Pour Curiosity, il n'y a pas de méthane sur Mars

Curiosity n'a pas détecté de méthane dans le cratère Gale. ©NASA/JPL-Caltech/MSSS

 

L'observation de méthane sur la planète rouge, que certains avançaient comme la signature d'une possible vie martienne, est remise en cause par le rover de la Nasa.

Les six mesures réalisées par Curiosity entre octobre 2012 et juin 2013 dans le cratère Gale, où il a atterri le 6 août 2012, montrent que la concentration de ce gaz dans l'atmosphère martienne est inférieure à une partie par milliard.

« C'est six fois plus faible, au minimum, que les mesures réalisées depuis la Terre ou par les sondes en orbite martienne» souligne le planétologue Michel Cabanne, du laboratoire Atmosphères, milieux et observations spatiales (Latmos).

Depuis la détection controversée de méthane par la sonde européenne Mars Express, en 2003, plusieurs télescopes au sol avaient en effet confirmé la découverte. La présence intermittente de cet hydrocarbure dans l'atmosphère de Mars, sous forme de panache, avait même été retrouvée dans des données d'archives de la sonde américaine Mars Global Surveyor, pour la période 1999-2003.

L'hypothèse d'une origine biologique

En mars 2009, la découverte de serpentine dans la région de Nili Fossae, par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, avait mis en avant l'hypothèse d'une origine géologique pour le méthane martien. Sur Terre, en effet, ce minéral se crée au contact de l'eau en dégazant l'hydrocarbure.

Mais en août de la même année, les Français François Forget et Franck Lefèvre montraient que, pour rendre compte de la quantité de méthane observée, surtout sous forme de panaches, il fallait des dégazages gigantesques, de l'ordre de ceux que produit la dorsale atlantique et ses fumeurs noirs.

Enfin, en décembre 2009, des chercheurs de l'Imperial College de Londres avaient montré que l'apport de molécules organiques par les météorites ne pouvait pas expliquer non plus les concentrations de méthane observées. Ils en avaient conclu que l'hypothèse d'une origine biologique en sortait renforcée.

Sur Terre en effet, le méthane est produit à 90% par des processus impliquant la vie. « Son abondance dans l'atmosphère atteint 1800 parties par milliard », précise Michel Cabanne.

Curiosity plus fiable

Ce chiffre explique sans doute le désaccord entre les mesures prises depuis la Terre et celles de Curiosity. Tandis que le rover a réalisé ses observations in situ, à l'abri de toute contamination terrestre, celles des télescopes terrestres doivent être corrigées de l'atmosphère. Elles sont donc a priori moins sûres. « D'ailleurs, les observations les plus récentes réalisées avec les meilleurs instruments ne détectent plus le méthane », souligne François Forget, du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD).

Reste à expliquer le désaccord avec les mesures faites depuis l'orbite martienne. Là encore, celles de Curiosity paraissent plus fiables : son spectromètre laser TLS a été précisément conçu pour déterminer la concentration des gaz dans l'atmosphère de Mars. En revanche, il le fait à 1 m du sol, tandis que les sondes font leurs mesures sur toute l'épaisseur de l'atmosphère martienne (10 km).

Il n'empêche : compte tenu des valeurs mesurées par les sondes entre 1999 et 2009, Curiosity aurait dû voir quelque chose en 2012. D'une part, parce que le méthane se mélange rapidement dans l'atmosphère martienne (même si sa source est une faille précise, le gaz est rapidement dispersé sur toute la planète). D'autre part, parce que sa durée de vie y est a priori de plusieurs centaines d'années.

De nouvelles mesures attendues

« Bien sûr, Curiosity va poursuivre ses mesures pendant le reste de l'année martienne, car pour le moment nous n'avons pu observer que du printemps à la fin de l'été », explique Michel Cabanne. Une détection de quantités importantes de méthane par Curiosity donnerait du fil à retordre aux spécialistes. Il leur faudrait expliquer comment il apparaît et surtout disparaît si rapidement.

Mais pour François Forget, ce scénario est très improbable. « Les mesures de Curiosity sont conformes à ce que l’on sait de la planète rouge. C'est l’annonce de détection de méthane en 2004 qui était surprenante. Mars n'est pas supposé avoir une activité volcanique, et encore moins biologique. »

En attendant, le responsable à la Nasa de l'exploration de Mars, Michel Meyer, prend soin de ne pas tuer dans l’œuf l'espoir d'une vie actuelle sur Mars : « Le résultat de Curiosity réduit la probabilité qu'il existe actuellement des microbes martiens producteurs de méthane, mais cela ne concerne qu'un type de métabolisme. Comme nous le savons, il y a beaucoup de types de microbes terrestres qui ne produisent pas de méthane. »

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