La jeune Jupiter a-t-elle été percutée par une grosse planète ?

Vue d’artiste de la collision entre Jupiter et une protoplanète massive. © K. Suda & Y. Akimoto/Mabuchi Design Office
Un corps dix fois plus massif que la Terre serait entré en collision avec la géante du Système solaire quand elle était encore en train de se former. L’immense impact permettrait d’expliquer l’étrange structure interne de la planète, mesurée par la sonde Juno.

Jupiter aurait subi un impact géant lors de sa formation, il y a 4,5 milliards d’années, indique une collaboration internationale de chercheuses et chercheurs dans un article paru le 14 août 2019 dans la revue Nature. Un résultat issu de simulations, en plus des mesures fournies par la sonde Juno, envoyée en 2011 vers la planète géante. Premier auteur de l’étude, Shang-Fei Liu, de l’université de Sun Yat-sen (Zhuhai, Chine), estime à plus de 40 % la probabilité que Jupiter ait avalé un embryon de planète lors de ses premiers millions d’années d’existence.

Dans son scénario, la masse de cette protoplanète aurait égalé dix fois celle de la Terre. Un type d’astre dénommé Super-Terre, le plus répandu parmi les 4043 exoplanètes découvertes à ce jour, mais inexistant autour de notre propre étoile, le Soleil. La protoplanète n’aurait pas réchappé à la gravitation dantesque de Jupiter, et pourrait même l’avoir percuté frontalement. Elle aurait alors profondément affecté le cœur de Jupiter, dont la sonde Juno a révélé il y a deux ans, la structure interne.

Expliquer les entrailles de Jupiter

« Nous avons découvert en 2017 que le noyau de Jupiter n’était pas une sphère solide clairement délimitée, mais plutôt un ensemble dilué de roches et de glaces, mélangées à de l’hydrogène et de l’hélium », décrit Ravit Helled (University of Zurich), coautrice de l’étude. Depuis ce changement de paradigme, les planétologues tentent d’établir le fil des événements qui a mené à une telle structure interne, qualifiée de « gradient » plutôt que d’une succession de couches distinctes. « Les modèles numériques qui décrivent une croissance très rapide de la planète ou de grandes forces convectives en son sein ne suffisent pas à expliquer l’étendue du noyau », développe la chercheuse. L’hypothèse de l’impact survient donc comme une nouvelle forme d’explication, qui constitue « plus un pas en avant qu’une réponse définitive » à l’énigme posée par la sonde Juno.

Simulations des conséquences de la collision sur la densité interne de Jupiter. © Shang-Fei Liu

Des mesures ralenties

Lever le voile sur la question devrait donc nécessiter des mesures supplémentaires de la part de la sonde américaine, en orbite autour de Jupiter depuis juillet 2016. Il faudra pour cela compter sur des données qui n’arrivent pas aussi vite que prévu, la faute à des complications lors de son insertion en orbite. Le dysfonctionnement de deux clapets au sein du système de pressurisation du moteur avait dissuadé les ingénieurs de la Nasa de tenter la manœuvre de trop. Cette dernière devait circulariser l’orbite de Juno afin que la sonde puisse fréquemment mesurer le champ gravitationnel jovien, en bouclant une révolution en à peine 14 jours. À l’inverse, Juno se maintient depuis son arrivée sur une orbite très elliptique, qui ne lui permet d’approcher la planète que tous les 53 jours. Pour s’adapter à cette situation, la mission, qui transporte trois figurines Lego symboliques, a été prolongée jusqu’en 2021.

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