La Nasa ne retournera pas sur la Lune avant 2025

Quel but pour les astronautes américains ? Le comité Augustine vient de rendre son verdict. Crédit : Nasa

"Le programme spatial habité américain est sur une trajectoire non viable. Il perpétue la périlleuse pratique qui consiste à poursuivre des buts sans leur attribuer de ressources."

C'est par ces termes que commence la version résumée du rapport que le comité Augustine doit remettre prochainement au président des États-Unis Barack Obama.

Rendu public le 8 septembre 2009, ce texte confirme les déclarations faites fin août par Norman Augustine (qui a dirigé le comité d'experts chargé d'évaluer le programme spatial américain), à savoir que le budget annuel de la Nasa devrait être augmenté de 3 milliards de dollars pour que l'objectif de retour sur la Lune soit atteint.

Dans tous les cas, selon le panel de spécialistes, un Américain ne marchera pas sur la Lune avant le milieu des années 2020. Le comité a ainsi rendu son avis sur plusieurs points cruciaux de la stratégie spatiale américaine.

1. Quel avenir pour la navette spatiale ?

Le vaisseau réutilisable en service depuis 1981 est financé jusqu'en 2010, pas plus. Le comité trouve que le rythme des vols programmés reste trop élevé par rapport à que ce qui était prévu après l'accident de Columbia, en 2003.

Donc, sa préconisation est d'étendre les vols de navettes jusqu'à la mi-2011 pour réaliser les missions avec plus de sécurité. Une option existe : maintenir jusqu'en 2015 la capacité de vol des navettes (avec des missions à un rythme faible) pour éviter que les États-Unis n'aient plus aucun accès indépendant à l'espace pendant le temps de mise au point d'un nouveau vaisseau.

2. Quel futur pour la Station spatiale internationale (ISS) ?

Son utilisation est jugée vulnérable après le retrait des navettes. L'idéal serait de favoriser les initiatives privées pour desservir l'ISS. Le retour d'investissement sur la station serait augmenté par un maintien en fonctionnement jusqu'en 2020. D'autant que cela permettrait d'établir de solides relations avec d'autres partenaires (l'Europe, le Japon, le Canada, etc.), dont la participation aux projets d'exploration serait bénéfique.

3. Où en est le programme Constellation ?

Sur ses bases budgétaires initiales, ce programme apparaît réalistes aux membres du comité... Sauf qu'il n'a jamais obtenu les fonds nécessaires. Résultat: le développement du lanceur Arès 1 et de la capsule Orion ont glissé. Prévus pour 2012, ils sont annoncés pour 2015, et plus vraisemblablement pour 2017, soit après la fin de l'exploitation de l'ISS...

Quant au développement du lanceur lourd Arès 5 et du module lunaire Altaïr, ils ont tout simplement été repoussés. Ici, le vaisseau Orion est clairement sur la sellette. Même s'il est considéré comme viable techniquement, ses coûts ne cessent d'augmenter. Limiter sa capacité à 4 passagers permettrait de réduire ces coûts en entraînant toutefois un retard supplémentaire d'un an dans son développement.

4. Quels lanceurs pour l'exploration ?

Pour le comité Augustine, il est incontournable de disposer d'un lanceur lourd si on veut explorer le Système solaire. Sur ce chapitre, une nette préférence est affichée envers le développement d'un Arès 5 "Lite" (10% moins grosse qu'Arès 5) par rapport à l'architecture Arès 1 + Arès 5. Sachant que concevoir un seul lanceur est moins coûteux que d'en réaliser deux très différents.

5. Quel moyen pour envoyer des astronautes en orbite basse ?

Ici, nouveau coup de canif à la capsule Orion. Non sur le plan technique mais sur le plan budgétaire. Les États-Unis pourraient sans risque déléguer la construction d'un vaisseau légèrement plus petit à son secteur industriel. Le gouvernement pourrait se passer des coûts de développement d'Orion.

6. Quelle destination pour l'exploration humaine ?

Mars est jugée incontestablement comme la destination la plus intéressante. Mais c'est une planète difficile à atteindre avec les techniques actuelles ; donc, mieux vaut ne pas la viser en premier : "Ce n'est pas la meilleure première destination." La Lune, en revanche, est vue comme un excellent terrain d'entraînement. On peut s'y adapter à une vie hors de la Terre, afin d'acquérir le savoir-faire nécessaire pour aller sur Mars.

Mais le comité Augustine a aussi retenu d'autres destinations possibles : les points de Lagrange, l'orbite lunaire, les astéroïdes géocroiseurs et l'orbite martienne. Jamais atteints, ces objectifs (appelés "Flexible Path") pourraient susciter l'intérêt du public et ouvrir la route vers Mars ou la Lune. Le comité prend le parti que la Lune en premier et les autres destinations sont les deux options valables. D'autant qu'elles ne s'excluent pas mutuellement. Une fois sur la Lune, on peut progresser vers Mars en atteignant d'abord les géocroiseurs...

Le rapport se termine sur le principal point d'achoppement : le financement. En conservant le budget annuel sur la base de celui prévu en 2010, aucune option ne permet un débarquement sur la Lune avant la fin des années 2020 ou le début des années 2030. Autre option : financer la navette jusqu'en 2011, ainsi que la désorbitation de l'ISS en 2016. Avec Arès 1 et Orion prêts en 2017, le retour sur la Lune serait envisageable à la moitié des années 2020.

Restent les options "Moon First" et "Flexible Path", assez fortement soutenues par le panel d'experts. Avec Moon First, l'ISS serait exploitée jusqu'en 2020 et la navette jusqu'en 2015 à un rythme réduit. Dans le même temps, soit on développe un lanceur dérivé de la navette (et le prolongement de celle-ci est alors un avantage), soit on fabrique Arès 5 "Lite", sans Arès 1, avec une capsule privée (sans Orion). La Lune peut alors être reconquise à la moitié des années 2020.

Avec Flexible Path réalisé grâce à Arès 5 "Lite" ou des dérivés des navettes, ou encore de petits lanceurs commerciaux (induisant un rôle minime de la Nasa), on atteindrait l'orbite martienne ou le sol lunaire également à la moitié des années 2020. Seul hic : les deux dernières options ne peuvent être réalisées qu'en augmentant de 3 milliards le budget annuel par rapport au profil prévu pour 2010. Un choix qui est désormais entre les mains de Barack Obama.

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