Le journal de Thomas Pesquet (30) : Ma première sortie dans l'espace

Le selfie de l’espace, passage obligé ! Crédit : ESA/NASA
Chaque mois pendant plus de deux ans, Thomas Pesquet a raconté les coulisses de son entraînement aux lecteurs de Ciel & Espace. Désormais, il est sur orbite ! Dans ce trentième épisode, il revient sur sa sortie extravéhiculaire du 13 janvier.

Épisode 30 : Ma première sortie dans l’espace

« Je suis hyperheureux d’avoir pu faire une sortie extravéhiculaire. J’ai eu de la chance, car on peut très bien passer six mois dans l’ISS sans avoir de sortie prévue. Et puis, elle aurait pu être déprogrammée pour une raison ou pour une autre. Dans le spatial, tout change tout le temps : tant qu’une date n’est pas dans le passé, elle n’est pas certaine.

Je me souviens avoir ressenti une grande sérénité pendant l’attente dans le sas, juste avant la sortie. Dans le scaphandre, je retrouvais des sensations connues. C’est amusant parce que, lors de mon tout premier essai de combinaison spatiale — c’était dans l’Orlan russe, il y a des années —, j’avais eu l’impression au contraire d’être enfermé dans un cercueil avec juste une vitre devant les yeux. Pour aller sous l’eau avec ça, il ne fallait pas être claustrophobe ! Mais avec l’entraînement, le scaphandre, pourtant rigide, est devenu comme une seconde peau.

En pleine concentration en attendant la fin de la dépressurisation du sas, quelques minutes
avant l’activité la plus délicate de la mission jusqu’à présent.
© Nasa

Quand j’ai franchi le sas, ma première sensation a été une impression de chaleur et de lumière. On est sorti pendant le jour, directement exposé aux rayons du Soleil. J’ai immédiatement baissé ma visière dorée.

Ensuite, j’ai réalisé que mes mouvements étaient moins stables qu’en piscine, et qu’il y avait beaucoup plus de vide sous mes semelles ! Shane m’a demandé de prendre une minute pour m’habituer, vu que c’était ma toute première sortie. Mais mon corps a compris tout de suite que je ne tomberai pas. Je n’ai pas ressenti de vertige.

Au contraire, c’était plutôt cool de voir que je pouvais me lâcher, car je n’irai pas bien loin. Ensuite, je me suis concentré sur mon travail et quand je me suis penché à nouveau pour contempler la Terre sous mes pieds, deux heures et demie avaient passé.

Pendant une sortie extravéhiculaire, on n’est pas là pour faire du tourisme. Alors, même si on a envie d’admirer la Terre et le ciel, on se concentre sur le travail à réaliser. Et on est très attentifs à nos déplacements, car il faut veiller à ne rien abîmer.

Bien agrippé à l’ISS, je n’avais pas envie de m’en séparer !
J’aime beaucoup la réflexion dans le miroir.
© Roscosmos

Moi, pendant dix secondes, je me suis fait une grosse frayeur : j’ai cru que j’avais perdu mon sac, ce qui aurait été un vrai problème ! Un objet égaré pendant une sortie, par exemple un outil, c’est potentiellement un projectile qui peut heurter la station lors d’une prochaine orbite. C’est très dangereux. En fait, mon sac était bien accroché là où je l’avais laissé, mais comme il flottait, il s’était caché derrière une structure de la station...

À un moment, j’ai pu profiter de dix minutes pour regarder autour de moi et prendre des photos. Je devais attendre Shane. Je n’avais rien d’autre à faire. À côté de l’ISS, énorme, et à voir défiler les continents sous mes pieds, je me suis senti tout petit.... »

 

Découvrez les précédents épisodes du journal de Thomas Pesquet.

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