Le 14 juin, la pleine Lune est super aux fraises

Des communiqués annoncent une Pleine Lune qui sortirait de l’ordinaire. Ils la qualifient tantôt « super », « rose », « des fraises », « de sang »… Lisez ceci pour comprendre pourquoi le 14 juin, il ne faut pas dire super-Lune des fraises, mais Lune super aux fraises !

Depuis peu, la Pleine Lune se voit régulièrement affublée d’une panoplie de qualificatifs insensés sur le net. Ainsi, Pour le 14 juin 2022, les médias annoncent « une super Lune des fraises ». Cette annonce rappelle celle du 31 janvier 2018, cette fois-là, la toile frémissait pour une « super-Lune bleue de sang ». Ces annonces sont un débordement de la culture nord-américaine sur la nôtre. Il est souvent provoqué par des communiqués de la Nasa, discutables dans leur forme ou mal interprétés. Même les communicants du CNRS s’y sont pris les pieds. Le 26 mai 2021, ils invitaient sur Twitter à observer la « super-Lune des fleurs ». On peut imaginer que le tweet a fait grincer des dents les astronomes affiliés à l’institution (et pas qu’eux).

Et la Lune des esturgeons, alors !

La notion de super-Lune est discutable. Mais avant cela, tordons le cou à la Lune des fleurs, des fraises, et autres Lunes bleues. Dans le cas du 31 janvier 2018, l’ajout du qualificatif « de sang » n’a d’autre raison que de pousser les internautes à cliquer. Qu’il ait fait florès est une bonne illustration de la qualité des informations gratuites sur le web. En fait, il s’agissait simplement d’une éclipse totale de Lune. Une fois plongé dans l’ombre de la terre, notre satellite se pare d’une teinte orangée ou brique… Mais une « Lune de brique » est bien moins accrocheur ! Passons à la Lune bleue. Les anglophones utilisent l’expression « once in a blue Moon » pour quelque chose qui n’arrive que lors d’une Lune bleue… qui n’a rien de bleu. Est ainsi nommée une Pleine Lune qui survient un mois où il y a déjà eu une Pleine Lune. Dans la mesure où il y a 29,5 jours entre deux Pleines Lunes, ces occurrences sont rares : une quarantaine par siècle en moyenne. Bref, en français, l’expression n’a aucun sens. La traduction de once in a blue Moon donnerait quelque chose comme « à la saint-Glinglin ». La Lune des fraises du 14 juin 2022 n’a pas plus de réalité astronomique. Le terme vient d’un almanach des années 1930 édité par des fermiers du Maine, aux États-Unis. Ceux-ci avaient inventé pour chaque mois un surnom tiré de la culture amérindienne : la Pleine Lune du loup, des fraises, des esturgeons, du chasseur, etc. Ces noms sont devenus populaires dans la culture nord-américaine, mais restent totalement inusités chez nous.

Ésotérisme facile

Venons-en à la super-Lune. L’histoire est plus étonnante encore, car c’est une invention de l’astrologue américain Richard Nolle en 1979. Il est donc absurde de voir un concept ésotérique repris par la Nasa. Selon Richard Nolle, une super-Lune est une Pleine Lune ou une Nouvelle Lune qui se produit quand notre satellite se trouve entre 90 et 100 % de sa distance minimale à la Terre. La Lune a en effet une orbite sensiblement elliptique et sa distance varie entre 356 700 km et 406 300 km. En suivant la définition de Richard Nolle, il peut y avoir jusqu’à six « super-Lunes » par an. La notion n’est donc pas très sélective, mais bien pratique pour rédiger des prophéties astrologiques.

Les articles publiés à l’occasion des super-Lune laissent souvent entendre que sa taille serait bien supérieure à l’habitude. En réalité, la Pleine Lune au périgée est 14 % plus large qu’à l’apogée, et seulement 7 % de plus que quand elle se trouve à sa distance moyenne de la Terre. Ce n’est pas négligeable, mais c’est assez peu. En l’absence de repères visuels, il est impossible d’apprécier cet écart à l’œil nu. Les photographes s’ingénient à saisir la super-Lune à son lever. Un tel sujet donne une composition spectaculaire, mais ce n’est pas à cet instant que notre satellite est le plus proche. En raison de la forme sphérique de la Terre, le moment où nous sommes au plus près de la Lune, c’est lorsqu’elle culmine dans le ciel. Quand elle émerge de l’horizon, elle se trouve quelque 6 000 km plus loin ! C’est près de 2 % de la distance Terre-Lune, et ce n’est pas négligeable quand on pinaille justement sur quelques pour cent gagnés par rapport à la distance moyenne.

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C’est vrai… pour l’Amérique

Des communiqués mettent parfois en avant le fait que la Pleine Lune est la plus proche depuis X années, voire décennies. Mais en fait, ces variations d’une année à l’autre jouent sur seulement quelques dizaines de kilomètres. C’est imperceptible. Tout au mieux peut-on s’en satisfaire intellectuellement lorsque l’on contemple la Lune ce soir-là.
Pour profiter de ce moment, encore faut-il que l’instant précis de la Pleine Lune ait lieu lorsqu’elle est visible pour l’observateur. Car si elle se produit quand l’astre culmine aux antipodes, elle se sera déjà éloignée d’environ 1 000 km au moment où nous la verrons à notre tour. D’ailleurs, tous ces gros titres issus des communiqués de la Nasa concernent souvent de conditions optimales pour l’Amérique du Nord, et non l’Europe. C’est exactement ce qui se passe ce 14 juin, car la Pleine Lune a lieu à 11h53, elle est donc sous l’horizon pour les observateurs européens.

Faut-il alors bouder la super-Lune ?

Pas de raison de bouder la super Lune pour autant même si on peut mettre ce terme de côté et plutôt parler de Pleine Lune de périgée. Le plus étonnant du phénomène n’est pas tant le diamètre apparent de notre satellite, mais son éclat. La Pleine Lune du 13 juillet 2022, par exemple, sera près de 30 % plus brillante que celle du 19 décembre 2021. Par ailleurs, il est toujours intéressant d’être attentif à l’éclat de la Lune quand elle est pleine. « La Pleine Lune est 12 fois plus brillante qu’un Premier Quartier, et non pas 2 fois comme on pourrait le croire », souligne Jean Lecacheux, astronome à l’observatoire de Paris. C’est ce que l’on appelle l’effet de phase. Quand la Lune est en quartier, le moindre de ses reliefs a une ombre portée, des plus hautes montagnes aux plus petits cailloux. Au moment de la Pleine Lune, le disque lunaire est éclairé par le Soleil presque de face. Vu de la Terre, il n’y a donc plus d’ombre visible à sa surface. Le gain en luminosité est très fort. Faites vous-même l’expérience. Sortez la nuit avec un livre. Après quelques minutes d’accoutumance, vous verrez qu’il est possible de le lire à la simple lumière de la Lune ! Et c’est cela qui est vraiment « super » avec la Pleine Lune en général, et avec les Pleines Lunes proches du périgée en particulier, notamment le 14 juin 2022 et le 13 juillet 2022. Il faut noter que la pleine Lune du 14 juin est très basse, elle culmine au mieux à seulement 13° dans le ciel de Paris, c’est proche de son élévation minimale. Ça correspond à la largeur de votre poing avec le pouce levé si vous tendez votre bras. En somme ce n'est pas une super Lune des fraises, mais une Lune super aux fraises pour les observateurs de l’hémisphère nord. Elle ne se lève même pas aux latitude polaires.

Un effet bien réel sur les marées

Autre phénomène spectaculaire lié à la Pleine Lune : elle provoque de grandes marées d’autant plus intenses qu’elle est proche du périgée. L’effet est encore accru autour des équinoxes, quand l’équateur de la Terre fait face au Soleil. Du coup, les coefficients de marée autour de Pleine Lune de juin et de juillet 2022 seront de l’ordre de 100 à Brest. C’est à ces dates-là qu’il est vraiment possible de voir l’eau monter à la vitesse d’un cheval au galop dans la baie du mont Saint-Michel ou à la pointe du Hourdel en baie de Somme. Si vous êtes partis trop tardivement voir les phoques sur l’immense plage, courrez ! Les basses mers sont aussi très marquées et donnent l’occasion d’accéder à des zones habituellement recouvertes par l’eau. Finalement, le plus extraordinaire avec la super-Lune est la récolte miraculeuse qu’elle permet pour les adeptes de la pêche à pied. C’est bien là la seule prédiction fiable, n’en déplaise aux Nostradamus de tout poil.

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