234 civilisations extraterrestres détectées dans la Galaxie ?

Laser-Lune utiliser par la NASA pour des expérimentation de communication au Mont Lincoln. Crédit : NASA
Deux astronomes ayant passé au crible le rayonnement de 2,5 millions d'étoiles estiment avoir découvert, pour 234 d'entre elles, un signal « compatible avec l'émission de pulses laser par une intelligence extraterrestre ». Mais leurs collègues doutent...

Des civilisations extraterrestres communiquent-elles en ce moment même à travers la Voie lactée à l'aide de faisceaux laser ? Et surtout, viendrions-nous de les découvrir ? La conclusion que suggèrent les astronomes Ermanno Borra et Eric Trottier dans leur dernière étude — à paraître dans les Publications of the Astronomical Society of the Pacific — est pour le moins audacieuse.

En analysant 2,5 millions de spectres stellaires récoltés par le relevé céleste Sloan Digital Sky Survey, les deux chercheurs ont mis en évidence des modulations d'intensité très particulières pour 234 étoiles de type solaire. Des signaux non naturels et qui correspondent, estiment-ils, à la signature attendue d’une civilisation E.T. qui communiquerait avec des pulses laser.

Le signal n'étant perçu que, dans une petite fraction des étoiles étudiées, et pas les plus brillantes, il ne peut pas être causé par une erreur instrumentale ou une erreur d’analyse des données, expliquent les astronomes. Le fait que seules les étoiles de type solaire soient concernées, celles où l'on s'attend à trouver de la vie, renforce aussi selon eux l'hypothèse extraterrestre...

Des annonces extraordinaires requièrent des preuves extraordinaires

Sur le fond, l’idée qu’une civilisation extraterrestre puisse communiquer à l’aide de laser n’est pas nouvelle. « Elle remonte quasiment a l'invention du laser en 1960. Dès 1961, R.N. Schwartz et Charles Townes (lui-même prix Nobel en 1964, à l'origine de la théorie maser/laser) publiaient un article sur la communication interstellaire par masers, introduisant ainsi l'idée du “SETI optique” », raconte Luc Arnold, de l'observatoire de Haute-Provence. « Mais comme disait très justement Carl Sagan, “extraordinary claims require extraordinary evidence” » poursuit l'astronome français. Autrement dit : « Des affirmations extraordinaires requièrent des preuves extraordinaires ». Or, dans le cas présent, nous serions loin du compte. 

Dans les colonnes de New Scientist, le directeur de l’Institut Seti dédié à la recherche de vie extraterrestre, Andrew Siemion, affiche un certain scepticisme : « Vous ne pouvez pas faire une telle affirmation définitive tant que vous n’avez pas utilisé tous les moyens possibles pour confirmer la détection ». Si l'équipe du projet Breakthrough Listen Initiative, qu'il dirige, a décidé de viser quelques-unes des étoiles signalées par Borra et Trottier avec le télescope de 2,4 m de l’observatoire Lick, elle a cependant classé leur détection entre 0 et 1 sur l’échelle de Rio pour les découvertes SETI, qui va de 0 à 10 !

Jugée « nulle à insignifiante » en l’état, elle n'affole donc pas vraiment la communauté. Dans une déclaration en réaction à cette étude, le Breakthrough Listen initiative insiste sur le fait que de nombreux artefacts instrumentaux peuvent induire ce type d’anomalies en spectroscopie. Il est indispensable de confirmer une telle détection par au moins 2 télescopes.

Une étude inachevée

D'autant que de toutes les origines naturelles n'ont pas été explorées ! Dans leur étude, Ermanno Borra et Eric Trottier envisagent la possibilité « que les signaux soient dus à une composition chimique très particulière d’une petite fraction d’étoile du halo galactique », pour la juger immédiatement « peu probable ». Ils balaient aussi l'hypothèse d'un phénomène de turbulence dans l’atmosphère des étoiles, ou celle de pulsation stellaire.

Mais « à Apache Point où se situe le télescope du SDSS, il y a un laser qui tire sur la Lune, comme le Laser Lune de Calern en France », remarque Luc Arnold. Il faudrait vérifier qu’il ne s’agit pas d’une source de pollution possible. Or, cette hypothèse n’est pas considérée dans la publication. Par ailleurs, « ils auraient pu aussi utiliser les outils d’analyse développé par Claudio Maccone pour rechercher des signaux radio SETI. Montrer que le signal sort avec un traitement mathématique différent aurait renforcé leur affirmation. » 

Dans le New Scientist, Peter Plavchan (université du Missouri) est plus sévère. « Ce n’est pas une mauvaise idée de chercher un tel signal, mais ils n’ont pas fait leur devoirs. » Les chercheurs n'auraient pas analysé comment chaque étape de leur analyse pourrait affecter leur résultat.

Dans l’immédiat, il faudra donc attendre des observations complémentaires pour savoir s’il y a bel et bien des anomalies dans les spectres observés. Et quand bien même elles se vérifieraient, il faudrait s’assurer qu’il n’y a vraiment pas de phénomène physique capable d’expliquer une telle anomalie. A suivre...

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