Comment la comète Chury a fondu

La surface de la comète Churyumov-Gerasimenko. © ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA
Entre 2014 et 2016 la sonde européenne Rosetta a pris des milliers de photos de la comète Churyumov-Gerasimenko. Des clichés qui révèlent comment, sous l’effet de la chaleur du Soleil, la surface de l’astre glacé a changé.

Quand elles s’approchent du Soleil, les comètes commencent à fondre. Ou plus exactement, à se sublimer (leur glace se transforme directement en gaz). Cela, les astronomes le savent depuis des décennies : c’est ce phénomène qui est à l’origine de leur chevelure et de leur queue. Mais jusque-là, ils ne l’avaient jamais observé d’aussi près.

Grâce à la sonde Rosetta, les chercheurs ont accumulé des milliers de photos du noyau de la comète Churyumov-Gerasimenko. Et en comparant des clichés de mêmes zones pris à des mois d’intervalle, ils ont constaté des évolutions spectaculaires du paysage. Leur résultat fait l’objet d’une étude publiée dans la revue Science.

Les traces de l’activité de la comète

Après sa satellisation autour de la comète, le 6 août 2014, Rosetta a témoigné du réveil progressif de son activité à mesure qu’elle se rapprochait du Soleil. Des premiers jets de gaz et de poussière trahissant la sublimation de glaces avaient été repérés dès le mois de septembre 2014.

Puis l’activité s’était emballée jusqu’autour du passage de la comète au plus près du Soleil le 13 août 2015. Durant cette période déjà, la comparaison de clichés d’une même zone mettait en évidence cette « fonte » de la comète qui s’est poursuivie bien après le 13 août 2015.

Des rochers qui se déplacent

Sur la surface tourmentée de cette comète de 4 km sur 3,5 km, les changements les plus spectaculaires concernent sans doute quelques gros rochers qui semblent s’être déplacée comme par magie. Ainsi, un rocher de 4 m de diamètre a parcouru 15 m entre mars 2015 et juin 2016. Mieux encore : un autre de 30 m de large, dont la masse est estimée à 12800 tonnes, a migré de 140 m dans la région appelé Khonsu entre mai 2015 et février 2016.

Dans les deux cas, ces mouvements semblent intimement liés à des épisodes de dégazage qui ont été observés par la sonde Rosetta dans l’intervalle. Soit le sol sur lequel ils se trouvaient a été érodé par l’activité, ce qui les a fait rouler le long de pentes, soit des jets puissants les ont soulevés et projetés un peu plus loin.

Un rocher de 30 m de large s’est retrouvé à 140 m de son point initial. © ESA.

Des failles qui s’élargissent

Autres changements notables : quelques failles, observées notamment dans la région du « cou » de la comète, se sont clairement allongées et élargies. L’une d’elles, longue de 500 m au mois d’août 2014, atteignait 530 m en décembre de la même année. Une autre, initialement de 150 m, a doublé sa longueur en quelques mois. Les scientifiques estiment que ces phénomènes sont liés à l’augmentation de la rotation de la comète sur elle-même survenue au périhélie.

Des failles se sont allongées sur la comète. Crédit : ESA.

Des falaises qui s’effondrent

Tout comme sur la Terre, en bord de mer ou sur les flancs des montagnes, des glissements de terrains ont eu lieu sur Chury. Ces observations, relatées dans Nature Astronomy, indiquent que des pans entiers de falaises se sont effondrés. L’un de ces événements est même daté précisément puisqu’il correspond à un sursaut observé le 10 juillet 2015.

Dans la région de Seth, la falaise de 134 m de haut appelée Assouan a brusquement été délestée d’environ 10000 tonnes de matériau. Les débris de toute taille retrouvés au pied permettent aux astronomes d’estimer que 99% de la partie effondrée sont toujours là, sur la comète. En revanche, 1% a disparu ; il s’est volatilisé en poussière dans l’espace. Il s’agit d’environ 100 tonnes de poussière qui correspondent à l’ampleur du jet qui a été observé le 10 juillet 2015. L’événement a en outre mis au jour une partie de la comète initialement enfouie que les instruments de Rosetta ont pu ausculter.

La quasi-totalité du pan de falaise effondré dans Imhotep a été retrouvé un peu plus bas. © ESA.

Des plages de sable qui disparaissent

Sur Chury, plusieurs zones ressemblent à des étendues de sable. Celles-ci également ont subi l’érosion due à la chaleur solaire. Cet effet se remarque notamment dans la région d’Imhotep, où une zone sablonneuse d’une centaine de mètres de côté a quasiment disparu entre novembre 2014 et février 2016. Un rocher dont seul le sommet dépassait de l’accumulation de « sable » a été entièrement mis au jour par la sublimation des glaces mêlées au sol. L’érosion a ainsi pu être mesurée : environ 3 m en épaisseur !

Sous le sable de Chury... les rochers. © ESA.
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