Une énorme tache sombre photographiée à la surface de Bételgeuse !

Une immense tache sombre est observée à la surface de Bételgeuse © ESO/Montargès
Pour la première fois depuis sa chute de luminosité entamée à l’automne 2019, une équipe d’astronomes a zoomé sur la surface de Bételgeuse. Ils révèlent le portrait le plus récent de cette étoile supergéante rouge qui se meurt.

Voici deux mois que la star de la constellation d’Orion défraye la chronique. Bételgeuse, étoile supermassive d’habitude si lumineuse, est en pleine dégringolade. Chaque jour qui passe, l’astre perd un peu de son éclat, provoquant sa chute dans le classement des étoiles les plus brillantes du ciel. Âgée de 10 millions d’années (voire à peine 8 millions), on sait la supergéante rouge en fin de vie. Mais que lui arrive-t-il exactement ? De quels maux souffre-t-elle ? Pour le comprendre, les astronomes se sont penchés au chevet de l’astre mourant. Aujourd’hui, ils dévoilent le visage de Bételgeuse, pour la première fois depuis que son éclat est au plus bas.


Comparaison de la surface de Bételgeuse entre Janvier et Décembre 2019 © ESO

Le constat est sans appel. Une vaste tache sombre recouvre la moitié de la surface de l’étoile. Localisé sur son hémisphère Sud (en bas à droite de l’image), l’artefact est visible en décembre 2019, alors qu’il ne l’était pas en janvier de la même année. Tel phénomène serait donc le principal responsable des 64 % de lumière totale manquant entre ces deux dates. Outre les variations lumineuses, la forme globale de Bételgeuse a perdu de sa rondeur. Elle apparaît plus anguleuse, particulièrement aux abords du point chaud, une zone plus lumineuse autour du pôle Nord, par lequel passe l’axe de rotation de l’étoile.

Pour expliquer de tels changements, deux pistes sont privilégiées par l’équipe de Miguel Montargès, astronome à l’université KU Leuven (Louvain, Belgique), qui a dirigé ces observations. La première : un refroidissement exceptionnel de la surface de l’étoile, dont la température fluctue au rythme des contractions et des expansions de l’astre. La seconde : une bouffée de poussière éjectée précisément dans notre direction. L’hypothèse d’un nuage de matière déjà en orbite autour de l’étoile, et qui nous en bloquerait la vue, est abandonnée.

Pointer un très gros joujou

Grâce à la caméra visible Zimpol, associée à l’instrument Sphere, l’image a été saisie à la longueur d’onde de 644,9 nm. Colorisée, sa teinte correspond à ce que l’on verrait à l’œil nu. À condition d’avoir un très grand œil ! Grand comment ? 8,2 m de diamètre précisément. C’est la taille du miroir UT3 du VLT (Very Large Telescope) qui a servi à produire l’image de Bételgeuse, depuis le Cerro Paranal, au Chili.

Étoile proche (à 700 années-lumière) et volumineuse (1000 fois le diamètre du Soleil), Bételgeuse même affaiblie reste extrêmement brillante pour un télescope d’une telle envergure. Sans l’ajout d’une variété de filtres, sorte d’épaisses lunettes de soleil faisant chuter l’intensité lumineuse, l’on risquerait de griller les capteurs. En 2015, lorsque ce choix de cible était fait pour la première fois – Bételgeuse devenant la première étoile autre que le Soleil dont on imageait la surface en lumière visible – un opérateur du télescope présent sur place s’exclamait : « C’est qui le fou qui observe Bételgeuse avec le VLT ? »

Mais il faut bien ça pour résoudre la surface d’une étoile. Aujourd’hui, observer celle d’une Bételgeuse si tourmentée est une véritable aubaine pour les astronomes. Les spécialistes des étoiles évoluées, c’est-à-dire mourantes, s’en réjouissent. « Des images de surface, on ne peut en faire que pour quatre ou cinq étoiles de notre galaxie. Alors surprendre un tel événement sur l’une d’entre elles ! » s’enthousiasme Éric Lagadec, astronome à l’observatoire de la Côte d’Azur et membre de la collaboration.


En lumière infrarouge des panaches de gaz et poussières sont visibles autour de Bételgeuse © ESO

Les conclusions publiées dans les prochaines semaines préciseront le portrait d’une étoile que l’on savait déjà très remuante. Vue en infrarouge grâce à l’instrument Visir du VLT, la périphérie de l’astre est le siège des panaches de gaz et de poussières éjectés depuis plus de cent ans. Une propriété connue depuis 2011, observée plus en détail récemment par l’équipe de Pierre Kervella (observatoire de Paris-Meudon) grâce à l’optique adaptative dont bénéficie dorénavant Visir.

 

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