de glace au fond du cratère Schakleton, voisin du pôle sud et toujours ombragé.

Une confirmation des résultats de Chandrayaan 1

Mais l’eau mise en évidence par SOFIA ressemble davantage à celle fortement suspectée par la sonde indienne Chandrayaan 1 dès 2009 et annoncée en 2013. L’instrument Moon Mineralogy Mapper avait en effet trouvé, de manière indirecte, la présence étonnante d’eau un peu partout sur la Lune, pas seulement aux pôles dont certaines zones sont protégées des rayons du Soleil. C’était l’hydroxyle (OH) qui laissait suspecter la présence de la molécule H2O dans le régolite lunaire. Ce que confirme Patrick Pinet, astrophysicien spécialiste de la Lune à l'IRAP, à Toulouse : "Il s'agit a priori de la même chose. Simplement depuis 10 ans en gros, il y a un fort débat non tranché sur la signification de la détection (bande à 3micron) du radical hydroxyl OH qui peut se trouver sous différentes formes dans les minéraux (y compris ds H20) et l'identification sans ambiguité d'eau moléculaire H20. Il semble que la détection faite à 6 microns (ndlr : une longueur d'onde située dans l'infrarouge) indique bien la présence d'eau moléculaire à la surface."

Ian Crawford, du Department of Earth and Planetary Sciences, à Birkbeck College, au Royaume-Uni, partage cet avis : "Ce résultat confirme globalement les mesures de l'instrument M3 de Chandrayaan 1 selon lesquelles de l'eau est présente dans les sols lunaires à de haute latitudes - mais pas en permance à l'ombre. Il les prolonge en montrant qu'un peu de cette eau est H2O plutôt que OH. M3 ne pouvait distingeur entre ces deux molécules."

Une eau piégée dans le régolite

Cette fois, les spectres enregistrés par SOFIA dans l’infrarouge révèlent en effet directement les molécules H2O. Comment cette molécule peut-elle survivre au rayonnement solaire ? Patrick Pinet explique : "La molécule H20 détectée doit être en quelque sorte protégée dans le régolite lunaire, soit dans des grains ou des verres, ou alors piégée entre les grains du régolite à l'abri d'une exposition directe à l'environnement lunaire. Il faut réaliser que le sol lunaire comprend des micro-zones d'ombre, et qu'au-delà d'une très faible couche superficielle ayant subi un effet de dessication, il est peut-être possible d'avoir des molécules d'eau piégées."

Le cratère Clavius (230km de diamètre), où le télescope SOFIA a détecté de l'eau. Crédit : LRO/Nasa.

Une canette d’eau par mètre-cube de sol

Dans un communiqué, la Nasa rappelle que l’eau est une ressource précieuse dans le cadre de son programme d’exploration humaine de la Lune Artemis. L’agence spatiale américaine se dit pressée d’en savoir plus sur l’eau lunaire avant l’envoi d’un premier équipage sur place, prévu pour 2024. Toutefois, les quantités décelées semblent infimes : environ 35 centilitres par mètre cube de sol. C’est équivalent d’une canette de boisson et cela peut paraître encourageant. Malgré tout, comme il s’agit d’une détection superficielle, cette quantité se répartit sur une surface équivalente à celle d’un terrain de football. Pour Ian Crawford, "Clairement, c'est une quantité très modeste sur le plan des ressources. On pense que les régions en permanence à l'ombre contiennent beaucoup plus d'eau, donc elles sont probablement plus importantes en tant que ressource." Il y aurait donc probablement beaucoup à ratisser, dans le fond du cratère Calvius pour exploiter cette eau…

Une eau formée par le vent solaire ou apportée par les météorites ?

Reste une question, posée depuis la détection réalisée par la sonde Chandrayaan 1 : quelle est l’origine de cette eau ? Ian Crawford indique qu'il existe deux hypothèses probables. Compte tenu de l’exposition aux rayons solaires, il se peut que l'eau se forme régulièrement par l’interaction des particules de vent solaire avec les roches lunaires de surface. L'autre hypothèse réside dans des chutes régulières de météorites contenant de l’eau. Mais pour l’heure, il faut trouver un mécanisme pour que cette eau survive aux impacts et demeure stockée dans le sol. Sur l'origine de cette eau, Patrick Pinet indique : "Pour vraiment pouvoir répondre, il faudrait que le survey réalisé par SOFIA soit beaucoup plus global et répété dans le temps en fonction de la lunaison, pour avoir une idée des cycles 'diurnes' et saisonniers."

Il est enfin possible que cette eau formée au Soleil, en se sublimant, finisse par regagner les régions polaires à l’ombre, où elle se condenserait à nouveau, s’ajoutant à la glace supposée être venue lors d'impacts bien plus anciens.

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