Non, SETI n’a pas encore détecté de signal E.T

Le radiotélescope russe Ratan 600, dans le Caucase. ©Google
La Toile s’emballe à propos de la possible détection d’un signal extraterrestre par l’équipe russe d’Alexander Panov avec le radiotélescope Ratan 600. Rien n’est moins sûr. L’astronome Franck Marchis explique pourquoi.

Tout est parti de la simple annonce, sur le blog d’un astronome amateur « Centauri Dreams », d’une discussion prévue le 27 septembre 2016 autour d’une détection d'un signal paticulier par le radiotélescope Ratan 600 lors d’une réunion SETI, pendant le 67e Congrès international d’astronautique au Mexique. 

Probablement un signal terrestre parasite

Suite au buzz créé par cette annonce, les Russes ont réagi laconiquement sur le site du Special Astrophysical Observatory of the Russian Academy of Science : « Un signal radio intéressanta été détecté en 2015, à la longueur d’onde de 2,7 cm, dans la direction de l’étoile HD 164595 dans la constellation d’Hercule. Les analyses qui ont suivi montrent qu’il s’agit probablement d’un message d’origine terrestre. »

De son côté, l’astronome Franck Marchis, chercheur à l’institut SETI, a réagi sur le blog Cosmic Diary Report pour nous éclairer sur les preuves nécessaires avant de prétendre avoir un signal extraterrestre, et sur les procédures que doivent suivre les scientifiques. Ci-dessous, la traduction de son analyse :

« Soyons prudent vis-à-vis de ce signal SETI

Plusieurs lecteurs m’ont contacté récemment à propos du rapport d’un groupe international d’astronomes ayant détecté un fort signal venu d’une étoile distante, susceptible d’être le signe d’une civilisation de très haute technologie. Voilà ma réaction : c’est intéressant, mais ce n’est assurément pas un signe de civilisation extraterrestre — du moins, pas encore.

Voilà pourquoi :

  1. Le signal a été détecté le 15 mai 2015 et ne s’est pas répété depuis. Malheureusement, bien qu’un protocole international demande d’alerter la communauté astronomique dès qu’un signal mystérieux est détecté, les observateurs s’en sont abstenus. Le fait qu’ils n’aient pas respecté ce protocole simplea entravé notre capacité à clarifier ce qui pouvait être à l’origine de ce signal.
  2. Le signal a été détecté par une antenne très complexe et l’un des mes collègues radioastronomes m’a indiqué qu’elle pourrait avoir confondu un signal terrestre comme un satellite ou un avion. Dit autrement, la qualité de pointage de cette antenne est si incertaine qu’elle peut avoir capté un signal parasite.
  3. L’étoile hôte, HD 164595, est très similaire au Soleil (même couleur, même âge et même taille). Elle est située à 91 années-lumière de la Terre et possède une planète connue, HD 164595b, probablement comparable à Neptune et située très près de son étoile : elle tourne en 40 jours. Nous n’avons pas détecté encore de Terre ou de super-Terre autour de cette étoile et nous ne pensons pas qu’il y en ait. C’est en effet ce que nous indiquent les théories actuelles de formation de systèmes planétaires. Néanmoins il n’y a pas de raison d’exclure que de la vie puisse éventuellement exister sur un satellite situé autour d’une planète géante glacée dans ce système. Mais là, on n’est plus dans les faits, plutôt dans la spéculation pure.
  4. Finalement, avant de s’emballer au sujet d’un signal spéculatif et déjà relativement ancien, nous devrions nous souvenir de l’énigme des « Perytons ». Les astronomes ont détecté ce signal à l’observatoire Parkes à partir de 1998, pour finalement conclure en 2015 qu’il s’agissait du signal émis par un four à micro-ondes, dont la porte était ouverte trop rapidement par des astronomes impatients.

 

Mais — et c’est un gros mais —, j’ai débuté en disant « du moins, pas encore ». Alors qu’est ce qui me ferait changer d’avis ? Comment pouvons-nous prouver l’affirmation extraordinaire qu’un signal a été émis par une civilisation qui tente de communiquer avec nous ?

Il faut se tourner vers l’un des dogmes de Carl Sagan : « Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires ».

Premièrement, ce signal doit être détecté par au moins une autre antenne sur Terre. Mes collègues au SETI Institute travaillent déjà dessus et ont observé l’étoile pendant des heures sans rien détecter.

Deuxièmement, nous devons analyser le signal pour être certain qu’il ne provienne pas d’une source artificielle.

Troisièmement, si le signal est détecté de façon répétée, nous pouvons l’analyser en supposant qu’il contient une information que des extraterretres veulent partager avec nous. Quel que soit le message (les décimales de Pi, le premier nombre premier, leur encyclopédie, des photos d’eux…), nous pouvons rapidement savoir s’ils essayent de nous communiquer quelque chose, et de quoi il s’agit.

Nous n’en sommes pas là encore. Dans le passé, en particulier pendant l’histoire tumultueuse de SETI, les astronomes ont brièvement pensé qu’ils avaient découvert un signal. Comme la technologie progresse et qu’il y a davantage de recherches, nous devrions avoir davantage d’alertes de ce type sans qu’elles soient confirmées. La recherche continue… En fait, à l’échelle de l’âge du Système solaire, elle vient tout juste de débuter. »

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