C’est la première fois que les astronomes obtiennent la preuve visible de ce qu’ils soupçonnaient depuis longtemps : certaines étoiles explosent en supernova… en bégayant. La trace de cette double détonation vient d’être repérée dans le reste de supernova SN0509-67.5, situé à environ 160 000 années-lumière dans le Grand Nuage de Magellan, galaxie satellite de la nôtre visible dans l’hémisphère Sud. C’est l’instrument Muse, installé sur le Very Large Telescope au Chili, qui a permis de réaliser cette superbe image après plus de 29 heures de pose.
Découverte en 2008, SN0509 est une supernova dite « de type Ia ». Une variété bien connue d’explosions d’étoiles dans laquelle c’est une étoile naine blanche qui implose. Au sein d’un couple stellaire très resserré, le petit astre dense absorbe la matière d’une étoile compagne. Lorsque sa masse dépasse 1,44 fois la masse du Soleil, une limite baptisée masse de Chandrasekhar, la naine ne peut plus supporter son propre poids et implose alors. C’est le rebond de la matière sur son cœur ultradense, une fraction de seconde plus tard, qui produit la formidable explosion que l’on nomme supernova.
Deux coquilles de calcium
Voilà pour la théorie. Ce que Priyam Das (University of New South Wales, Australie) et ses collègues viennent de vérifier grâce à Muse, c’est que le scénario pourrait être parfois un peu plus subtil… Dans le détail, les astronomes se sont intéressés à la distribution des éléments chimiques dans le reste de la supernova en expansion. En plus du rayonnement d’atomes de fer et de nickel, s’ajoutant au soufre découvert par une autre équipe, ils mettent en évidence une double structure de calcium, formant deux coquilles de 5,6 et 6,7 années-lumière de rayon. Cette double coquille, expliquent-ils, trahit en fait une double détonation. C’est même la prédiction centrale d’un modèle particulier d’explosion de supernova, daté de 2021, dans lequel une naine blanche peut exploser avant d’atteindre la sacro-sainte masse de Chandrasekhar.

Voilà donc ce qui se serait passé, il y a un peu plus de trois siècles dans le Grand Nuage de Magellan (si l’on fait abstraction des 160 000 ans qu’a mis la lumière pour nous parvenir...) : une naine blanche aurait accumulé autour d’elle de l’hélium d’une étoile compagne ; cette couche, devenue trop dense ou bien instable, aurait explosé (première détonation) ; l’onde de choc se serait alors propagée jusqu’au cœur de la naine, le compressant au point qu’il aurait explosé lui aussi (deuxième détonation).
Des explosions avant l’heure
Comprendre précisément la façon dont explosent les supernovas de type Ia est fondamental en astrophysique car ces événements sont considérés comme des « chandelles standard ». Visibles à des milliards d’années-lumière, il sont censés avoir tous la même luminosité intrinsèque, puisqu’ils sont provoqués par l’explosion d’astres de même masse : 1,44 masse solaire. Ils permettent ainsi de calculer les distances aux échelles cosmologiques. Or, dans le scénario de la double détonation, la naine blanche explose bien avant d’avoir atteint cette limite !
Priyam Das et ses collègues expliquent par ailleurs que la nature du compagnon qui a contribué à créer SN0509 n’est pas très claire. Il pourrait s’agir d’une étoile classique, d’une autre naine blanche, voire d’une naine blanche déjà enveloppée dans une couche d’hélium. « Ce compagnon pourrait alors lui aussi subir une double détonation, après celle de la naine blanche principale (ce qui résulterait en une quadruple détonation) », précisent les chercheurs dans leur article. D’autres belles images pourraient surgir dans les années à venir...
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