La mission européenne ExoMars ne partira « très probablement » pas en 2022

Suite aux sanctions imposées par l’Europe à la Russie, en réaction à son invasion de l’Ukraine, l’ESA a exprimé ses doutes quant au maintien du départ de son rover européen vers Mars cette année.

Au sortir d’une réunion entre ses États membres le 28 février 2022, l’Agence spatiale européenne (ESA) a indiqué que le départ en 2022 de sa mission ExoMars à destination de la planète rouge était « très peu probable ». Prévu pour décoller à bord d’une fusée russe Proton, depuis de Baïkonour au Kazakhstan entre le 20 septembre et le 1er octobre 2022, le rover européen Rosalind Franklin resterait alors cloué au sol. Tout comme la plateforme d’atterrissage Kazachok, autre contribution à la mission apportée par Roscomos (l’agence spatiale russe) vouée à poser l’astromobile sur le sol de Mars.

Plusieurs collaborations en suspens

L’annonce de l’ESA découle des sanctions imposées par ses pays membres à la Russie, en réaction à l’invasion de l’Ukraine déclenchée 4 jours plus tôt. « Nous mettons en place [ces] sanctions, évaluons [leurs] conséquences sur chacune de nos collaborations en cours avec Roscosmos, et alignons nos décisions avec celles des États membres, en coordination avec les partenaires industriels et internationaux », a justifié l’ESA.

Dans une interview donnée le soir du 26 février 2022 au podcast Soloviov sur YouTube, le directeur général de Roscosmos Dmitri Rogozine avait exprimé son souhait que la mission ExoMars se poursuive, indiquant qu’il en discuterait lundi (28 février) avec l’ESA. Selon ses propos rapportés par le média russe RBC dimanche, cette téléconférence entre l’ESA et Roscosmos n’a finalement pas eu lieu. Quelques jours plus tôt, Roscosmos annonçait le retrait des 87 membres de son personnel travaillant au centre spatial guyanais, où plusieurs tirs de fusées russes Soyouz étaient prévus en 2022.

Quel futur pour ExoMars ?

Le 24 mars 2022, l’Agence européenne comptait donner le top départ officiel de la campagne de lancement d’ExoMars. Ce processus de transport de matériel, et d’intégration des sondes dans la fusée, prend plusieurs mois. Entre mars et avril, l’envol de cinq avions russes (Antonov et Iliouchine) depuis l’Italie vers le Kazakhstan devait en être le coup d’envoi, convoyant notamment le rover et sa plateforme d’atterrissage. Avec un calendrier serré pour ne pas rater une fenêtre de tir vers Mars qui s’ouvre tous les 26 mois. « Moins de 10 jours de marge de manœuvre » selon une responsable scientifique du programme.

Annulation ou report de la mission, l’ESA n’a pas encore communiqué son choix. Mais un arrêt définitif d’ExoMars 2022 serait un triste sort après vingt ans de développement. « Après tant d’années sur ExoMars, il est impossible d’abandonner. Donc nous préparons les bases pour les prochaines étapes », livre Thierry Blancquaert, responsable du programme ExoMars à l’ESA.

Mise à jour du 3 mars 2022
[Une décision sera prise lors du Conseil de l'ESA qui a lieu les 16 et 17 mars. Selon nos informations, les trois prochaines opportunités de départ vers Mars en 2024, 2026 et 2028 (ou début 2029) sont à l'étude. Mais 2024 est improbable car pour être prêts à temps, il faudrait poursuivre la collaboration avec la Russie. Pour 2026 et 2028, le programme ExoMars livre que plusieurs stratégies sont possibles, sans les dévoiler à ce jour. Nouvelle collaboration avec un autre partenaire étranger, ou mission 100% européenne ? Telle est la question. Dans les deux cas, le recours à une nouvelle fusée, ainsi qu'une nouvelle plateforme d'atterrissage martienne, n'est pas une mince affaire. Cela explique un tel délai supplémentaire avant d'espérer enfin atteindre Mars.]

Initialement programmée pour 2011, ExoMars a connu de nombreux reports. Cette année-là, la Nasa s’était désolidarisée de ce programme martien, la faute à des finances accaparées par les dépassements budgétaires de son télescope James Webb. Ne pouvant supporter seule le coût de la mission, l’ESA s’était alors associée à Roscosmos avec qui elle officialisait son partenariat en mars 2012. Reportée en 2016, 2020 puis en 2022, la mission était récemment parvenue à résoudre les ultimes défis techniques, posés notamment par ses parachutes, pour partir cette année.

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