Le journal de bord de Thomas Pesquet (18)

L'astronaute Thomas Pesquet deviendra en novembre 2016 le dixième Français à voler dans l'espace. Chaque mois, il raconte les coulisses de son entraînement aux lecteurs de « Ciel & Espace ». Découvrez le quotidien de celui qui s'apprête à vivre six mois sur orbite à bord de la station spatiale internationale (ISS).
Dentiste débutant à l'hôpital de Cologne. © ESA

Épisode 18 : Trois jours à l'hôpital

« Je viens de passer trois jours à l'hôpital de Cologne. Pas comme patient, mais en tant que stagiaire de l'ESA. Ce stage aux urgences a été ajouté à l'entraînement des astronautes il y a quelques années, à notre demande.

Se retrouver en situation réelle est un excellent moyen de mettre en pratique tout ce que nous apprenons sur le plan médical. En général, nous nous exerçons sur des mannequins... Et puis, cela nous permet de nous confronter à des situations que, généralement, nous n'avons jamais vécues. Assister à une opération à cœur ouvert, par exemple.

Prises de sang et piqûres intraveineuses

Pendant ces trois jours, en compagnie d'un médecin du Centre des astronautes et d'un anesthésiste de l'hôpital, j'ai pu pratiquer certains gestes comme des auscultations à la recherche de fractures, des prises de sang, des intraveineuses, des mises en intubation.

Même si je n'ai pas réalisé de geste d'urgence dentaire, j'ai aussi pu bénéficier des installations que les dentistes utilisent pendant leur formation dans cet hôpital universitaire. Elles étaient plus sophistiquées que celles que j'avais pu utiliser à la Nasa. Et puis j'ai pratiqué quelques examens des yeux, notamment sur moi-même.

La vue des astronautes est suivie de près et on a constaté que, dans 30 à 40% des cas, elle est modifiée après un séjour sur orbite. On ne sait pas exactement pourquoi, l'hypothèse préférée étant que, comme la pression des fluides sur le cerveau est plus importante en apesanteur que sur Terre, la forme de l'œil se modifie.

Au centre, à l'hôpital de Cologne. Crédit : ESA
Au centre, à l'hôpital de Cologne. © ESA

Ce que je retire de ce stage, en plus de l'entraînement à des gestes que l'on ne répète jamais assez, c'est une grande confiance dans la médecine et ses procédures, et aussi dans la résistance du corps humain ! À vrai dire, mes passages au bloc opératoire — pour des opérations du foie, du rein, du poumon, du cœur… — m'ont rappelé ma vie de pilote de ligne.

Je me suis souvenu de l'époque où l'on pouvait faire visiter le cockpit aux passagers qui avaient peur en avion. En général, ils ne savaient pas trop à quoi s'attendre, mais ressortaient rassurés. Cela m'a un peu fait cet effet. J'ai aussi pu mettre des images sur des situations d'urgence. Même les cas apparemment difficiles, par exemple après certains accidents de la route, on arrive à les gérer. Le comportement des urgentistes, les procédures qu'ils observent, ça fonctionne.

Avec le président de la République

Dès le lendemain de la fin de mon stage, j'ai été reçu à l'Élysée par le président de la République, qui m'a remis un drapeau français et une copie de l'accord sur le climat signé lors de la COP21, signé par lui. En novembre 2016, j'emporterai ce document dans la station spatiale internationale. Je le rapporterai à mon retour, et ce sera l'occasion de faire le point sur les progrès accomplis depuis la signature. Bien sûr, j'ai profité de cette rencontre avec le président pour lui parler de ma mission et de ce que je souhaitais en faire : transmettre un message d'optimisme et promouvoir le goût des études chez les jeunes.

Enfin, j'ai aussi fait la rencontre ce samedi de l'apnéiste Guillaume Néry. Il est fan d'espace et moi, j'ai beaucoup à apprendre de lui sur les techniques de contrôle respiratoire. Dans l'espace, ça peut servir. Il suffit de songer à ce qui est arrivé à Luca [Le 16 juillet 2013, l'astronaute européen Luca Parmitano avait dû interrompre sa sortie extravéhiculaire en raison d'une accumulation d'eau dans son casque, NDLR]. Nous avons prévu de nous revoir pour plonger ensemble. Ce serait super.

Joyeuses fêtes de fin d'année ! »

 

Découvrez l’épisode 19 : 2016, l’année du départ

Découvrez les autres épisodes du journal de Thomas Pesquet.

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