À 1335 m sous l’impact de Chicxulub

Collision céleste. © W. K. Hartmann/Ciel & Espace
Le forage le plus profond jamais effectué a été réalisé dans le cratère de Chicxulub. Son objectif : comprendre comment le cratère mexicain s’est formé il y a 66 millions d’années. Grande première, ce forage a mis au jour des cônes de percussion : c’est une preuve de plus de l’impact d’astéroïde à l’origine de l’extinction des dinosaures.

Une découverte percutante

L’authenticité du cratère d’impact de Chicxulub, dans la péninsule du Yucatan, ne fait pas de doute pour la communauté scientifique. Même si cette structure est ensevelie sous des centaines de mètres de sédiments, elle se révèle de façon évidente par les anomalies de gravité, mais aussi lors de forages.

Et c’est justement par cette méthode, en forant encore plus loin, que les scientifiques viennent de mettre au jour des cônes de percussion. Autrement dit, le Graal des chercheurs d’impacts cosmiques. En effet, ces fractures dans la roche, striées et de forme conique, ne se créent que sous l’effet d’impacts météoritiques ou d’explosions atomiques.

Le mécanisme n’est pas finement compris, mais il est admis que les cônes de percussion n’apparaissent que sous des pressions extrêmes, exprimées en milliards de pascals et incompatibles avec des phénomènes tectoniques.

Deux exemples de carottes issues du cratère Chicxulub. C'est dans des échantillons de ce type
que les cônes de percussion ont été découverts.
© M. Mowat@ECORD_IODP

C’est pourquoi les cônes de percussion sont considérés comme la meilleure preuve d’un impact, avec un type particulier de déformations microscopiques dans les quartzs.

Nous n’avions pas trouvé de cônes de percussion plus tôt car nous n’avions pas encore foré aussi profond, jusqu’au socle

explique Ludovic Ferrière, du Muséum d'Histoire Naturelle de Vienne. On trouve en effet ces preuves le plus souvent lorsque le bol du cratère a été érodé, comme à Rochechouart en France.

Ci-dessus, un cône de percussion de Chicxulub. © L. Ferrière@ECORD_IODP_NHMW

Le cratère de Chicxulub a ceci de particulier, qu’il ne présente pas de pic central, mais un anneau central. On trouve ce genre de structure sur les impacts majeurs, et c’est le cas ici avec un diamètre de 180 km. « C'est le seul cratère sur Terre connu qui montre un anneau central », souligne Ludovic Ferrière. En revanche, ce type de structure est assez commun sur la Lune ou Mercure par exemple.

Les indices d'un impact colossal

Les observations effectuées dans les carottes « nous permettent de confirmer le modèle de formation de ces structures par soulèvement dynamique, suivi d'un effondrement », explique Ludovic Ferrière. Ce résultat fait l'objet d'une publication scientifique dans la revue Science. Les roches contenues dans l’anneau étaient au moment du choc à 10 km sous la surface. L’impact les a d’abord poussées vers le bas sous la pression, puis vers l’extérieur.

Lorsque la pression s’est relâchée, elles sont remontées vers l’intérieur, puis vers la surface, avant de finalement s’effondrer vers le bas et vers l’extérieur. « Au final, ces roches ont été déplacées sur une distance d’environ 30 km en moins de quelques minutes », indique Ludovic Ferrière.

Deux mois de forage, sur plus de 1 km de profondeur

Pour excaver ces échantillons, un forage de deux mois a été réalisé au printemps 2016. Il a été effectué dans le golfe du Mexique, à 30 km des côtes, dans une zone où la profondeur de l’eau est de seulement 20 m. La foreuse est parvenue à atteindre 1335 m sous le plancher océanique.

Vue de la plateforme de forage. Crédit : Ele Ber
Vue de la plateforme de forage. © E. Le Ber@ECORD_IODP

Le carottage a commencé à 506 m de profondeur, et au total 303 carottes (représentant 835 m) ont été obtenues, soit un peu plus de 100 m de sédiments déposés après l'impact, le reste étant des impactites, des roches formées ou modifiées suite à l’impact. Ces carottes ont été coupées en deux et scannées. Plus de 11 000 échantillons ont été envoyés dans différents laboratoires, et la moitié des carottes intactes est conservé pour les générations futures. Outre Ludovic Ferrière, cinq autres chercheurs français sont impliqués dans ce projet, notamment à travers l’université de Bourgogne, le laboratoire Géoscience de Montpellier, l’université de Strasbourg, le CEREGE à Aix-en-Provence et l'Université anglaise de Leicester.

En tout, 303 carottes de ce type ont été réalisées, archivées et stockées.
© L. Ferrière@ECORD_IODP_NHMW.
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