Les cosmologistes se mettront-ils un jour d’accord sur ce que vaut la constante de Hubble ? Pas aujourd’hui en tout cas ! La constante de Hubble, c’est la vitesse à laquelle l’Univers poursuit son expansion. Alors que les observations du rayonnement de fond cosmologique par le satellite Planck ou l’Atacama Cosmology Telescope font pencher pour une valeur autour de 67 km/s/Mpc, une récente étude de galaxies menée par Dominic Pesce (université de Harvard) indique qu’elle serait plutôt autour de 74 km/s/Mpc. Autrement dit, elle confirme les mesures obtenues à partir d’étoiles céphéides dans des galaxies proches à l’aide du télescope spatial Hubble.
Cette mesure de l’expansion a longtemps été estimée entre 50 et 100 km/s/Mpc et semblait pourtant converger vers les 70 km/s/Mpc dans les années 1990. Mais depuis quelque temps, l’unité a volé en éclats ! Certes, la différence semble mince entre 67 et 74, mais les marges d’erreur de ces mesures sont suffisamment faibles pour s’exclure mutuellement. Cependant, l’avantage des observations de galaxies dont s’est servie l’équipe de Dominic Pesce est qu’elles ne reposent que sur la simple géométrie.
La distance de galaxies obtenue grâce à l’effet maser
Ces observations proviennent du projet Megamaser Cosmology auquel le chercheur participe. Le programme vise à évaluer la distance de galaxies grâce à l’effet maser ! Qu’est-ce donc ? Certains trous noirs situés au centre de galaxies sont entourés d’un disque de gaz chauffé par l’astre et comportant des molécules d’eau. Lorsqu’un rayonnement micro-onde passe à travers le disque chaud, ces molécules libèrent le même type de rayonnements, qui se trouve ainsi amplifié : c’est l’effet maser qui se propage dans le disque.
« Plus le rayonnement parcourt une longue distance à travers la matière, plus l’amplification sera grande », explique Dominic Pesce. C’est donc lorsque le disque se présente par la tranche, et non de face, que l’on a le plus de chance de détecter des masers grâce à des radiotélescopes. Le Very Long Baseline Array (Amérique du Nord), le Karl G. Jansky Very Large Array (Nouveau-Mexique), le Green Bank Telescope (Virginie de l’Ouest) et le radiotélescope d’Effelsberg (Allemagne) ont ainsi scruté six galaxies relativement proches (de 51 à 132 mégaparsecs, sachant que le superamas de la Vierge auquel notre galaxie appartient fait 200 Mpc de diamètre).

« Nous avons mesuré les position, vitesse et accélération de ces masers dans leur disque, ce qui nous a permis de déterminer le rayon de leur orbite. En les comparant avec leur taille apparente vue depuis la Terre, la géométrie la plus élémentaire nous permet de déterminer leur distance », raconte le jeune chercheur. Et donc celle de leur galaxie hôte.
Il est alors possible de relier la distance d’une galaxie, sa vitesse d’éloignement sous l’effet de l’expansion aussi appelée redshift et la constante de Hubble dans une relation mathématique. Les observations fournissant distance et redshift, le calcul permet alors d’obtenir la fameuse constante. Et c’est ainsi que l’étude de Dominic Pesce aboutit à une valeur autour de 74 qui ne colle pas du tout avec celle de Planck qui s’établit autour de 67 !
Chamboule-tout cosmologique
Il y a donc forcément quelque chose qui cloche, mais quoi ? La détermination par la géométrie de l’équipe de Dominic Pesce semble tellement simple et directe qu’une erreur de ce côté-ci est peu probable. Autre possibilité : la valeur de la constante de Hubble déduite du rayonnement de fond cosmologique peut être influencée par le nombre de familles de neutrinos. Elles seraient trois, mais il y a des doutes. Si une famille de plus existait, cela changerait leur densité au début de l’Univers et donc la valeur de la constante de Hubble déduite du rayonnement de fond cosmologique.
Autre solution qui est un peu l’arme atomique de la cosmologie quand quelque chose ne va pas : changer le modèle standard ! Les travaux allant dans ce sens et tentant de réconcilier les valeurs de la constante de Hubble des diverses observations ne manquent pas : prise en compte des inhomogénéités de la matière dans l’Univers, de possibles interactions entre neutrinos, de la désintégration de matière noire, etc. Le problème c’est que si les idées sont là, les preuves expérimentales de leur réalité font jusqu’à présent défaut.
Pour l’heure, les chercheurs veulent encore affiner leurs mesures. « Le projet Megamaser Cosmology continue d’analyser les données de plusieurs autres systèmes. En les combinant avec nos mesures actuelles, notre contrainte sur la constante de Hubble s’améliorera », assure Dominic Pesce. De quoi amplifier, tel un maser, le nombre de cosmologistes occupés à la résolution de ce problème jusqu’à ce qu’une solution émerge enfin.
Lire aussi : Qui a découvert l’expansion de l’Univers ?
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