Un congrès d’astronomie raconté de l’intérieur (VI)

Les participants de l’IAUS329 réunis pour la photo souvenir, devant le volcan Rangitoto. © G. Gantchev
Le congrès scientifique : un grand classique dans la vie du chercheur ! L’astrophysicienne Yaël Nazé nous dévoile les coulisses de l'un de ces rendez-vous en Nouvelle-Zélande, du 28 novembre au 2 décembre 2016. La fin du congrès arrive ; vient l’heure des bilans. Aujourd’hui : les étoiles vivent à deux… ou plus

Étoiles multiples et trous noirs

Chaque congrès a ses thèmes fétiches, les sujets les plus « chauds » du moment. Pour ce symposium, il y en avait plusieurs… et quelques controverses feutrées aussi, bien sûr, pour faire bonne mesure.

Commençons par la multiplicité. On imagine souvent les étoiles vivant seules, comme notre Soleil, mais beaucoup sont en réalité accompagnées (comme le soleil double de Tatooine). Pour les étoiles massives, ces dernières années ont vu émerger de nombreuses campagnes d’observation permettant d’avoir des statistiques précises sur ce phénomène.

En multipliant les observations et en ciblant les périodes intermédiaires (ni trop courtes, ni trop longues) qui avaient été négligées, on a ainsi trouvé que plus de moitié des étoiles massives ont un compagnon proche. Si on considère les compagnons plus éloignés, alors il n’y a plus d’étoile massive isolée !

Vie de couple stellaire

En moyenne, on trouve ainsi que chaque étoile massive possède… deux compagnons ! Et après, me direz-vous ? Eh bien, vivre seul ou en couple (voire en trio ou quatuor), ce n’est pas pareil. Par exemple, le compagnon peut provoquer des marées sur son voisin, ce qui générera des pulsations (ou tremblements stellaires) et/ou conduira à un mélange de son intérieur qui va modifier son évolution.

Le compagnon peut aussi grossir, au point d’engouffrer l’autre (phase d’enveloppe commune, ou CE) et/ou de lui donner de la matière (on parle de RLOF). Là aussi, l’évolution de l’étoile va être brutalement modifiée ; on peut même finir par avoir une fusion entre étoiles.

Le grand retour des étoiles multiples

Ce qui est amusant, c’est que ces conséquences avaient été mises de côté pendant des années. On riait même un peu à celui qui osait mentionner la binarité des étoiles, alors qu’aujourd’hui, les étoiles multiples font leur retour sur le devant de la scène. De nombreux exposés, discussions, et posters de cette conférence avaient donc trait aux détails de ces phénomènes et à leurs conséquences, comme l’éjection de l’enveloppe dans une phase CE ou les propriétés des objets résultant d’une fusion stellaire.

Au final, une conclusion paradoxale : la meilleure étoile isolée, c’est une binaire… car si on veut connaître les propriétés d’une étoile isolée, le mieux n’est pas d’en regarder une (il y a une chance sur deux qu’elle ait subi l’influence d’un compagnon, notamment via la fusion de deux objets), mais bien de regarder des couples jeunes et assez éloignés pour ne pas trop sentir l’influence du compagnon !

Fabriquer des trous noirs

D’autre part, impossible de passer à côté des ondes gravitationnelles. Ici, ce n’était pas tant la détection elle-même qui excitait les astronomes, mais ce qu’elle révélait : des couples de trous noirs de 10 à 40 masses solaires. Comment former de tels couples ? Le problème, c’est qu’avec des compagnons qui arrachent la matière d’une étoile ou fusionnent avec après une phase CE, on finit par avoir des étoiles au cœur plus petit donc formant… des étoiles à neutrons. Caramba, on rate le trou noir !

En revanche, les marées stellaires provoquent un bon mélange, qui pourrait permettre de garder les étoiles bien grosses, parfaites pour faire de beaux trous noirs. Et si le transfert de matière entre les deux étoiles se fait très tard, vers la fin de leur vie, on peut là aussi obtenir un trou noir. Ouf ! Tout n’est pas perdu. Il est certain en tout cas qu’on reparlera de ces paires de trous noirs. Ce n’est que le début de l’aventure !

Enfin, on peut citer des avancées de plusieurs côtés. Côté observations, l’observation de pulsations a permis de contraindre un peu les propriétés internes des étoiles et d’expliquer un élargissement des signatures lumineuses (macroturbulence des raies) qui était mystérieux. L’observation précise de supernovae a aussi permis de mettre en évidence la présence de matière alentour – provenant d’éjections en fin de vie, parfois très peu de temps avant l’explosion finale.

L’aide bienvenue de la 3D

Côté modèles, on peut signaler l’irruption de la 3D pour des modèles (de l’intérieur des étoiles ou de leur environnement proche) complexes et parfois pas si simples à interpréter, mais faisant de jolis films…

Il reste cependant beaucoup à faire, même y compris pour des paramètres de base. Par exemple, on aimerait enfin avoir une idée de la quantité de matière éjectée par ces étoiles (en continu dans leurs vents ou de temps à autre lors d’éruptions). Un paramètre difficile à obtenir observationnellement, mais pourtant hyper-important à tout niveau (les théoriciens réclament des valeurs à grands cris).

 

Découvrez les autres billets de Yaël Nazé sur le congrès d'Auckland, consacré aux étoiles massives.

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