Découverte : une planète autour de l’étoile la plus proche

La planète détectée autour de l’étoile Proxima du Centaure est potentiellement habitable, si elle possède une atmosphère et de l’eau. ©ESO
A seulement 4,3 années-lumière du Système solaire, un autre monde potentiellement très ressemblant à la Terre gravite autour de Proxima du Centaure, dans la zone habitable de l’étoile.

Parmi les quelque 3000 exoplanètes connues, celle que vient de découvrir l’équipe de Guillem Anglada-Escudé à l’aide du télescope de 3,6 m de l’ESO, au Chili, va sans aucun doute prendre une place à part. Cette planète — la plus proche découverte en dehors du Système solaire — est peut-être celle qui ressemble le plus à la Terre. Et pour cause : elle se trouve en orbite autour de Proxima du Centaure, première voisine du Soleil, située à seulement 4,3 années-lumière.

Appelée Proxima Centauri b, cette planète affiche une masse minimale de 1,27 fois la masse de la Terre. Avec une masse plus probable de 1,4 fois celle de la Terre, elle est très vraisemblablement une planète tellurique, c’est-à-dire faite de roches, comme la nôtre. Mais ce qui attire encore plus l’attention sur elle, c’est qu’elle boucle son orbite de 11,2 jours dans ce que les astronomes appellent la « zone habitable ».

Elle gravite en effet à 7,5 millions de kilomètres de son étoile, qui ne fait que 12% de la masse du Soleil et en reçoit une énergie équivalant à 65% de l’énergie solaire reçue par la Terre. À ce régime, il n’y fait ni trop chaud, ni trop froid. De sorte que sa surface, pour peu qu’elle soit entourée d’une atmosphère, peut abriter de l’eau liquide. Or l’eau constitue un ingrédient que l’on juge indispensable au développement de la vie.

L’orbite de Proxima du Centaure b, comparée à celle de Mercure autour du Soleil.
L’exoplanète gravite dans la zone habitable (en vert) selon une période de 11,2 jours.

Une jumelle de la Terre ?

Les scientifiques refusent pour le moment de considérer que cette planète est une jumelle de la Terre. Même si elle a une masse très voisine et qu’elle se trouve dans la zone habitable de son étoile, elle a forcément eu un destin très différent. En particulier, elle se trouve autour d’une étoile qui est une naine rouge, très peu massive et très peu lumineuse (0,15% de la luminosité absolue du Soleil).

Or, cette catégorie d’étoiles, bien connue des astronomes, évolue de manière très différente que le Soleil. En particulier, sa jeunesse ne dure que 100 à 200 millions d’années. Pendant ce laps de temps, elle émet une plus grande quantité d’énergie avant de se calmer et d’atteindre rapidement le niveau de rayonnements actuel. Depuis 4,6 milliards d’années, Proxima du Centaure a donc une température de surface d’environ 3000 K. Et elle est extrêmement active, ce qui signifie qu’elle est secouée quotidiennement par d’énormes éruptions qui émettent de puissantes bouffées de rayons X et d’ultraviolets.

Enfin, les astronomes ne peuvent pas savoir si la planète est entourée ou non d’une atmosphère. Et dans l’hypothèse où elle en possèderait une, ils ignorent tout autant si cette atmosphère contiendrait de l’eau ou non.

Plusieurs climats possibles

Les inconnues sur cette planète n’empêchent pas les scientifiques d’envisager différents scénarios. Ainsi, une équipe européenne a effectué une étude visant à savoir quel pourrait être le climat sur Proxima b. La réponse dépend de nombreux facteurs, les principaux étant la forme de son orbite, la quantité d’eau initiale et la quantité initiale de gaz à effet de serre.

En combinant ces conditions de départ avec l’évolution de l’étoile, les chercheurs arrivent à des cas de figure très variés : la planète peut être totalement sèche et dépourvue d’atmosphère, comme Mercure, ou étouffée par une épaisse atmosphère, comme Vénus. Mais entre ces deux cas extrêmes, de nombreuses possibilités favorables à la vie se dessinent. Proxima b pourrait par exemple être aride côté jour et glacée côté nuit. Elle pourrait aussi avoir des lacs côté jour et des étendues d’eau recouvertes de glace côté nuit. Ou être aride sous les tropiques avec des calottes glacées aux pôles, ou encore être entièrement couverte d’un océan…

Ces deux animations montrent ce que pourrait être le climat sur Proxima b si elle possède assez d’eau
et une atmosphère. Dans le premier cas, la planète présente toujours la même région vers son étoile.
Cette rotation synchrone lui donne un hémisphère avec de l’eau liquide et un autre glacé.
Dans le second cas, la planète tourne lentement sur elle-même, ce qui réduit les régions où l’eau
reste liquide à une bande équatoriale. Les pointillés signifient la limite liquide-glace.

Pour trancher entre ces différentes possibilités, une seule solution : l’observer et acquérir des informations sur son compte. Hélas, les télescopes et satellites actuels n’ont pas une résolution suffisante.

Des planètes partout ?

Le fait qu’une planète ressemblant à la Terre se trouve autour de l’étoile la plus proche est-il un signe que celles-ci sont très nombreuses dans la Voie lactée ? « Ce n’est pas une surprise, car il y a en moyenne 1,4 planète tellurique par étoile M, de type similaire à Proxima », répond Franck Selsis, du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux. Cependant, même si les étoiles de type M sont les plus nombreuses dans la Galaxie, cela ne dit rien sur le nombre de planètes autour des autres étoiles.

Une planète avait été annoncée autour d’Alpha du Centaure B, la voisine de Proxima (à seulement 15000 unités astronomiques) et de type quasi similaire au Soleil. Mais les mesures effectuées ont ultérieurement été attribuées à des variations de luminosité de l’étoile, et non à l’influence gravitationnelle d’une planète.

Une planète tellurique bientôt observable

Proxima du Centaure b n’a pas été vue pour l’instant. Elle a seulement été détectée indirectement grâce à l’infime perturbation gravitationnelle qu’elle induit sur son étoile. Les astronomes l’ont découverte en suivant méthodiquement Proxima du Centaure avec le spectrographe Harps, installé sur le télescope de 3,6 m de La Silla, au Chili. Cet instrument a pu déceler de petites variations de la vitesse de l’étoile selon une période de 11,2 jours, trahissant la présence de la planète.

Si elle est hors de portée des détecteurs actuels, Proxima du Centaure b n’en reste pas moins une planète très intéressante. Peut-être la plus intéressante de toutes. Car sa proximité en fait une cible de choix pour les prochains télescopes géants de 25 à 40 m de diamètre, dont la construction commence. Franck Selsis s’est livré à un petit calcul : « La planète s’écarte de l’étoile au maximum de 38 millisecondes d’arc. C’est insuffisant pour la discerner avec le VLT. Mais ce sera observable avec l’E-ELT. »

Une « photo » de Proxima du Centaure b avec ce futur géant permettrait non seulement de confirmer son existence mais aussi de répondre aux questions aujourd’hui sans réponse. Car en analysant la lumière réfléchie par la planète, les astronomes pourront dire si elle possède une atmosphère, ils pourront détailler la composition de cette atmosphère, mesurer sa température, suivre ses variations saisonnières…

Or, les astronomes connaissent déjà très bien l’étoile et l’acquisition de ces données élargirait considérablement leur savoir en matière de planètes telluriques. Cette planète n’est peut-être pas une jumelle de la Terre, mais elle constituerait, longtemps après Mars et Vénus, une autre planète solide à étudier. « De quoi prendre du recul par rapport au Système solaire », conclut Franck Selsis.

Proxima du Centaure se trouve dans le ciel austral et est inobservable depuis l’Europe.
Elle est si peu lumineuse qu’elle n’est pas visible à l’œil nu, contrairement à ses voisines,
Alpha du Centaure A et B, deux étoiles très similaires au Soleil.
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