Curiosity découvre que la vie a été possible sur Mars

La foreuse de Curiosity est capable de creuser un trou de 2,5 cm de profondeur dans la roche. Mais elle présente une défaillance technique. crédit : courtesy Rod Pyle / Space.com

Le robot Curiosity a découvert dans des échantillons de roche que des « conditions d'habitabilité » ont autrefois existé sur Mars.

Mais il n'a pas encore mis la main sur ce pour quoi il a été conçu : des molécules organiques, briques élémentaires de la vie.

Coup d'essai, coup de maître : le tout premier forage de Curiosity sur la planète rouge, réalisé le 8 février 2013 sur le site de Yellowknife Bay, dans la zone baptisée Glenelg, a donné de très bons résultats.

L'analyse, par les instruments SAM et Chemin, des échantillons collectés a en effet montré que le site contenait deux types de minéraux formés en présence d'eau liquide : des phyllosilicates (ou des argiles) et des sulfates (sorte de sels).


Des échantillons protégés de l'oxydation martienne
Les sondes Mars Express et MRO avaient déjà détecté des argiles depuis l'orbite tandis qu'Opportunity avait mis la main sur des sulfates, mais le « mélange » découvert ici est un peu différent.

« Les sels d'Opportunity étaient des sulfates de magnésium ou de fer, des minéraux formés en présence d'eau assez acide, tandis que ceux de Curiosity (des sulfates de calcium) ont été formés dans de l'eau au pH neutre, précise Nicolas Mangold, spécialiste de géologie martienne à l'université de Nantes et membre de l'équipe de l'instrument Chemcam. Par ailleurs, les grains récoltés ne sont pas rouges, comme tous ceux vus par les robots jumeaux, mais gris. Ceci suggère qu'ils n'ont pas été oxydés et donc que le milieu est moins ferreux. » Bref, le site de Yellowknife Bay semble plus propice à la vie que tous ceux analysés jusqu'à présent sur Mars.

De l'eau jadis abondante
Le forage a eu lieu à quelques centaines de mètres seulement de l'endroit où Curiosity a découvert, dans les affleurements rocheux « Hottah » et « Link », des graviers jadis transportés par l'eau. L'ensemble de ces données indique donc que Glenelg se situe sur un ancien lit de rivière ou un ancien lac.

« Mais il ne faut pas imaginer un lac de 500m de profondeur, tempère Nicolas Mangold. L'eau qui a formé les argiles et les sels n'était peut-être que sous forme de mares intermittentes ou encore de sources hydrothermales souterraines ».


Sur la piste des matériaux organiques
Curiosity n'a pas encore détecté ce qu'il est venu chercher sur Mars, le Graal que les scientifiques cherchent depuis des décennies : des matériaux organiques, molécules complexes basées sur le carbone, qui pourraient indiquer que la vie a un jour éclos sur Mars. « Cependant, SAM a détecté du chlorométhane et du dichlorométhane, deux éléments que les sondes Viking avaient mis au jour il y a 40 ans », révèle Michel Cabane, responsable scientifique de l'instrument, côté français.

À l'époque, les responsables de la mission avaient déduit que ces éléments provenaient des résidus du détergent utilisé pour stériliser la sonde. Mais depuis, Rafael Navarro Gonzales, de l'université de Mexico, a conduit la même expérience dans le désert d'Atacama, sans aucune pollution possible au détergent, et détecté les mêmes produits (voir C&E de juin 2008) après avoir mis ses échantillons en contact avec du perchlorate (un élément corrosif trouvé sur Mars par Viking et Phoenix).

Il en a conclu que ces éléments étaient le produit de la désintégration de molécules organiques par le perchlorate. « Pour être sûr que ces mêmes ingrédients, repérés par Curiosity, ne proviennent pas d'éventuelles microtraces de détergent, nous allons reconduire l'expérience, en recueillant un plus gros échantillon, précise Michel Cabane. Si nous retrouvons ces composés dans les mêmes proportions, nous pourrons en déduire qu'ils proviennent de Mars ».

Un nouveau forage prévu
Mais attention, la présence de matériaux organiques ne permettra pas de prouver que la vie a un jour colonisé Mars. Ces matériaux sont en effet apportés régulièrement sur Mars, via les comètes et les astéroïdes.

Les scientifiques de la mission Curiosity prévoient de rester sur le site de Glenelg au moins jusqu'à la mi-avril, notamment pour procéder à un nouveau forage. Ensuite, le robot devrait reprendre la route en direction des contreforts du mont Sharp. Avec l'espoir d'y découvrir plus d'argiles et de sulfates accompagnés, peut-être, de molécules organiques.


Pour tout comprendre du robot Curiosity, consultez le Théma qui lui est consacré dans Ciel & Espace de mars 2013.

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