Les satellites observent l’impact du confinement sur la pollution atmosphérique

Plus de 3 milliards d’humains sont actuellement confinés chez eux et les satellites spatiaux en voient les effets : la pollution atmosphérique décroît sensiblement. C’est le cas notamment du dioxyde d’azote, mais aussi du monoxyde de carbone.

Le satellite européen Sentinel-5P a cartographié la pollution au-dessus de l’Europe et de la Chine. Exploitées par les chercheurs du Royal Netherlands Meteorological Institute (KNMI), les données montrent une nette diminution des concentrations de dioxyde d’azote (NO2).

Baisse drastique du dioxyde d’azote dans l’atmosphère

Les concentrations de ce gaz, émis principalement par l’industrie et les voitures, varient avec la météo. Lorsqu’il y a du vent notamment, elles apparaissent plus élevées, car le vent dissémine le NO2. Les chercheurs ne peuvent donc pas tirer de conclusions en se basant sur une seule journée. Sur dix jours, c’est-à-dire sur une période suffisante pour que les conditions météo soient lissées, ces mesures sont en revanche fiables et parlantes.

Les cartes ci-dessous illustrent la baisse des concentrations en dioxyde d’azote, durant la période du 14 au 25 mars, par rapport à mars 2019.
Nitrogen dioxide concentrations over France

Mêmes comparaisons pour le Nord de l’Italie.

Nitrogen dioxide concentrations over Italy

Début mars 2020, les données collectées par Sentinel 5-P, mais aussi par le satellite de la Nasa Aura, avaient montré une diminution drastique des émissions de NO2 au-dessus de la Chine entre la période du 1er au 20 janvier, et celle du 10 au 25 février, où le confinement était déjà instauré en Chine.

Les émissions de dioxyde d’azote en Chine, avant et après le début du confinement.

Airborne Nitrogen Dioxide Plummets Over China

Chaque année à cette époque, la pollution atmosphérique au-dessus de la Chine baisse car de nombreuses industries ferment à l’occasion des célébrations pour le nouvel an chinois. Mais habituellement, la pollution repart à la hausse après les festivités, ce qui n’a pas été le cas cette année.

Les émissions de dioxyde d’azote en Chine, en 2019 et en 2020

Le monoxyde de carbone en forte baisse, surtout en Chine

Autre conséquence du confinement, les concentrations de monoxyde de carbone ont aussi fortement baissé. C’est ce qu’observent les chercheurs du LATMOS (Laboratoire atmosphères et observations spatiales), grâce aux données collectées par l’instrument IASI, qui sonde l’atmosphère dans l’infrarouge et qui équipe les satellites météo MetOp.

“C’est surtout la combustion de charbon qui dégage du monoxyde de carbone (CO), explique Cathy Clerbaux, spécialiste de ces mesures au LATMOS. La diminution est donc très marquée en Chine, qui en exploite encore beaucoup. Au-dessus de tout l’axe qui relie Wuhan à Pékin, nous avons ainsi noté une baisse de CO de 10 à 40%. Contrairement au dioxyde d’azote, le monoxyde de carbone varie peu en fonction des conditions météo. Pour tirer des conclusions fiables, nous avons néanmoins collecté des données sur plusieurs jours, les satellites MetOp effectuant 14 orbites terrestres par jour.”

La carte ci-dessous montre la pollution au monoxyde de carbone sur la période du 15 février au 15 mars 2020, comparée à la moyenne des années 2008 à 2019, sur la même période. “Habituellement, à cette époque, c’est toujours orange à rouge foncé. La diminution des concentrations de monoxyde de carbone cette année est très claire : elle est de 10 à 40%”, commente la chercheuse.

Monoxyde de carbone en Chine du 15 février au 15 mars 2020, comparée à la moyenne des années 2008 à 2019. © Maya George

“En Europe, où le charbon est nettement moins utilisé, la diminution est un peu moins forte, mais elle est tout de même visible dans la zone de Milan, sorte de cuvette qui habituellement retient les polluants”, poursuit Cathy Clerbaux.

Monoxyde de carbone en Italie du 24 février au 16 mars 2020, comparée à la moyenne des années 2008 à 2019. © Maya George

“Nos récentes analyses illustrent une fois de plus que la Chine est, de loin, le plus gros contributeur de la planète en divers polluants atmosphériques. Mais il faut noter que nous observons depuis quelques temps une tendance à la baisse de cette pollution, le pays misant de plus en plus sur les énergies renouvelables”, conclut la chercheuse.

 

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