Ramadan : calcul ou observation à l’œil nu ?

Croissant de Lune au-dessus d'une mosquée. Crédit : JL. Dauvergne/Ciel et Espace Photos

Observations et calculs astronomiques jouent un rôle central dans l'imbroglio actuel sur la date du début de ramadan. Le début du jeûne, qui marque le neuvième mois du calendrier musulman fondé sur la Lune, est marqué par l'apparition dans le ciel du premier croissant de notre satellite.

En mai 2013, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait décidé d'annoncer cette date à l'avance, le 9 juillet, en s'appuyant sur le calcul astronomique.

Il a cependant dû faire marche arrière à la dernière minute, après que la commission théologique de la mosquée de Paris ait annoncé le 9 juillet que, « la vision de la Nouvelle Lune s'étant révélée impossible à établir en France, comme dans les pays musulmans », le jeûne devait débuter ce 10 juillet.

Le ramadan suspendu à un fin croissant

Le calendrier musulman compte douze mois, alternativement de 30 et 29 jours. Le début du neuvième mois (Ramadan) se produit après la Nouvelle Lune, lorsque l'astre redevient visible sous la forme d'un fin croissant.

Traditionnellement, à la fin du 29e jour du mois précédent (Cha'bâne), les croyants guettent l'apparition de la toute jeune Lune lors de la « Nuit du doute ». Si le croissant refuse de se montrer, alors le début du jeûne est reporté d'un jour.

Cependant, le croissant n'est pas facile à observer. « Sa visibilité dépend beaucoup des conditions climatiques, mais aussi surtout de la position géographique. Du fait de sa latitude assez élevée, la zone de visibilité coupe souvent la France en deux : le premier croissant de Lune est généralement perceptible plus tôt dans le sud du pays », souligne Patrick Rocher, de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE).

Un calcul astronomique complexe

L'IMCCE transmet tous les ans ses prédictions de visibilité du croissant lunaire à la Grande Mosquée de Paris. Néanmoins, jusqu'ici, aucune date n'était annoncée à l'avance par les autorités religieuses. La décision conciliait les annonces faites par les pays musulmans, les données astronomiques et la concertation des différentes composantes du CFCM. Elle était finalement prise au dernier moment, lors de la « Nuit du doute ».

Mettant en avant un souci d'organisation pour les fidèles, en particulier dans un pays comme la France, dont le calendrier civil ne correspond pas au calendrier musulman, le CFCM a choisi de s'appuyer sur les calculs astronomiques, en adoptant le principe énoncé lors de la Conférence internationale sur l'observation de la Lune, en novembre 1978.

Selon ce principe, le mois lunaire est supposé commencer le soir, le centre de la Lune au coucher du Soleil étant plus de 5° au-dessus de l'horizon et l'élongation (c'est-à-dire l'angle entre le Soleil et la Lune vu depuis la Terre) étant de plus de 8°.

Comme ces conditions dépendent du lieu d'observation, le CFCM a également adopté le principe de « transfert de visibilité », selon lequel le mois lunaire est entamé partout dans le monde si le premier croissant de la Lune est visible ne serait-ce qu'à un endroit du globe.

Le croissant de Lune n'était pas visible à l'oeil nu depuis la France lundi soir. En revanche, il l'était en Polynésie française, par exemple (voir ce lien).

Il est aussi à noter qu'en réalité, comme le prouve l'extraordinaire cliché ci-dessous de l'astrophotographe Thierry Legault, la Lune possède un fin croissant même à la Nouvelle Lune.

Un infime croissant observé en infrarouge au moment exact de la Nouvelle Lune, le 8 juillet 2013 à 9h14min heure française, depuis Elancourt (Yvelines). Crédit : Thierry Legault.

Un infime croissant observé à la lunette astronomique et en infrarouge au moment exact de la Nouvelle Lune, le 8 juillet 2013 à 9h14min heure française, depuis Elancourt (Yvelines). Crédit : Thierry Legault.

Une affaire de tradition, de théologie et de politique

Malgré la polémique, l'utilisation de calculs astronomiques plutôt que d'observations n'est pas nouvelle dans le monde musulman. Ils sont déjà utilisés pour fixer les heures de début et de fin de jeûne, déterminées par le Soleil, ainsi que pour les prières rituelles.

En outre, dans des pays comme les États-Unis, le Canada, l'Allemagne ou les pays des Balkans, les méthodes scientifiques sont déjà utilisées pour pallier l'aléa des observations à l'œil nu. La Turquie procède également ainsi, et le jeûne y a donc commencé dès le mardi 9 juillet.

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