« Avec le JWST, nous observerons les confins de l’univers»

Le prix Nobel John Mather, au festival Starmus en septembre 2014. ©E.Martin/Ciel et Espace photos

Interview exclusive : pour Ciel & Espace, John Mather, prix Nobel de Physique 2006 revient sur la genèse de la mission Cobe, mais aussi sur les défis posés par le James Webb Space Telescope, dont il est le responsable scientifique.

Vous êtes l'un des principaux concepteurs de Cobe, le premier satellite à avoir observé le fond diffus cosmologique. En êtes-vous arrivé là parce que vous teniez à être le premier à photographier cette «première lumière de l'Univers» ?

John Mather : L'étude du fond diffus cosmologique n'était pas une vocation a priori. J'y suis arrivé un peu par hasard. En 1970, alors que j'étais étudiant à l'université de Berkeley et que les manifestations anti guerre du Vietnam venaient de secouer le campus, je cherchais un sujet de thèse. J'en ai trouvé un très « pratique » qui me sortait de mes bouquins et m'excitait beaucoup : la confection, avec d'autres collègues de Berkeley, d'un interféromètre infrarouge destiné à mesurer le spectre du fond diffus cosmologique, récemment découvert par Penzias et Wilson.

Pour s'affranchir le plus possible des perturbations engendrées par l'atmosphère, il fallait envoyer l'instrument dans un ballon. C'est à cette époque que j'ai appris à faire marcher un engin en conditions extrême. Malheureusement, la « mission » n'a pas marché. En partie, il faut l'avouer, car nous ne l'avons pas suffisamment testée.

Mais cette expérience m'a beaucoup servi : par la suite, alors que j'étais postdoc au Goddard Institute for Space Studies de la Nasa, l'agence spatiale a fait un appel à projets de satellites. J'ai écrit une proposition (intitulée « the very first light ») pour un satellite destiné à observer le fond diffus cosmologique. Elle a été sélectionnée parmi 150 autres (dont deux étaient des concurrentes directes). Pour la réaliser, j'ai fait notamment équipe avec George Smoot. C'est ainsi qu'est né Cobe (Cosmic Background Explorer). J'avais 28 ans.

Aviez-vous déjà une idée de ce à quoi allait ressembler cette première lumière ?

John Mather : Aucune ! À l'époque où nous travaillions sur le design de la mission, il n'existait aucun modèle précis du fond diffus cosmologique. Tout ce que l'on savait, c'est que c'était important ! Notre souci principal était donc de faire la mesure la plus précise possible. Ce qui s'avérait difficile : notre signal/bruit était quasiment égal à 1 ! Ce qui signifie que nos données allaient à peine se détacher des interférences causées par l'instrument lui-même.

Finalement, nous avons obtenu une image d'une excellente qualité, une image qui prouvait qu'il y a 13,7 milliards d'années, le cosmos était très différent d'aujourd'hui. C'est grâce à Cobe que les défenseurs du big bang l'ont emporté sur ceux de l'Univers stationnaire.
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