LOFAR dévoile l’univers à basse fréquence

La radiogalaxie 3C31 vue par LOFAR (en rouge). Crédit : Volker Heesen et l'équipe des relevés célestes de LOFAR
L’équipe de l’interféromètre Lofar a publié ce 19 février le premier volet de sa carte du ciel à basses fréquences radio. Dans un domaine de longueurs d’onde largement inexploré, elle révèle déjà plus de 300 000 nouveaux astres.

Ici, la galaxie M106 se pare de brillants bras spiraux qui ne sont pas faits d’étoiles. Là, c’est une radiogalaxie qui montre deux bouffées de rayonnements opposées. Et partout à l’arrière-plan, des centaines de milliers d’objets inédits apparaissent… L’équipe de l’interféromètre radio Lofar vient de lever le voile sur le relevé céleste qu’elle est en train de mener et qui s’achèvera en 2024. Couvrant pour le moment 2,5 % de l’hémisphère céleste Nord, à la résolution de 6 secondes d’arc par pixel, cette publication préliminaire ouvre une nouvelle fenêtre sur l’Univers, dans un domaine de longueurs d’onde largement inexploré.

« Lofar observe les manifestations à très basses fréquences de phénomènes très énergétiques. Les jets relativistes des trous noirs, les supernovae, les chocs dans les amas de galaxies… Il voit beaucoup de choses ! » s’enthousiasme Cyril Tasse. L’astronome de l’observatoire de Paris connaît bien l’interféromètre aux 100 000 antennes réparties dans 50 stations en Europe — dont, en France, à Nançay. C’est même en partie grâce à lui que Lofar est capable de réaliser un relevé aussi étendu et précis.

Raccourci algorithmique

« Sur un interféromètre radio comme Lofar, l’équivalent de l’optique adaptative [qui permet d’avoir des images nettes, NDLR], ce n’est pas un dispositif mécanique ou optique mais un logiciel », explique le chercheur. Autrement dit, c’est la façon dont on recombine les données issues des dizaines de milliers d’antennes de l’instrument qui permet de réaliser des images. « Jusqu’à récemment, nous étions limités par notre algorithme, trop lent pour pouvoir traiter dans des temps raisonnables les immenses quantités de données produites par notre relevé. À terme, nous en aurons quand même 48 pétaoctets [l’équivalent d’une pile de DVD 40 fois plus haute que la tour Eiffel, NDLR] ! En 2015, en exhumant les travaux d’un mathématicien datant des années 1930, nous sommes parvenus à développer un raccourci algorithmique qui nous a permis de gagner un facteur 2500 en vitesse de traitement », se réjouit Cyril Tasse.

À gauche : les émissions radio de M106 (en orange) superposées à une vue optique de la galaxie.
À droite : dans son déplacement, une galaxie dont le trou noir central est actif laisse un sillage de rayonnements radio.
© Cyril Tasse (observatoire de Paris/PSL) et l'équipe du relevé LOFAR

Interrogé sur le résultat le plus saillant de cette cartographie préliminaire à 120 MHz, l’astrophysicien évoque immédiatement l’observation des trous noirs supermassifs, au cœur des galaxies. Avec son grand champ de vue, Lofar en a observé énormément. « Nous avons découvert que plus une galaxie était massive, plus son trou noir était actif longtemps. Or, les jets de particules ultrarelativistes qu’émettent les trous noirs ont un effet sur les galaxies qui les abritent : ils y stoppent la formation d’étoiles. Nous nous doutions qu’il existait un mécanisme lié aux trous noirs qui empêchait les galaxies de grossir au-delà d’une certaine masse. Grâce à Lofar, nous pouvons l’observer », explique l’astrophysicien.

Si les données publiées représentent 8 heures de temps de pose par zone du ciel pointée par Lofar, « des relevés beaucoup plus profonds sont en cours », reprend Cyril Tasse. Avec des temps de pose de plus d’une centaine d’heures, sur des zones limitées du ciel, ils devraient eux aussi apporter leur lot de nouveautés.

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