C’est le plus fascinant système planétaire découvert à ce jour. Avec ses sept planètes de 0,75 à 1,13 rayon terrestre, probablement rocheuses pour la plupart, et susceptibles d'abriter de l'eau liquide, la discrète étoile Trappist-1 de la constellation du Verseau est en passe de devenir la nouvelle star de la science exoplanétaire. L'objet de tous les fantasmes, en tout cas, pour quiconque espère découvrir la vie ailleurs dans l'Univers.
Comme le résume le Belge Michaël Gillon, auteur principal de la découverte :
Sept planètes de taille terrestre autour d’une même étoile, dont trois dans sa zone habitable, et tout ça à moins de 40 années-lumière de nous, c'est exceptionnel !
De fait, si près de 600 exoplanètes de moins de 1,5 rayon terrestre ont été découvertes à ce jour, elles sont pour la plupart des corps incandescents, impropres à la présence d'eau liquide à leur surface. Surtout, à l'exception notable de la petite exoplanète de 1,3 masse terrestre en orbite autour de Proxima du Centaure, la plus proche étoile du Soleil, elles sont souvent éloignées de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'années-lumière. Beaucoup trop lointaines, donc, pour pouvoir être étudiées par nos télescopes...
Objectif Terre
Ce n'est pas le cas des planètes de Trappist-1, et cela ne doit rien au hasard, comme l’explique Michaël Gillon :
Depuis plusieurs années, mon objectif était de trouver des planètes de la taille de la Terre dont on puisse étudier l'atmosphère avec le télescope spatial Hubble ou son successeur, le JWST.
Des planètes proches, donc, passant devant leur étoile pour être détectées et surtout pour pouvoir étudier la lumière filtrée par leur atmosphère, mais aussi suffisamment grandes comparées à leur astre central pour que ce filtrage soit décelable.
« Pour découvrir des petites planètes, il fallait pointer des étoiles naines. Avec mon équipe, nous nous sommes donc concentrés sur 50 naines rouges ultrafroides, observées depuis l'observatoire de La Silla avec le télescope automatique Trappist. »
Il y a moins d'un an, cette stratégie révélait la présence de trois petites planètes autour d'une étoile du Verseau de la 18e magnitude : Trappist-1. Aujourd'hui, quatre nouveaux objets s'ajoutent au cortège...
Un système solaire miniature
Sur le papier, les caractéristiques du système planétaire de Trappist-1 sont intrigantes. Avec des périodes orbitales de 1,5 à 15 jours et des distances à leur étoile inférieures à 7% de la distance Soleil-Terre, toutes les planètes de Trappist-1 pourraient aisément tenir dans l'orbite de Mercure. La faible masse et la faible luminosité de l'étoile centrale, douze fois plus légère et 2000 fois moins lumineuse que le Soleil, assurent toutefois un éclairement modéré, comparable pour trois des sept planètes à celui que reçoivent Vénus, la Terre et Mars. Mais sa petite taille, comparable à celle de Jupiter, donne à l'ensemble de faux airs de système galiléen...
Autre étrangeté : les périodes orbitales des planètes sont commensurables. Par exemple, lorsque Trappist-1 b (la plus proche de l'étoile) fait un tour, Trappist-1 e (la quatrième) en fait quatre. Ou « c » en fait dix lorsque « b » en fait six. Ou « g » en fait deux lorsque « e » n'en fait qu'un.
Ce n'est pas le fruit du hasard, à en croire l'astrophysicien Franck Selsis, co-auteur de l'étude : « C'est le comportement attendu de planètes qui se seraient formées loin de leur étoile et auraient ensuite migré ensemble vers celle-ci, par le jeu de leurs perturbations gravitationnelles respectives et aussi de leur interaction avec un disque de gaz initial. »
Si les planètes se sont formées au-delà de la « ligne des glaces », à une distance suffisante de leur feu central pour que de l'eau, de l'azote et d'autres éléments volatils s’y soient accumulés, alors les planètes sont peut-être gorgées d'eau aujourd'hui encore (c'est presque certain pour Trappist-1f, la cinquième planète du système).
« Cela accentuerait la ressemblance avec les satellites de Jupiter, d'autant que certains ont aussi des orbites commensurables », note Franck Selsis. Trappist-1b, malaxée par les forces gravitationnelles contradictoires de son étoile et de ses sœurs, serait-elle une planète volcanique semblable à Io ?
Mille nouvelles cibles
Il est trop tôt pour le dire, mais il y a de bonnes chances pour que nous le sachions assez rapidement. « Ce qui est formidable, c'est que les transits [passages d’une planète devant son étoile, NDLR] sont très faciles à mesurer sur les étoiles naines. L'atmosphère de ces planètes va donc pouvoir être étudiée sans tarder par le VLT, le télescope Hubble ou le satellite infrarouge Spitzer », explique Franck Selsis [découvrez comment dans la BD de Lepithec]. Ces atmosphères se révéleront-elles semblables ou très différentes ? Trahiront-elles la présence d'eau liquide, voire d'une activité biologique sur l'une des planètes ?
« Nous sommes actuellement en discussion avec les équipes qui ont construit le JWST pour négocier du temps d'observation. Dans une atmosphère qui serait aussi compacte que celle de la Terre, il nous faudrait 500 à 1000 heures pour espérer observer des éléments comme le dioxyde de carbone, l'ozone, le méthane ou l'eau », répond Michaël Gillon.
En attendant le lancement du télescope spatial de 6,5 m, prévu en octobre 2018, l'équipe a déjà pointé Hubble vers les planètes de Trappist-1. « Nous cherchons à savoir si l'une d'elles possède une atmosphère étendue d'hydrogène, où nous pourrions peut-être déceler de la vapeur d'eau ou du méthane. Mais pour le moment, au moins pour Trappist-1b et c, nous n'avons rien vu », reprend le chercheur.
D'ici la fin de l'année, les quatre télescopes de 1 m du projet Speculoos, installés sur le mont Paranal prendront la succession du petit télescope Trappist de 60 cm, « qui dans notre esprit n'était qu'un prototype », précise Michaël Gillon. D'autres petites planètes devraient donc être découvertes d'ici un an. « Nous avons mille étoiles cibles désormais. » Et du pain sur la planche.
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