Raffi Kuyumjian : « Les trois quarts des astronautes souffrent du mal de l'espace »

Thomas Pesquet a suivi plusieurs séances de chaise rotative et lit basculant, afin d'habituer son cerveau à la perte d'orientation. Crédit : GCTC
La vie en apesanteur entraîne nécessairement quelques désagréments. Le docteur Raffi Kuyumjian, suppléant du médecin de vol personnel de Thomas Pesquet, nous explique lesquels.
Raffi Kuyumjian, médecin de vol

Vous êtes spécialisé en médecine spatiale opérationnelle à l'agence spatiale canadienne. Quels sont les effets de l'apesanteur que peut ressentir Thomas Pesquet pendant dans ses premiers jours en orbite ?

Il y a d'abord le mal de l'espace, très comparable au mal de mer. Les trois quarts des astronautes y sont sujets mais il est impossible de dire à l'avance qu'il l'aura et qui ne l'aura pas. Même si l'on n'est pas sujet au mal de mer, on peut avoir le mal de l'espace, et réciproquement. Il apparaît dans les premiers jours passés dans la station. Plus rarement dans le Soyouz car l'espace y est plus confiné et la sensation de désorientation y est plus faible. On le soigne avec les mêmes médicaments que ceux contre le mal de mer, mais cela ne fonctionne pas toujours.

En début de mission, les astronautes peuvent aussi avoir des douleurs lombaires, car leur colonne vertébrale s'allonge sous l'effet de l'absence de pesanteur. Elles sont heureusement temporaires. De même, comme ils ont plus de sang dans la tête, les astronautes souffrent parfois aussi de migraines. Enfin, l'afflux de sang dans les sinus peut leur donner la sensation d'être enrhumé. Ils sont congestionnés et perdent un peu l'odorat et le goût.

On parle aussi d'une modification de la vue ?

C’est un problème qui apparaît sur le plus long terme et qui est de plus en plus suivi : en apesanteur, un astronaute sur trois ou quatre devient myope et a alors besoin de lunettes pour voir de loin. On ne connaît pas exactement la cause de cette myopie, mais on suspecte là encore la modification de la répartition du sang dans la tête. En exerçant une pression sur la paroi de l'œil, elle déplacerait aussi son point focal et donc la netteté de la vision.

Sur l'ISS, il y a des paires de lunettes à lentilles variables qui sont prévues pour corriger cela. La plupart du temps, la vue redevient normale après le retour de l'astronaute sur Terre. Mais pas toujours, et on aimerait comprendre pourquoi.

Comment le médecin personnel de Thomas Pesquet va-t-il interagir avec lui pendant son vol ?

Pendant les deux jours de voyage en Soyouz, c'est le centre de contrôle russe qui est chargé du suivi des astronautes. Le médecin personnel intervient à partir de l'entrée dans l'ISS. Les cinq premiers jours, Thomas aura chaque jour une téléconférence médicale privée de 15 minutes avec son médecin. La conférence deviendra ensuite hebdomadaire, pour redevenir quotidienne cinq jours avant la fin de la mission, afin de s'assurer que tout est ok pour le vol de retour.

Les astronautes ont aussi un psychologue attitré, avec là aussi des conférences privées, qui portent généralement sur la qualité de leur sommeil, leur ressenti sur leur charge de travail, leur relations avec les autres membres de l'équipage, et tous les sujets qu'ils souhaitent aborder.

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