Voyager 1 avait photographié les geysers d’Encelade en 1980

Encelade, quelques pixels sur les photos de Voyager 1. © Nasa/JPL/LPSC
Un passionné d’imagerie spatiale a identifié les jets de vapeur émis par le petit satellite de Saturne sur une photo prise 25 ans avant leur découverte par la sonde Cassini.

Les astronomes n’ont découvert les geysers d’Encelade qu’en 2008. Pourtant, la sonde Voyager 2 les avait photographiés dès 1980, lors de son passage dans le système de Saturne. C’est l’étonnante découverte que vient de faire Ted Stryk, professeur de philosophie dans le Tenessee, passionné d’imagerie spatiale.

Huit photos anodines de Voyager 1

Déjà auteur de remarquables traitements de clichés pris par d’anciennes sondes spatiales, Ted Stryk a cette fois retrouvé Encelade sur des images à grand champ prises par Voyager 1, le 13 novembre 1980. La sonde lancée en 1977 avait alors dépassé Saturne et elle photographiait la planète alors que celle-ci se présentait légèrement à contre-jour, sous la forme d’un croissant.

Sur huit de ces photos, Encelade apparaît dans le champ sous la forme d’un petit point. Mais en examinant de près le satellite glacé, celui-ci affiche une taille de plusieurs pixels, si bien qu’on peut voir sa partie éclairée par le Soleil, comme un croissant. On aperçoit aussi sa partie nocturne qui est faiblement illuminée par le clair de Saturne. Mais on discerne aussi, plus faiblement, une curieuse excroissance émane de son pôle Sud. Il s’agit des fameux geysers découverts et observés de près par la sonde Cassini à partir de 2008.

Sur la photo à grand champ de Voyager, Encelade apparaît en tout petit (cercle)
derrière Saturne.
© Nasa/JPL/LPSC.

Ted Stryk a appliqué le même traitement d’image aux autres satellites de Saturne photographiés dans des conditions similaires par Voyager 1. Le fait qu’aucune excroissance n’apparaisse exclut la possibilité d’un artefact dû à une réflexion optique ou à un défaut du détecteur. Il s’agit donc des toutes premières images des jets de vapeur d’Encelade. Leur découverte, faite a posteriori, confirme aux scientifiques que le phénomène est permanent.

Une longue maturation avant la découverte

Ted Stryk n'a pas réalisé cette trouvaille par un pur hasard. Ce passionné des missions spatiales, qui dit avoir “de larges domaines d'intérêt”, aime beaucoup exhumer les photos des anciennes sondes et voir à quoi elles peuvent ressembler lorsqu'on leur applique des traitements modernes. Il explique :

Quand j’entends parler d’une  découverte, je pense tout de suite aux autres engins spatiaux dont les images pourraient contenir un phénomène que personne ne pensait à chercher à l'époque. Lors des survols de Voyager, l’idée qu’Encelade était un satellite actif n’était même pas envisagée.

L'identification a posteriori des geysers d'Encelade lui a pris plusieurs années, après une première recherche infructueuse, comme il le raconte :

Dès l’instant où j’ai appris la découverte des geysers en éruption par la mission Cassini, j’ai commencé à me demander si ceux-ci n’avaient pas été détectés avant. Les données de Pioneer étaient de qualité insuffisante pour les détecter, mais Voyager aurait pu le faire, sans aucun doute. J’ai examiné toutes les images sur lesquelles Encelade se trouvait, mais l’éclairage n’était pas idéal. J’ai fait chou blanc et abandonné le projet.

Puis, lors de la mission New Horizons, à l’été 2015, Il assiste à une conférence de planétologie, où les images de l’atmosphère de Pluton prise à contre-jour étaient commentées pour la première fois.

Quelqu’un a posé une question sur des images fortuites de petits satellites autour de Pluton. Alors, mon esprit a vagabondé, et ça a fait tilt : peut-être qu’Encelade avait fait une apparition sur quelques photos à contre-jour de Saturne.

À l’automne 2016, j’ai finalement trouvé du temps pour travailler là-dessus. Alors que Voyager 2 avait la meilleure caméra, à cause d’une anomalie, elle n’a pas pris de photos pendant les  jours qui ont suivi le survol rapproché. Donc, je suis passé à Voyager 1. J’ai essayé avec plusieurs images pendant quelques jours pour me familiariser avec ses caméras, avant de commencer sérieusement. Cette image de Saturne est née de cet effort.

Recevez Ciel & Espace pour moins de 6€/mois

Et beaucoup d'autres avantages avec l'offre numérique.

Voir les offres

Commentaires

Nous avons sélectionné pour vous

  • Décrets de Trump : la Nasa obéit au doigt et à l’œil

    Seulement 48 h après l'investiture de Donald Trump, la Nasa a commencé à appliquer le décret du nouveau président des États-Unis, qui exige la suppression de tout programme ou service lié à la DEIA, c'est-à-dire à la diversité, l’équité, l’inclusion et l’accessibilité.

  • Uranus : l’incroyable mission pour explorer cette planète lointaine

    L’avant-dernière planète du Système solaire est aujourd’hui encore méconnue. Visitée une seule fois par Voyager 2, son étude depuis la Terre est compliquée par la distance lointaine. Pourtant, des planètes similaires pourraient représenter entre 30 % et 40 % des exoplanètes dans l’Univers. Pour enfin dévoiler ses secrets, la Nasa envisage d’y envoyer sa prochaine grande mission d’exploration.

  • Vidéo : La réalité de l’économie spatiale, un grand entretien avec Pierre Lionnet

    Que faut-il penser des nouveaux domaines de l’économie spatiale ? Quels modèles économiques se cachent derrière les mégalanceurs, comme le Spaceship d’Elon Musk, pour qui et pour quoi faire ? Sont-ils réalistes ? Décryptage avec Pierre Lionnet, directeur de recherche à Eurospace.