Ariane, dernières heures avant le départ ?

Ariane 5, avec à son bord l'ATV 2, Kepler, attend son lancement, en guyane. Crédit : Stéphane Corvaja/ESA

Pour le 200e vol de son histoire, Ariane fait son show. Il souffle à Kourou un petit vent épique qui n'est pas rappeler les grandes heures de la fusée européenne, lancée pour la première fois de Guyane, la veille de Noël 1979.

Trente deux ans plus tard, l'ambiance pionnière se retrouve dans la tension d'un report de tir, 4 minutes avant le top de départ. Dans le ballet des visiteurs officiels, venus en nombre soutenir les équipes de lancement. La ministre de la Recherche, Valérie Pécresse, qui assiste là à son premier lancement, a décidé de rester au Centre spatial pour soutenir la seconde tentative de tir. Sur les visages des techniciens, des ingénieurs, concentrés sur les opérations de « chronologie lanceur », dont la mécanique permet à Arianespace de présenter 41 succès d'affilée.

V200, c'est son nom, n'est pas un vol comme les autres. Il est chargé d’envoyer dans l’espace l'ATV 2 Johannes Kepler, 20,1 tonnes sur orbite, le tir le plus lourd jamais réalisé par une Ariane. Juché au sommet du lanceur, le véhicule spatial automatique, chargé de ravitailler la station spatiale internationale (ISS) en carburant, oxygène, vivres et matériel, a la taille d'un bus londonien. Il est aussi l'engin le plus complexe jamais imaginé et fabriqué par les ingénieurs d'EADS Astrium pour le compte de l'Agence spatiale européenne.

S'il doit livrer 7,1 tonnes de fret à l’ISS, il doit aussi rehausser son orbite, lui permettre en cas de besoin d'éviter des débris, et enfin, débarrasser l'équipage des déchets liquides et solides en les détruisant lors de sa rentrée atmosphérique. Sa complexité tient au pilotage, entièrement automatique — suivi et surveillé par le Centre de contrôle dédié, installé au CNES, à Toulouse — jusqu'à l'amarrage à l'ISS.

Pour l'Europe, qui détient 15% des modules de l'installation permanente en orbite, l'ATV est un moyen de s'acquitter des « frais de copropriété » mais aussi, et surtout, la meilleure façon de démontrer aux partenaires internationaux la qualité et l'expertise des ingénieurs européens.

Depuis le premier lancement d'Ariane, V1, beaucoup de choses ont changé. À Kourou, l'ère des pionniers a cédé la place à la professionnalisation des lancements. Le port spatial européen s'apprête, en 2011, à augmenter sa flotte de deux nouveaux venus, la mythique fusée russe Soyouz, qui lança Spoutnik et Gagarine, et un nouveau venu plus « léger », Véga, dont on devrait suivre avant la fin de l'année 2011 le premier vol. En tout, le PDG d'Arianespace, Jean-Yves Le Gall, prévoit douze tirs : six Ariane 5, cinq Soyouz (dont trois à Baïkonour) et un Véga.

Si l'indépendance européenne de l'accès à l'espace n'est plus un problème, la ministre de la Recherche estime que la France doit développer une « stratégie spatiale globale » et proposera bientôt un « document stratégique » récapitulant les ambitions pour les années à venir.

C'est dire si le lancement de V200 est emblématique. L'État entend y affirmer son soutien et sa volonté de programmer l'avenir du secteur. Les industriels font la démonstration de leur compétence et en profitent pour demander... des moyens supplémentaires.

Quant aux acteurs locaux, sur le site équatorial du « port spatial de l'Europe », ils prouvent que décrocher les étoiles est affaire de méthode, de calme et d'organisation. Sous les nuages équatoriaux, Ariane attend son heure. À la seconde près.

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