Planètes de Tau Ceti : la prudence après l’annonce

Vue d'artiste d'un hypothétique système planétaire autour de Tau Ceti. Crédit : J. Pinfield/ U. of Hertfordshire

Cinq planètes de 2 à 6,6 masses terrestres, dont deux potentiellement habitables, tournent-elles vraiment autour de l'étoile Tau Ceti, à seulement 11.9 années-lumière de la Terre ?

L'annonce, largement diffusée depuis le 19 décembre 2012, a de quoi faire rêver. Tau Ceti, avec un âge de 5,8 milliards d'années et une masse qui vaut 78% de celle du Soleil, est en effet l'une des plus proches étoiles comparables au Soleil.

Pour ceux qui s'intéressent à la question de la vie dans l'Univers, cette étoile de la Baleine est un symbole. C'est en la pointant avec son radiotélescope, en 1960, que l'astronome Franck Drake a lancé la recherche d'une intelligence extraterrestre (Seti).

Et puis cette idée fascine : selon Abel Méndez, de l'université de Porto Rico, les deux compagnons les plus massifs de Tau Ceti - des super-Terre de 1,8 et 2,3 rayons terrestres (en supposant qu'elles soient composées d'eau et de roches) - pourraient circuler dans sa zone habitable !

Pourtant, l'examen de la publication scientifique sur laquelle est fondée l'annonce de la découverte invite à la prudence.

« Seulement des signaux périodiques »

Le titre de l'article signé par l'astrophysicien Mikko Tuomi et ses collègues « annonce seulement la détection de signaux périodiques en direction de Tau Ceti, pas de planètes », note l'astrophysicien Francesco Pepe, spécialiste de la recherche de planètes autour d'étoiles de type solaire.

La plus utilisée des méthodes de détection de planètes extrasolaires consiste à observer l'infime va-et-vient périodique qu'une planète, par influence gravitationnelle, imprime à son étoile. C'est un travail extrêmement minutieux, car l'activité d'une étoile peut parfois mimer la présence d'une planète.

Avec Tau Ceti, nous sommes justement « dans un cas où l'amplitude des signaux planétaires est du même ordre que celle des signaux stellaires », prévient Xavier Dumusque (observatoire de Genève).

Le précédent de Gliese 581

Par ailleurs, les auteurs ont combiné les observations réalisées par d'autres sur trois télescopes différents (le télescope de 3,6 m de l'ESO, le Keck américain de 10 m, et le télescope anglo-australien de 3,9 m).

Un exercice jugé périlleux, puisque chaque instrument possède ses bruits parasites propres, qu'il faut parfaitement comprendre pour les différencier d'une signature planétaire. En 2001, cette méthode avait conduit à l'annonce prématurée d'une planète dans la zone habitable de Gliese 581.

Ainsi, bien que Mikko Tuomi et ses collègues estiment que les signaux qu'ils ont mis au jour « pourraient être interprétés comme correspondant à des planètes sur des orbites circulaires de 14, 35, 94, 168 et 640 jours de période », ces nouvelles venues sont accueillies avec réserve.

« La méthode statistique proposée dans l'article est sans doute intéressante pour l'avenir, mais l'orbite des planètes et même leur existence reste à confirmer. Ce qui fait que ce travail n'apporte aucune information significative sur les planètes extrasolaires en général, et Tau Ceti en particulier », conclut Francesco Pepe.

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