La nuit où Thomas Pesquet s'est envolé dans l'espace

Thomas Pesquet, lors de son dernier échange avec ses proches avant le lancement. Crédit : David Fossé / Ciel & Espace
C'était sa dernière nuit sur Terre avant six mois. Ce 17 novembre 2016, le Français Thomas Pesquet a suivi le parcours traditionnel des astronautes en partance pour l'espace depuis Baïkonour. Récit.

« Reculez ! Reculez ! » Ils ont beau s'exprimer en russe, les hommes chargés de contenir la foule venue acclamer Thomas Pesquet, Peggy Whitson et Oleg Novitski au pied de l'hôtel des cosmonautes se font parfaitement comprendre. Depuis deux semaines qu'ils sont en quarantaine, les trois membres d'équipage de l'expédition 50/51 de l'ISS n'ont pas eu beaucoup l'occasion de sortir de leur cage dorée. Deux fois pour aller vérifier l'habitacle de leur vaisseau spatial, une autre pour planter un arbre comme il est de coutume avant de s'envoler pour l'espace, et puis ce soir un peu particulier du 17 novembre 2016.

Sortie de l'hôtel

Pour immortaliser la marche d'une centaine de mètres qu'ils auront à parcourir de leur hôtel au car qui les emmènera sur le cosmodrome de Baïkonour, à une trentaine de kilomètres de là, beaucoup de journalistes se pressent contre les barrières, mais aussi d'anciens astronautes comme Jean-Pierre et Claudie Haigneré, Jean-François Clervoy, une délégation de pilotes français en uniforme, des membres des agences spatiales impliquées dans la mission, des amis...

Pour tous, la fouille à l'entrée du site de quarantaine gardé par des militaires russes a été beaucoup plus sommaire que la veille, à l'occasion de la conférence de presse. C'est toujours l'armée qui filtre, mais les pistolets mitrailleurs ont disparu. Et puis, il y a visiblement trop de monde pour fouiller tous les sacs !

Sur le parvis, les portes ouvertes de deux cars, encadrées de portraits de Gagarine, attendent leurs passagers. Puis une musique de pop russe retentit et au bout d'une petite allée s'ouvre la porte de l'hôtel des astronautes. Le moment dure seulement quelques minutes. En combinaison bleue, Thomas Pesquet et ses deux coéquipiers saluent sans s'arrêter, font de petits gestes amicaux, sourient, puis rapidement montent dans le bus. Les photographes se précipitent. Des « Allez Thomas ! » fusent. Les flashes crépitent encore quelques instants. Les cars ont démarré, emportant l'équipage vers le bâtiment 254 du cosmodrome où ils devront enfiler leur combinaison spatiale.

Dernier salut par -17°C

Deux heures plus tard, le scénario se répète presque à l'identique. Après avoir mis leur combinaison et testé une dernière fois leurs sièges – parfaitement adaptés à leur physionomie et qui les suivront dans la fusée – les trois astronautes ont une dernière possibilité de parler à leurs proches et leurs amis, toujours derrière une vitre. Cet échange est pratiquement public puisque la presse y est tolérée au compte-goutte (« Les Russes d'abord », cependant). En fin de mâtinée, la compagne de Thomas Pesquet avait pu lui parler en tête-à-tête pendant une heure et demie. 

Dehors, la même foule qui avait suivi l'équipage à sa sortie de l'hôtel attend patiemment dans la nuit froide auprès des mêmes bus. Les drapeaux du Kazakhstan, de la Russie, de la France et des États-Unis flottent sur le vaste parking. Lorsque les astronautes sortent enfin à 23h20, portant comme une valise le climatiseur de leur scaphandre, beaucoup sont surpris de les voir engoncés dans une combinaison blanche — une protection contre les -17°C de température ressentie annoncée par la météo. Le commandant russe du vaisseau Soyouz marche en tête, suivi du jeune astronaute français et de la véterante américaine. Thomas Pesquet réalise-t-il enfin, à cet instant, qu'il va réellement s'envoler pour l'espace ?

À 1300 m de la fusée

Une heure plus tard, l'astronaute est en tout cas installé dans la capsule Soyouz, où il pénètre en premier en tant qu'ingénieur de vol, à gauche du commandant. Sur le site d'observation du lancement, à seulement 1300 m du pas de tir — le même d'où était parti, en son temps, Youri Gagarine — journalistes, VIP et « space geek » ayant souvent déboursés plusieurs milliers d'euros pour faire le voyage du Kazakhstan se confondent dans une même attente.

Tandis que certains peaufinent les réglages de leur objectif, d'autres sympathisent en évoquant leurs précédents tirs ou en partageant tout simplement leur plaisir d'être là, malgré le froid et l'heure tardive. Comme l'équipage, le public de plusieurs centaines de personnes est international et l'on entend aussi bien parler le russe que le français ou l'anglais sur le petit bout de steppe saupoudré de neige où il se presse — photographes au premier rang, les cameramen ayant même la possibilité d'utiliser l'une des deux tribunes en béton du site.

Tout le monde attend le décollage. A gauche, l'astronaute Jean-Pierre Haigneré. Crédit : David Fossé / Ciel & Espace

Quelques minutes avant l'heure fixée pour le lancement, le silence s'installe. Pour ceux qui attendaient un compte à rebours en bonne et due forme et qui ne parlent pas le russe, la fusée décolle pourtant presque par surprise. Un éclat vif, puis les fumées des quatre propulseurs enveloppent peu à peu le lanceur. La scène paraît d'autant plus irréelle que leur vacarme atteint la foule avec un léger décalage dû à la vitesse de la propagation du son, nettement plus lente que celle de la lumière.

 

 

Puis le vrombissement s'intensifie soudain et devient plus grave encore. Les moteurs principaux de la fusée rugissent tandis qu'elle s'élève enfin. Des cris de joie fusent, l'air claque comme un drapeau au vent. Dans quelques minutes, Thomas Pesquet et ses coéquipiers seront dans l'espace.

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