Les neutrinos plus rapides que la lumière sur le grill

La fin de la controverse sur les neutrinos attendra la remise en route des accélérateurs du Cern, fin mars 2012. ©Cern

Le secret des neutrinos plus rapides que la lumière se niche-t-il tout bêtement dans la mauvaise connexion d'une fibre optique ?

Depuis que le physicien des particules Dario Autiero a fait part de ses doutes à ses collègues, relayés le 22 février 2012 par la revue Science, le Cern est en ébullition.

D'autant que pour répondre rapidement à cette question, il va peut-être falloir faire passer au second plan l'objectif prioritaire de son puissant LHC : la recherche du boson de Higgs.

60 milliardièmes de seconde

En septembre 2011, l'annonce de la découverte de neutrinos « supraluminiques » avait été accueillie avec autant de curiosité que de scepticisme (écoutez le podcast enregistré à cette occasion avec Michel Spiro, président du conseil du Cern).

L'inviolabilité de la vitesse de la lumière étant un pivot de la physique depuis Einstein, comment les neutrinos de l'expérience Opera étaient-ils parvenus à voyager plus vite qu'elle ?

D'où venait leur avance infime de 60 milliardièmes de seconde sur le temps qu'aurait mis la lumière pour parcourir le même trajet : 730 km entre l'accélérateur du Cern à Genève et le laboratoire de physique des particules du Gran Sasso ?

L'hypothèse d'une erreur de mesure a toujours été jugée la plus probable par les spécialistes de métrologie (notamment Peter Wolf, du laboratoire LNE-Syrte, dans les colonnes de Ciel & Espace en novembre 2011). Avec la découverte de l'erreur de chronométrage induite par la mauvaise connexion d'une fibre optique, utilisée dans le GPS de l'expérience, elle semble se confirmer.

Un instrument à 2 milliards d'euros

Pour en avoir le cœur net, il va toutefois falloir recommencer rapidement l'expérience et, doté d'un chronomètre « réparé », mesurer à nouveau la vitesse des neutrinos entre le Cern et le Gran Sasso.

Problème : les accélérateur du Cern (qui produisent les neutrinos de l'expérience) sont en maintenance jusqu'à la fin du mois de mars 2012. Surtout, lors du redémarrage, la priorité est censée revenir aux expériences du LHC, l'accélérateur à 2 milliards d'euros lancé à la recherche du boson de Higgs. Faudra-t-il donc attendre le mois de mai, prochain créneau alloué à l'expérience sur les neutrinos, pour savoir enfin si Einstein tient sa revanche ?

Le Cern doit trancher

Il s'agit in fine d'une question de politique scientifique. D'autant plus politique, d'ailleurs, qu'une autre expérience du Cern située au Gran Sasso, Borexino, se prépare à réaliser en mai sa propre mesure sur les neutrinos.

En respectant les échéances prévues, la direction du Cern pourrait permettre aux chercheurs de Borexino d'être les premiers à contredire Opera. Au contraire, modifier le calendrier du LHC permettrait de trancher au plus vite la controverse. Et incidemment, cela permettrait à Dario Autiero d'annoncer lui-même le fin mot de l'histoire.

Mais la quête du Graal de la physique des particules, la recherche du « Higgs », peut-elle attendre ? À l'heure où beaucoup pensent être arrivés enfin au seuil de sa découverte, faut-il repousser l'échéance ? Cela doit se décider à Genève.

Pour en savoir plus sur le LHC et ses objectifs, écoutez notre série de trois podcasts avec Michel Spiro, président du conseil du Cern.

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