Après onze ans passés dans l’espace, la sonde Dawn entame la dernière partie de son voyage qui s’achèvera à l’automne 2018. Lancée en 2007, elle a d’abord visité l’astéroïde Vesta en 2011, avant de s’établir autour de Cérès en 2015. Là, elle fournit les premières images détaillées de la seule planète naine de la Ceinture d’astéroïdes, ce large anneau de petits astres évoluant entre Mars et Jupiter.
La sonde de la Nasa est aussi à l’origine de découvertes étonnantes. Alors que Vesta est constitué intégralement de roche, les données de Dawn suggèrent que le cœur de Cérès serait enveloppé totalement ou en partie d’un manteau de glace. À la suite de ce résultat, la mission a été étendue à deux reprises (en 2016 et en 2017).
Dawn aborde aujourd’hui la fin de sa mission avec un ultime objectif : « Élucider les questions qui demeurent sur l’origine et sur l’évolution de Cérès », résume Julie Castillo-Rodriguez, l’une des scientifiques du programme Dawn. Pour l’atteindre, l’engin ira frôler la surface cratérisée de la planète naine grâce à une nouvelle orbite très elliptique. Ses instruments pourront alors l’analyser avec une résolution cinq fois plus importante qu’auparavant.

qu’a empruntées la sonde pour atteindre le 6 juin 2018 son orbite finale, l’ellipse verte au centre. © Nasa/JPL-Caltech
Depuis le 6 juin, la sonde passe désormais à seulement 34 km au-dessus de la surface de Cérès et s’en éloigne à plus 4000 km. Six semaines de manœuvres débutées mi-avril ont été nécessaires pour atteindre cette orbite qui présente une autre particularité : « La taille de l’orbite a été augmenté pour que la période de révolution de la sonde égale 3 fois la durée de la période de rotation de Cérès, qui est d’environ 9 heures », explique Julie Castillo-Rodriguez. Réglées comme du papier à musique, les rencontres entre Dawn et Cérès auront toujours lieu au-dessus de la même région : celle du cratère Occator.

Ce cratère de 90 km de diamètre est relativement jeune puisqu’il se serait formé il y a moins de 20 millions d’années. Les éjectas produits lors de sa création sont remarquables, car ils n’ont pas été pollués par d’autres impacts ultérieurs et constituent un témoin fidèle de la composition interne de la planète naine. De plus, cette région est le théâtre de phénomènes témoignant de la présence d’eau sous sa surface rocheuse ! Durant l’ultime phase de sa mission, Dawn va particulièrement s’intéresser à l’un d’eux : la présence d’évaporite.
Survol du cratère Occator. Animation créée à partir des images de Dawn. © DLR
Situées au centre du cratère d’Occator, les évaporites sont des dépôts blancs très lumineux de sels minéraux contenant du carbonate. Comment sont-elles arrivées là ? C’est ce que Dawn va essayer de comprendre, mais les scientifiques ont déjà une idée : « Ces évaporites sont exposées à la surface grâce à un mécanisme qui implique probablement de l’eau liquide », indique Julie Castillo-Rodriguez. Des dépôts identiques ont été observés sur Terre et ils étaient à chaque fois associés à la présence d’eau. Si tout cela n’est que théorie pour le moment, d’autres indices abondent dans ce sens, comme l’observation de panaches.
Panaches de vapeur d’eau
Bien avant que nous ayons une image précise de Cérès, le télescope spatial Herschel a détecté des panaches de vapeur d’eau à deux reprises (en 2011 et en 2013), s’échappant de deux régions distinctes. On sait aujourd’hui que l’une de ces régions est celle d’Occator. L’eau gelée coincée sous la surface se sublimerait sous l’action des rayons du Soleil, formant de grands geysers éjectant 6 kg/s de vapeur d’eau. Ce nuage de vapeur retomberait sur la planète naine et la doterait transitoirement d’une atmosphère très fine. Le phénomène prendrait de l’ampleur lorsque Cérès atteint son périhélie. La dernière fois, c’était en avril 2018. Bien que l’origine — et la réalité — de ces geysers soit encore débattue, l’étude d’éventuels panaches de vapeur n’est pas prévue dans le carnet de route de Dawn : « Ce genre d’observation est difficile et pour l’instant n’est pas au programme », confirme Julie Castillo-Rodriguez.

même si les scientifiques pensent que l’eau liquide pourrait jouer un rôle dans leur formation. © Nasa/JPL-Caltech/UCLA/MPS/DLR/IDA.
Les premières images réalisées à seulement 34 km de la surface nous sont parvenues le 2 juillet. À cette distance, la résolution est incroyable : chaque pixel de l’image équivaut à 5 m de surface sur Cérès. De nouveaux clichés des évaporites ont été réalisés au centre d’Occator, plus précisément au-dessus d’une petite protubérance rocheuse particulièrement brillante. La Nasa attend beaucoup de ces données qui confirmeront peut-être les hypothèses formulées autour des évaporites : « Nous espérons comprendre comment les dépôts brillants situés à côté du centre du cratère se forment et ce qu’ils nous disent de l’intérieur de Cérès », explique Andreas Nathues, responsable de la Framing Camera, qui a pris les photos.

à mieux comprendre les mécanismes donnant naissance à ces dépôts blancs. © NASA/JPL-Caltech/UCLA/MPS/DLR/IDA
Une autre vue, cette fois du bord nord d’Occator, montre le contraste frappant entre la surface compacte et le versant qui semble fait de sable fin. C’est un énorme glissement de terrain qui a forgé cet impressionnant paysage. Les traces de l’écoulement qui a emporté la matière sont encore visibles. Ce phénomène apparaît aussi sur le côté est d’Occator.

Afin d’élucider les mystères de Cérès, la sonde Dawn est armée de son détecteur GRAND (Gamma Ray and Neutron Detector), de sa Framing Camera et d’une caméra infrarouge (VIR). Les images de la Framing Camera seront au moins 5 fois plus résolues que les précédentes et permettront d’étudier précisément la surface et les structures géologiques de la planète naine. Pour exemple, les premières photos prises à 34 km de la surface ont une résolution 10 fois supérieure que les meilleurs clichés obtenus par Dawn depuis 2015. Les relevés minéralogiques faits avec la caméra à infrarouge bénéficieront du même gain en finesse. De plus, les survols à basse altitude permettent également d’obtenir des mesures de gravité de meilleure qualité. Selon Julie Castillo-Rodriguez, ces données « apporteront ainsi de nouvelles contraintes sur la structure interne de Cérès. »
Pas de chute sur Cérès
La sonde travaillera jusqu’à que ses réserves d’hydrazine (son carburant) soient vides. Après cela, elle restera stable sur son orbite, mais ne pourra plus orienter ses panneaux solaires. En l’absence d’énergie, elle va se refroidir et ses composants électriques vont geler avant qu’elle ne plonge dans un silence éternel.Dawn restera alors indéfiniment autour de Cérès, afin de protéger la planète naine : « La Nasa impose un protocole pour les objets riches en eau, afin d’éviter toute contamination par des formes de vie terrestre. Comme Cérès contient potentiellement une couche liquide à faible profondeur, Dawn restera en orbite stable pendant au moins vingt ans », explique Julie Castillo-Rodriguez. Selon les prévisions, la mort de l’engin est programmée entre août et octobre 2018.
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