Découverte : un surprenant nuage de gaz tout proche de la galaxie d’Andromède

M31 au centre et le nuage d'émission d'oxygène ionisé en couleur bleue/verte © M. Dreschler, X. Strottner, Y. Sainty
Trois amateurs ont découvert une nébuleuse voisine de la galaxie d’Andromède, ou M31, pourtant bien connue des astronomes. L’origine de ce nuage de gaz interroge.

Caché à la vue de tous. Un nuage diffus vient d’être découvert dans le ciel, visuellement proche de la galaxie d’Andromède. Parue dans les premiers jours de janvier 2023, cette image a tout pour surprendre. Au centre, la galaxie de la constellation d’Andromède, alias M31, est l’un des objets les plus photographiés en astronomie. C’est la grande galaxie spirale la plus proche de la nôtre, dont le noyau est visible dans une simple paire de jumelles hors des villes. Pourtant vaste comme deux Pleines Lunes, la nébulosité en haut à gauche de l’image avait échappé à tout le monde. Jusqu’à ce que Marcel Drechsler, Xavier Strottner et Yann Sainty la dénichent. Accompagnés de chercheurs, ce trio d’amateurs franco-allemand vient de publier sa découverte dans une note de recherche de l’American Astronomical Society (AAS).

Mise à jour du 9 janvier 2023 : le 9 janvier, l'équipe StDr a dévoilé l’image ci-dessus, obtenue par assemblage de photos prises en lumière rouge (longueur d'onde 656,3 nm émise par l'hydrogène), verte (longueur d'onde 500 nm émise par l'oxygène) et d’autres longueurs d'onde dans le visible. Durée totale de temps de pose : 111 heures. Cliquez ici pour voir cette image en haute résolution.

Avec une simple lunette d’astronomie

C’est en allant observer le même objet pendant 22 nuits, d’août à octobre 2022, que Yann Sainty a produit l’image depuis la Lorraine. Équipement employé ? Une lunette astronomique d’à peine 10 cm de diamètre associée à un filtre ne laissant passer qu’une forme de lumière bien spécifique. Le vert qu’émettent les atomes d’oxygène d’un nuage de gaz errant dans l’espace après avoir été ionisés deux fois, c’est-à-dire excités au point que leur soient arrachés deux électrons.

Ce n’est qu’au prix d’un temps d’exposition de plus de 48 heures qu’il a été possible de révéler la faible nébuleuse, telle que publiée dans les notes de recherche de l'AAS. Un art dans lequel ses camarades Xavier Strottner et Marcel Drechsler se sont maintes fois illustrés ; ils ont découvert des dizaines de vastes objets comme la nébuleuse de la Coupe de feu ou la nébuleuse du Cœur de l’hydre. Dès lors que les instruments d’astronomie amateur sont assez sensibles, ils peuvent parvenir à ces découvertes, bénéficiant de leur grand champ de vision, là où les télescopes professionnels zooment sur des très petites portions de ciel. Un total de cinq télescopes différents ont ensuite vérifié la présence de cette nébuleuse.

Sur cette photo partagée par le site APOD en 2017, la nébuleuse n’apparait pas entre les nuages de gaz visibles en rouge. © Rogelio Bernal Andreo (Deep Sky Colors)

Quelle est cette chose ?

Pour expliquer la nature de ce surprenant objet, il faudrait d’abord connaître sa distance. Or, cette information manque. Est-il proche, au sein de notre propre galaxie, la Voie lactée ? Est-il autour de M31, à 2,5 millions d'années-lumière ? Ou quelque part entre les deux ? « En regardant de près cette structure, on observe qu’elle est extrêmement striée. Un tel niveau de détail suggère que l’objet est plus vraisemblablement proche, donc dans notre galaxie », réagit à chaud Pierre-Alain Duc, directeur de l’observatoire de Strasbourg. « Les nuages de gaz diffus sont omniprésents dans notre galaxie. Certains sont filamenteux comme celui-ci. Le fait que celui-ci se démarque de son voisinage reste néanmoins étonnant », ajoute l’astrophysicien.

Sans nul doute, cette nébuleuse est un nuage de gaz ionisé. Mais selon les auteurs de la publication, pas une nébuleuse planétaire, bulle de matière soufflée par une étoile mourante, de faible masse. Ni même les restes d’une supernova, vestige de l’explosion d’une étoile très massive. Eux penchent plutôt pour un objet voisin de la galaxie d’Andromède, résultat d’une interaction passée entre M31 et une autre galaxie qui lui tournait autour. « Impossible en tout cas que l’objet vienne juste d’apparaître », écarte Robert A. Fesen (Département de physique et d’astronomie de Hanover, New Hampshire) pour expliquer qu’il n’ait pas été vu avant.

Un spectre en juge de paix

Pour estimer la distance de la source lumineuse, les astronomes en mesurent actuellement le spectre lumineux. De cette décomposition de la lumière, ils pourront en déduire la vitesse radiale, c’est-à-dire à quelle cadence il s’approche ou s’éloigne de nous. Si sa vitesse est similaire à celle de M31, connue pour foncer droit vers la Voie lactée, alors la possibilité que le nuage soit lié à M31 perdurera. Dans le cas contraire, cette hypothèse sera écartée, et l’objet vraisemblablement situé dans notre galaxie. « Mesurer un spectre permet aussi de déduire quels types d’étoiles, ou autres sources, sont à l’œuvre pour ioniser le nuage de gaz [le chauffer afin qu’il luise, ndlr] », complète Pierre-Alain Duc.

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