Entretien : “Des collisions entre planètes sont encore possibles”

L'astronome Jacques Laskar. Crédit : Ph. Henarejos pour Ciel & Espace.

Dans les colonnes de Ciel & Espace, l'astronome Jacques Laskar revient sur sa découverte du chaos dans le système solaire. Extraits de l'entretien publié dans notre numéro de mars.

"Je suis venu à l'astronomie tardivement", lance-t-il, sourire en coin. Jacques Laskar, 58 ans, directeur de recherche au CNRS, membre de l'Académie des sciences et astronome mondialement connu, aurait pu passer sa vie à enseigner les mathématiques dans un collège d'Arras.

Vers 20 ans, après avoir intégré l'ENS Cachan, il laisse tout tomber et passe le Capes pour devenir prof. [...] Entré au CNRS à 30 ans, il découvre quatre ans plus tard le caractère chaotique du Système solaire.

Une révolution conceptuelle qui mettra plusieurs années à s'imposer, et dont les conséquences concernent aussi bien l'étude des paléoclimats que les exoplanètes...

Ciel & Espace : Le Système solaire, comme vous l'avez montré en 1989, est "chaotique". Pourtant les trajectoires des planètes semblent parfaitement régulières. Comment se traduit le chaos ?

Jacques Laskar : Par le fait qu'il est impossible de prédire le mouvement d'une planète au-delà d'une certaine durée. Les planètes obéissent aux lois de Newton et d'Einstein, mais leurs perturbations gravitationnelles mutuelles font que leur trajectoire dans le futur est extrêmement sensible à leur position à un instant donné.

Une incertitude de seulement 15 m sur la position de la Terre se traduit par une erreur de 150 m au bout de 10 millions d'années... mais de 150 millions de kilomètres au bout de 100 millions d'années ! Autrement dit, au-delà d'un certain temps, vous ne pouvez plus du tout dire où est la Terre.

Cette "sensibilité aux conditions initiales", caractéristique du chaos, est bien sûr imperceptible à l'échelle d'une vie humaine. Mais sur des milliards d'années, elle rend possibles les collisions entre planètes, par exemple...

C&E : Pourtant, la stabilité du Système solaire n'est-elle pas un acquis de la mécanique céleste ?

J. L. : En effet. Si Newton lui-même avait noté la possibilité d'un dérèglement de l'horlogerie planétaire, la plupart des mathématiciens qui se sont penchés sur le problème se sont attachés à démontrer que le Système solaire était stable. La première "preuve" date de Lagrange et Laplace à la fin du XVIIIe siècle.

Quand j'ai commencé mes travaux, mon intention n'était pas de remettre ce résultat en cause. Je cherchais à calculer très précisément la trajectoire de la Terre en remontant le plus loin possible dans le passé. L'objectif était de fournir une référence astronomique pour l'étude des paléoclimats [...]

Retrouvez la suite de cette interview dans notre numéro de mars, actuellement disponible en kiosque.

Recevez Ciel & Espace pour moins de 6€/mois

Et beaucoup d'autres avantages avec l'offre numérique.

Voir les offres

Commentaires

Nous avons sélectionné pour vous

  • Deux Chinois sur la Lune en 2029, la date se confirme

    L’écart se resserre entre la Chine et les Etats-Unis dans course au pôle sud lunaire. Selon des officiels chinois, tous les voyants sont verts pour que deux astronautes de l’Empire du Milieu foulent le régolite en 2029. Dans le même temps, la mission américaine Artemis 3, prévue pour déposer des humains sur la Lune fin 2026, pourrait encore glisser…

  • La nouvelle voile solaire de la Nasa sera-t-elle la bonne ?

    Passé les échecs des missions NEA Scout et Gama Alpha, une nouvelle voile solaire vient de gagner l’espace. Faite d’un matériau novateur, ACS3 a pour objectif de naviguer en domptant la pression du Soleil.

  • La Nasa réussit à rétablir le contact la sonde Voyager 1… mais pour combien de temps ?

    Lancée en 1977, la sonde Voyager 1 donne des signes de faiblesse. Depuis fin 2023 les messages qu’elle envoie vers la Terre sont vides de sens. Si la Nasa a en partie réparé l’anomalie, elle bataille pour maintenir le vaisseau en vie. Il faut pour cela se replonger dans les langages informatiques de l’époque…