Les froissements du big bang découverts depuis le pôle Sud

L'expérience Bicep2 (premier plan) et le South Pole Telescope. Crédit : Steffen Richter (Harvard University)

C'était le dernier graal des cosmologistes !

Une équipe américaine annonce avoir découvert la possible signature de l'inflation - l'épisode d'expansion démesurée qu'a connu l'Univers à ses débuts - dans le rayonnement cosmologique.

Une observation capitale, tant pour le développement de la cosmologie que pour celui de la physique théorique.

Ondes gravitationnelles primordiales

C'est au pôle Sud, grâce à un détecteur microonde de 26 cm d'ouverture, que cette découverte a été réalisée.

« L'expérience Bicep2 a observé un type de polarisation du rayonnement cosmologique qui peut seulement être expliquée par l'existence d'ondes gravitationnelles primordiales » explique le cosmologiste Alain Blanchard (IRAP).

Selon le modèle générique de l'inflation, imaginé vers 1980 par les physiciens Alexei Starobinsky, Katsuhito Sato et Alan Guth, l'Univers aurait grossi d'un facteur considérable (au moins 10^26 !) en moins d'un millionième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde à ses débuts.

Pendant ce gigantesque déploiement, l'espace-temps aurait été traversé de secousses.

Ce sont ces ondes gravitationnelles, démesurément allongées par l'inflation, qui auraient finalement laissées leur empreinte dans la première lumière de l'Univers, émise 380 000 ans plus tard, sous forme de motifs de polarisation spécifiques (les « mode-B primordiaux » dans le jargon des cosmologistes).

« Le résultat est important car, jusqu'ici, rien ne nous garantissait que l'empreinte de l'inflation sur le fond diffus soit suffisamment intense pour que l'on puisse l'observer », souligne Alain Riazuelo à l'IAP.

De nombreuses variantes de l'inflation ont en effet été proposées depuis 30 ans, toutes ne donnant pas lieu à l'émission d'un signal observable.

« Désormais, nous savons que ce signal est accessible à l'observation. Il devrait donc y avoir un successeur au satellite Planck, pour en tirer toute l'information possible, confirmer, puis comprendre l'inflation dans le détail. »

Les motifs de polarisation découverts par Bicep2 sont spécifiques à l'épisode d'inflation qu'a connu l'univers. Crédit : BICEP2 Collaboration

Les motifs de polarisation du rayonnement cosmologique découverts par Bicep2
ne s'expliquent que si l'Univers a connu un épisode d'inflation : une expansion démesurée,
il y a 13,8 milliards d'années. © BICEP2 Collaboration

Gravitation quantique

Benjamin Wandelt, cosmologiste à l'IAP, note aussi que « c'est la première fois que l'on observe un effet de gravité quantique. »

Le mariage de la théorie de la gravitation d'Einstein (relativité générale) et de la physique quantique est l'objectif ultime des physiciens théoriciens. Cependant ces deux théories sont fondamentalement incompatibles... sauf dans de rares cas, comme l'inflation.

Encore fallait-il arriver à l'observer, ce qui vient probablement d'être réalisé, plus de 35 ans après la première prédiction d'Alexei Starobinsky.

Une confirmation par Planck ?

« Le signal détecté est très net, mais il serait bon quand même qu'une autre expérience l'observe » poursuit Benjamin Wandelt.

Planck, le satellite de cosmologie lancé par l'ESA en 2009, et qui a achevé ses observations en 2013, pourrait y parvenir.

« Il est moins sensible que Bicep2, qui a passé trois ans sur la même petite zone du ciel alors que Planck a cartographié tout le ciel, mais il est moins susceptible de confondre un signal cosmologique avec un signal provenant des galaxies et amas de galaxies à l'avant-plan », précise Alain Riazuelo.

L'analyse de la polarisation du fond diffus cosmologique vu par Planck est attendue pour l'automne 2014.

Pour en savoir plus, écoutez notre podcast avec le cosmologiste Alain Riazuelo.

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