Survol de Pluton : attente fébrile à J-2

Alice Bowman, Mission Operation Manager de la sonde New Horizons. © JL Dauvergne/C&E Photos.

C’est dans un mélange d’impatience, de stress et de superstition que les équipes de New Horizons attendent le survol de Pluton et Charon par leur sonde.

Le stress, l’attente, la superstition et la joie
Nous sommes à l’Applied Physics Laboratory (APL) de l’université Johns Hopkins. Ce laboratoire situé à mi-chemin entre Baltimore et Washington DC est un lieu stratégique : il est principalement dédié à de la recherche militaire.

Mais il possède un petit département civil à qui l’on doit les missions Messenger pour la planète Mercure et Stereo pour le Soleil, et bien entendu New Horizons pour le monde de Pluton.

Alice Bowman est au cœur du dispositif New Horizons. Elle en est la « MOM », comme elle se définit elle-même avec amusement : comprenez la Mission Operation Manager. Un surnom maternel bien adapté à une petite équipe à échelle familiale. Elle repose sur seulement 50 personnes !

Paré pour l’inattendu

« Cela va être intense, et il faut toujours rester paré pour l’inattendu. Néanmoins, entre nous, nous essayons de ne pas parler de ce qui nous fait peur. C’est de la science, mais on reste un peu superstitieux », confie Alice Bowman.

Ses craintes sont d’autant plus justifiées que, le 4 juillet, la sonde a connu une avarie informatique assez sérieuse. New Horizons se révèle plus sensible que prévu sur ce plan. Et quand un imprévu survient sur un vaisseau qui file à 14 km/s à l’autre bout du Système solaire, les chercheurs et les ingénieurs ont de grosses sueurs froides. Pour échanger des informations avec la sonde, comptez 9 heures aller-retour !

« Statistiquement, il était prévu que l’on puisse avoir un redémarrage de l’ordinateur à faire au cours de la mission. En fait, dans la pratique, cela arrive en moyenne une fois par an », constate Chris Hersman, ingénieur système de la sonde.

Des premiers résultats satisfaisants

Malgré cet imprévu, il y a déjà une énorme satisfaction au sein de l’équipe. « Lorsqu’un collègue nous a présenté l’une des premières images résolues, il n’a pas arrêté d’avoir des questions lors de la suite de sa présentation : ‘Tu peux nous remontrer l’image…’ », s’amuse Chris Hersman. « Tous les jours, il y a quelque chose de nouveau », surenchérit Jim Green, directeur des sciences planétaires à la Nasa.

Il faut dire que les photos de la caméra LORRI sont réellement fascinantes. « On découvre un monde totalement différent de ce que l’on connaît », souligne le directeur de la mission Alan Stern. En particulier, les structures sombres inattendues sur un monde supposé glacé.

Hal Weaver, directeur scientifique de la mission New Horizons.

Le directeur scientifique de la mission New Horizons, Hal Weaver, présente les premières hypothèses
concernant la surface de Pluton. © JL Dauvergne/C&E Photos.

Hal Weaver, le directeur scientifique de la mission, propose déjà une explication : « Selon nos premières suppositions, la glace d’origine aurait été modifiée par les ultraviolets du Soleil, mais également par le rayonnement cosmique, pour former des molécules organiques complexes. » Il faudra récolter les données de l’ensemble des instruments pour en avoir le cœur net, et donc prendre son mal en patience.

En effet, le débit de la sonde est limité. Beaucoup de données seront transmises en septembre 2015, mais il faudra un an environ pour tout envoyer vers la Terre. Même avec une technologie relativement récente à bord, l’on ne communique pas avec la lointaine banlieue du Soleil en haut débit !

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