Cinéma : Ad Astra, Ad cata…

Ad Astra, sortie en salles le 11 septembre 2019. © 20th Century Fox
Le premier film d’aventures interplanétaires de James Gray sort le 18 septembre au cinéma. À la fois road trip et quête cérébrale, ce récit décousu et peu profond n’a pas réussi à convaincre « Ciel & espace ».

D’emblée, le pitch d’Ad Astra a de quoi décourager d’aller le voir : dans un « futur proche », l’astronaute Roy McBride (Brad Pitt) embarque pour un voyage interplanétaire dans le but d’aller retrouver son père (Tommy Lee Jones), soupçonné d’avoir tourné comme Jack Nicholson dans Shining et, en plus d’avoir zigouillé tout son équipage, de bombarder la Terre de puissantes décharges d’antimatière depuis l’orbite de Neptune, menaçant ainsi d’annihiler l’humanité. Oui, vous avez bien lu : des tirs meurtriers d’antimatière entre Neptune et la Terre…

Le spectateur potentiel peut naturellement objecter : « Ne nous laissons pas influencer par notre culture scientifique parfois trop rigide, passons outre cette idée saugrenue, et allons voir cette “odyssée spatiale” de James Gray, le réalisateur de Little Odessa et d’Immigrant, présenté tout de même en compétition officielle à la dernière Mostra de Venise. Nous pourrions être agréablement surpris. » Surpris, oui. Agréablement, non.

Ce qui surprend donc, c’est d’abord le nombre d’invraisemblances grossières qui ponctuent le film. On comprend rapidement que le père s’est envolé 30 ans plus tôt pour une mission vers les confins du Système solaire afin de... chercher les preuves d’une vie extraterrestre. Personne ne l'a donc informé que c'était sans doute l'endroit le moins pertinent de tout le Système solaire pour espérer rencontrer E.T. ?

Attention, on spoile…

S’ensuivent des scènes plus croquignolesques les unes que les autres [Spoiler Alert] : Brad Pitt qui embarque dans une fusée par les boosters, alors que la mise à feu est enclenchée (si, si…) ; Brad Pitt qui, flottant au-dessus de Neptune, désosse la carlingue d’un vaisseau pour se fabriquer un bouclier et fendre ainsi, un bras en avant tel Superman, l’anneau de la planète géante sans se faire percuter par les innombrables caillasses et rejoindre un autre vaisseau tranquilou bilou.

Oui, parce que dans ce « futur proche », on se balade dans l’espace simplement en agitant les bras dans la direction souhaitée, ce qui est très pratique. Et quand on veut secourir un vaisseau en détresse sur la route entre la Lune et Mars, rien de plus simple : il suffit de freiner un bon coup, de s’arrêter juste au-dessus, de passer d’un vaisseau à l’autre par une simple pirouette dans l’espace… Et là, on tombe nez à nez avec un effrayant singe mutant, fruit malencontreux d’expériences de biologie en apesanteur, qui est en train de massacrer tout l’équipage de ses crocs acérés…

Ad Astra ? On a eu du mal à décoller… © 20th Century Fox

Certes, les invraisemblances scientifiques, ce n’est pas nécessairement rédhibitoire. Après tout, personne ne s’offusque quand Han Solo passe en « vitesse lumière » avec le Faucon Millenium, avalant des parsecs en moins de temps qu’il n’en faut pour embrasser la princesse Leia. Mais d’une part, le monde de Star Wars est totalement fantaisiste, autant dans le temps que dans l’espace (« a long time ago, in a galaxy far far away »), ce qui n’est pas le cas d’Ad Astra qui s’ancre sur Terre et « dans un futur proche ». Et d’autre part, on pardonne volontiers les arrangements, même grossiers, avec la réalité scientifique quand le film nous emporte, quand il nous raconte une histoire.

Une pincée de ci, une pincée de ça

Or, avec Ad Astra, James Gray peine à tenir son fil conducteur — l’odyssée interplanétaire du fils vers le père — et perd son spectateur en proposant une série de mini-films dans le film, qui n’ont pas de lien les uns avec les autres, si ce n’est sa volonté (par manque d’inspiration ?) de placer un peu de chaque genre sciencefictionnesque dans ses 2 heures de film : un brin de Planète des singes et d’Alien avec ces singes mutants donc, une pincée de Blade Runner avec une séquence sur une base lunaire — destroy à souhait, déjà envahie d'enseignes de fast-food — où Brad Pitt, cheminant sur sa jeep lunaire pour rejoindre la face cachée, se fait attaquer par des pirates.

 Car la Lune est, bien entendu, devenue zone de guerre. On ne coupe pas non plus à Gravity avec quasiment les mêmes chutes et tournoiements catastrophiques dans l'espace. Star Wars est également présent dans la scène finale entre McBride et McBride Junior, où l'on croirait entendre Darth Vador dire à Luke : « My son, join the dark side. You and me, we will rule the galaxy ! »

Enfin, il y a du Interstellar et du 2001, dans des séquences lentes et esthétiques à souhait. Des scènes où le héros en scaphandre marche au ralenti dans un décor épuré vintage, mais qui ici, ne servent qu'à teinter un mauvais film de SF du vernis de « film d'auteur qu'il faut trouver sublime et profond ».

Même Brad a du mal à y croire

De sa performance d’acteur, Brad Pitt aurait pu rattraper les maladresses du réalisateur, comme l’a brillamment fait George Clooney dans Gravity, critiqué par certains pour ses nombreuses invraisemblances et la pauvreté de son scénario. Hélas, en astronaute taciturne et déprimé (qui rappelle un peu le Neil Armstrong de « First Man » !), à la recherche du père absent, il est loin d’être convaincant. Avec AD Astra, James Gray se frottait pour la première fois à la science-fiction. C’est, de notre avis, manqué.

Ad Astra, sortie en salles le 18 septembre 2019

 

Disponible en kiosque le 13 septembre ou sur notre boutique web

le magazine Ciel & espace n°567, d’octobre-novembre 2019

 

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