La grande parade des planètes à observer dans le ciel du matin

Toutes les planètes visibles à l’œil nu, alignées comme à la parade, c’est le spectacle qui est observable dans le ciel de l’aube dès la mi-juin. Avec une visite de la Lune du 18 au 27 en guise de point d’orgue.

Observer en même temps les cinq planètes visibles à l’œil nu dans une même portion de ciel, voilà quelque chose de très rare. La dernière fois que cela a été possible remonte au 28 janvier 1984. Et la prochaine n’interviendra que… dans un siècle, le 1er décembre 2124. Une raison toute trouvée pour faire l’effort de se lever tôt, en cette fin juin et admirer en même temps, d’un seul coup d’œil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne.

Grand alignement les 24 et 25 juin

Les meilleurs jours pour assister au spectacle (indépendamment des conditions météo, difficiles à prévoir) sont le 24 et le 25 juin. Il faut alors être prêt à observer peu avant 5 h du matin, en direction de l’horizon est. Ces jours-là en effet, Mercure, la plus élusive des planètes, monte un peu dans le ciel et s’éloigne assez du Soleil, jusqu’à être repérable à l’œil nu. Mais attention : elle reste difficile à voir car très proche de l’horizon. Par exemple, à 5 h, depuis Paris, elle n’est qu’à un peu plus de 2° de hauteur. Les conditions varient en fonction de votre situation dans l’Hexagone : au sud, c’est 30 minutes plus tard ; à l’est, c’est 20 minutes plus tôt ; et à l’ouest, 30 minutes plus tard. Mais dans tous les cas, vous devez impérativement avoir un horizon nord-nord-est parfaitement dégagé. Cela signifie : pas de relief, même doux et lointain, pas d’arbres, pas de maisons. Faute de quoi, Mercure reste masquée par l’horizon local jusqu’à une heure où il fait ensuite trop jour pour l’apercevoir à l’œil nu.

Les planètes restent observables dans une configuration à peu près identique jusqu’aux premiers jours de juillet.

Les conditions d’observation sont à peu près les mêmes depuis le Québec.

Guidez-vous avec la Lune

Si vous n’avez pas l’habitude d’observer et que vous pensez ne pas savoir reconnaître les planètes, pas de panique ! Le 24 juin 2022, vous avez, pile au-dessus de l’horizon est, un corps céleste que tout le monde sait reconnaître : la Lune. Profitez au passage de sa phase en croissant pour remarquer que son hémisphère nocturne est faiblement éclairé. C’est ce qu’on appelle la lumière cendrée, qui n’est autre que la réflexion du clair de Terre sur la partie de la Lune qui reste plongée dans la nuit. Si vous doutez de la réalité de cette lueur discrète, observez-la aux jumelles : elle est plus évidente à voir et encore plus belle.

Une fois cette petite expérience réalisée, partez de la Lune et dirigez-vous du regard vers la partie du ciel qui est déjà bien éclairée par le halo du Soleil. Vous remarquerez sans problème un astre plus brillante que tout autre : ce n’est pas une étoile, mais la planète Vénus. D’une taille voisine à celle de la Terre, elle croise à un peu plus de 200 millions de kilomètres.

Un cortège de planètes

Prolongez ensuite le segment imaginaire entre Vénus et la Lune, mais de l’autre côté de la Lune (vers la partie du ciel qui est plus sombre). Vous allez remarquer successivement un astre rougeâtre, puis un autre blanc, un peu moins brillant que Vénus. Vous tenez deux nouvelles planètes : dans l’ordre, Mars et Jupiter. Au-delà de Jupiter, toujours sur la même droite, presque à 90° de Vénus, brille enfin Saturne. Vous ne pouvez pas vous tromper ; c’est la plus brillante dans son coin de ciel.

La difficulté principale pour épingler les cinq planètes d’un coup, c’est donc de voir Mercure. Celle-ci est à chercher quelque part entre Vénus et l’horizon, légèrement à gauche et en dessous, et plutôt très près de l’horizon. Malgré un éclat tout à fait accessible sans optique, la planète est nettement estompée en raison de la clarté de cette portion de ciel. L’épaisseur de l’atmosphère, qui absorbe bien la lumière à faible hauteur, n’arrange rien. Donc, si vous avez des jumelles, utilisez-les après avoir fait la mise au point sur les autres planètes. Une fois repérées grâce à cette aide, vous la discernerez certainement à l’œil nu.

Notez enfin que le 27 juin, le très fin croissant de Lune se loge juste au-dessus de Mercure, ce qui fournit une aide précieuse à son repérage.

La carte ci-dessous vous permet de voir à quoi ressemble le tableau le 24 juin au matin. Le 25, c’est la même chose, sauf que la Lune s’est sensiblement rapprochée de Vénus.

Les planètes et la Lune le 24 juin 2022 depuis la France métropolitaine.
Les planètes et la Lune le 24 juin 2022 depuis la France métropolitaine.
Les planètes et la Lune le 25 juin 2022 depuis la France métropolitaine.
Les planètes et la Lune le 25 juin 2022 depuis la France métropolitaine.

Le plan orbital du Système solaire à l’œil nu

L’œil nu est le meilleur instrument pour contempler cet alignement planétaire exceptionnel. Car de Mercure, la plus orientale, à Saturne, la plus occidentale, il y a 104°. Aucun instrument ne couvre un champ aussi large. Même à l’œil nu, il y a fort à parier que vous deviez tourner la tête entre ces deux planètes aux positions extrêmes.

Tout en embrassant cette scène du regard, vous pouvez remarquer que les planètes ne sont pas disposées n’importe comment dans le ciel : elles sont, à peu de choses près, sur une même ligne droite. Cette ligne, c’est tout simplement le plan du Système solaire. À quelques degrés près, toutes les planètes, y compris la Terre, tournent autour du Soleil comme posées sur un disque. Cet alignement vous permet tout simplement de le visualiser sur la voûte céleste.

Le rassemblement planétaire du 25 juin 2022. © Ciel et espace
Le rassemblement planétaire du 25 juin 2022, à 4 h 40, avant l’aube. Mercure n'est pas encore levée. Les planètes dessinent l’écliptique, le plan du Système solaire. L’observation d’Uranus, de Neptune et de Vesta (croix) nécessite un instrument d’astronomie, lire ci-après. © Ciel et espace

Enfin, retenez qu’il n’y a alignement que du point de vue terrestre. En réalité, même si elles sont toutes du même côté du Soleil, les planètes occupent des places différentes sur leur orbite respective, comme le montre le dessin ci-dessous.

Les positions des planètes autour du Soleil lors du grand alignement de juin 2022. Crédit : P. Descamps/IMCCE.

 

Distance et brillance

L’autre observation que vous pouvez faire à l’œil nu, c’est comparer l’éclat des planètes entre elles. Vénus est à environ 200 millions de kilomètres de nous. Mars également, ce qui est idéal pour les comparer. Or, leur éclat est assez différent. C’est que Vénus est aussi grosse que la Terre (un peu plus de 12000 km de diamètre) et qu’elle entourée de nuages blancs. Elle réfléchit donc beaucoup de lumière solaire. Mars est une planète plus petite : seulement 6800 km de diamètre (un peu plus de la moitié). Elle est aussi bien plus éloignée du Soleil. Et sa surface globalement dépourvue de nuages renvoie bien moins de lumière solaire. D’où un éclat 51 fois inférieur.

Jupiter brille ici d’un éclat intermédiaire. Or, cette planète croise bien plus loin, à 735 millions de kilomètres. Si elle surclasse Mars en brillance, c’est parce qu’il s’agit d’une planète géante de couleur claire d’un diamètre de 142000 km de diamètre.

Tout à droite vers le sud, Saturne renvoie un éclat comparable à celui de Mars. Mais elle se trouve bien plus loin : 1,5 milliard de kilomètres ! Plus petite que Jupiter (120000 km de diamètre), elle est entourée d’anneaux brillants.

Enfin, toujours perdue dans les lueurs du jour, les 24 et 25 juin, Mercure est la plus proche de la Terre : 145 millions de kilomètres. C’est ce qui explique que, malgré son petit gabarit (4800 km) et sa surface sombre, elle se classe juste derrière Jupiter en termes de magnitude.

Trois autres corps célestes dans le tableau

Ce qui rend exceptionnel ce bel alignement planétaire, c’est qu’il ne se limite pas aux planètes visibles à l’œil nu. Uranus et Neptune, bien plus lointaines (respectivement 3 et 4,4 milliards de kilomètres), s’intercalent parmi les autres (voir carte plus haut). La première se trouve entre Vénus et Mars, la seconde entre Jupiter et Saturne. En théorie, on peut les repérer avec des jumelles, mais dans la clarté de l’aube, cela semble impossible. Pour avoir une chance de les apercevoir, il faut observer dès 4 h du matin quand le ciel est encore sombre. Mais à cette heure, ni Vénus, ni Mercure ne sont encore levées.

Il y a enfin un autre corps du Système solaire dans les parages : Vesta, le plus gros des astéroïdes, qui avait rendu visite à Saturne en mai. Sous un ciel sombre, une paire de jumelles peut suffire pour le repérer, à gauche de Saturne. Ces trois autres corps du Système solaire sont eux aussi globalement alignés sur le plan orbital de toutes les autres planètes (voir carte).

Observer au télescope

Il est tentant de profiter de la présence de toutes les planètes dans le ciel matinal pour les observer à la lunette ou au télescope. Cela est évidemment faisable mais avec une restriction : elles ne sont pas très hautes dans le ciel. Cela se traduit en général par de la turbulence atmosphérique qui brouille plus ou moins l’image lorsqu’on la grossit. À plus de 25°, Saturne et Jupiter commencent à sortir de la zone difficile vers 4 h 30 du matin. Ce sont donc celles que vous pouvez observer dans les meilleures conditions. Quel que soit l’instrument utilisé, un grossissement de l’ordre de 80 X fournit une image assez bonne pour bien voir les anneaux de Saturne et les principales bandes nuageuses de Jupiter.

Mars les suit de près, mais se trouve encore assez loin de la Terre. Son diamètre apparent de seulement 7’’ en fait une bille minuscule sur laquelle il reste bien difficile de discerner des détails. Il faut un télescope de 150 mm doté d’un grossissement de l’ordre de 200x pour espérer voir confortablement sa calotte polaire nord ou une tache sombre équatoriale comme Sinus Meridiani. Pour Mars, les observations détaillées commencent à peine. Mais la situation s’améliore de jour en jour jusqu’à début décembre 2022, date de son passage au plus près de la Terre.

Vénus peut aussi être scrutée au télescope. Contrairement aux autres, elle ne se présente pas comme un disque complet ; comme la Lune, elle a une phase. Celle-ci est gibbeuse en ce moment. Malgré un diamètre apparent modeste (12”), et malgré la turbulence atmosphérique à prévoir, cette phase est discernable avec un grossissement moyen (80x).

Enfin, Mercure se trouve dans la position la moins favorable pour une observation au télescope. Pourtant, cette planète se fait si rare qu’il faut quand même tenter l’aventure. Avec un diamètre apparent égal à celui de Mars, elle nécessite de grossir un peu (150x) pour que l’on puisse voir aisément sa phase en quartier à travers la turbulence atmosphérique. Sans doute, la meilleure chose à faire consiste à la viser dès que possible et à la suivre une fois que le jour arrive, même après le lever du Soleil. Ainsi, malgré une perte drastique de contraste, l’image sera plus nette à mesure que la planète grimpera dans le ciel.

Les planètes pendant tout le mois

Ce spectacle planétaire a déjà commencé. Outre Mercure, qui ne fera son entrée en scène qu’à la fin du mois, toutes les autres planètes sont déjà en place. Il est donc déjà possible de les observer dans le ciel du matin. Remarquez comment, après leur rencontre du 29 mai, Mars et Jupiter sont encore proches l’une de l’autre. D’un matin sur l’autre, vous pouvez aisément constater comment l’écart se creuse entre elles. Mars, relativement proche de la Terre, a en effet un mouvement apparent bien plus important que la géante gazeuse.

Alignement vertical depuis les tropiques

Les planètes demeurent alignées d’où qu’on les observe à la surface de la Terre. Mais depuis les Antilles et la Guyane, elles apparaissent beaucoup plus inclinées par rapport à l’horizon. Saturne est donc très haute dans le ciel. Surtout, l’alignement est observable plus aisément alors que le ciel de l’aube est encore très sombre. Depuis les régions australes comme La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et les îles du Pacifique, c’est encore mieux : l’alignement est quasiment vertical ! Ce sont d’excellentes conditions pour observer les planètes au télescope. Notamment, Mercure se trouve un peu plus haute et se repère plus facilement à l’œil nu.

Cette carte pour le 24 juin au petit matin depuis la Guyane donne une idée de la configuration de l'alignement planétaire depuis les régions équatoriales et tropicales.

Depuis ces régions, vous pouvez noter la présence de l’amas ouvert des Pléiades, juste à côté de Vénus, ainsi que des Hyades (avec Aldébaran), au voisinage immédiat de Mercure. Les planètes Uranus et Neptune, de même que Vesta, peuvent être vues aux jumelles une fois leur position identifiées grâce à une carte.

Bonnes observations !

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