Quand des comètes sont prises pour une flotte extraterrestre…

L'étoile KIC 8462852 observée avec le télescope Keck, à Hawaï, afin de dévoiler une étoile située à proximité, à moins de 2 seconde d'arc. ©Keck.

Le télescope spatial Kepler a détecté des baisses de luminosité si étranges autour de l'étoile KIC 8462852 que les médias se sont enflammés sur une éventuelle signature de civilisation extraterrestre avancée !

Depuis qu'il a été lancé, le satellite Kepler a surveillé quelque 150000 étoiles. Son rôle est de détecter le passage de planètes devant ces étoiles, qui se traduit par de légères baisses de luminosité. C'est ce qui s'est passé à deux reprises depuis 2011 pour KIC 8462852, une étoile située à 1480 années-lumière.

La première fois, son éclat a chuté de 20% pendant 5 jours. La seconde fois, il a baissé d'autant pendant 80 jours. Le cas est tout à fait passionnant et mystérieux, mais soyons clairs : à aucun moment, l'article scientifique exposant la découverte ne fait mention d'une éventuelle civilisation extraterrestre avancée pour expliquer ces observations !

Histoire d'un buzz

Il est dès lors étonnant de voir de nombreux médias mettre en avant l'hypothèse extraterrestre. Tout est parti d'un coup de fil de Ross Andersen, journaliste à The Atlantic, au principal auteur de l'article scientifique, Tabetha Boyajian de l'université Yale à New Heaven. Cette dernière lui a indiqué que le phénomène pourrait coïncider avec des scénarios autres que naturels.

Jason Wright, astronome à la Penn State University, a surenchéri en révélant à The Atlantic qu'il travaillait à une explication alternative. « L’hypothèse extraterrestre devrait toujours être l'ultime hypothèse à considérer, mais ceci ressemble à une construction que l'on peut attendre d'une civilisation extraterrestre », a-t-il indiqué.

Et d'ajouter, qu'avec Tabetha Boyajian et Andrew Siemion, directeur du centre de recherche SETI à Berkeley, ils sont en train d'écrire une demande de temps d'observation sur un grand radiotélescope afin d'écouter d'éventuels signaux extraterrestres en provenance de l'étoile !

Il n'en a pas fallu plus pour mettre le feu aux poudres du buzz, et enflammer la toile sur une possible détection de civilisation extraterrestre.

Priorité à l'explication la plus simple

Nous avons demandé l'expertise de l'astronome Luc Arnold, de l'observatoire de Haute-Provence, sur cette hypothèse audacieuse. Il est connu pour ses travaux sur les exoplanètes, mais aussi pour un article plus ludique publié en 2005, dans lequel il se livre à une expérience de pensée sur les signatures possibles d'une civilisation extraterrestre dans les variations de luminosité des étoiles.

L'astronome estime qu'« il faut privilégier l'hypothèse la plus simple ». Or, celle-ci existe. « L'hypothèse avancée par les chercheurs, c'est qu'il y aurait une famille de comètes autour de l'étoile. Cette idée d'un nuage qui se déformerait ne me choque pas », souligne le chercheur français

D'ailleurs la présence d'une seconde étoile dans le voisinage de KIC 8462852, potentiellement à une distance de seulement 885 fois la distance qui sépare la Terre du Soleil, pourrait étayer cette idée. L'astre pourrait avoir déstabilisé un nuage de comètes autour de l'étoile et précipité un grand nombre d'entre elles vers l'intérieur du système. Il y a une incertitude sur ce point car la proximité angulaire de cette seconde étoile est bien connue, mais il y a une incertitude sur sa distance.

Et les extraterrestres dans tout ça ?

La présence d'une civilisation extraterrestre avancée autour de KIC 8462852 est posée malgré tout ; il est difficile de l'écarter sans argumenter.

« On peut, pourquoi pas, considérer l'hypothèse d'une sphère de Dyson, concède Luc Arnold. Il s'agit d'une structure artificielle hypothétique faite pour récupérer l'énergie de l'étoile. » Dans ce cas, l'esprit commun s'attendrait à voir une signature plus tranchée et plus régulière.

Pour Luc Arnold, ce n'est pas si simple : « Souvent, les gens ont en tête une image fausse à propos des sphères de Dyson. Ils imaginent une structure rigide autour de l'étoile. Mais on peut tout aussi bien imaginer une flottille d'objets en orbite autour de l'astre, et dont la configuration varie au gré des besoins énergétiques ».

En revanche, un argument fort prêche en défaveur d'une sphère de Dyson : « Des photons infrarouges devraient ressortir comme des “déchets” de cette mégastructure après utilisation de cette énergie. Or, l'équipe n'a repéré aucun excès d'émission de lumière dans ce domaine », conclut Luc Arnorld.

Finalement, beaucoup de bruit pour rien. Ce n'est pas la première fois qu'une variation de luminosité inhabituelle est repérée autour d'une étoile. Le dernier cas en date dans la constellation des Voiles autour de l'étoile NGC 2547-0ID8 avait été expliqué tout simplement par une collision d'astéroïdes sans même que personne n'appelle E.T. à la rescousse !

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