Io vu par la plus grosse paire de jumelles du monde

Ci-dessus les volcans de Io vu par le LBT. A droite une carte de la sonde Voyager permet de repérer ceux qui sont actifs et ceux qui ne le sont pas. Crédit: LBTO-USGS.

Le Large Binocular Telescope (LBT) a visé Io, le très volcanique satellite de Jupiter. Une observation qui donne à comprendre comment fonctionne les interféromètres.


La résolution d'un télescope de 22,8 m !

Situé en Arizona, le Large Binocular Telescope (LBT) est doté de deux miroirs de 8,4 m.

Séparés l'un de l'autre de 6 mètres, ils sont tous les deux installés sur la même monture, ce qui en fait la plus grande paire de jumelles au monde.


L'intérêt de cet instrument est de pouvoir coupler la lumière issue des deux télescopes.

Les astronomes disposent ainsi d'une résolution équivalant à celle d'un instrument de 22,8 m de diamètre.

Du moins sur l'axe horizontal. Sur l'autre axe, en hauteur, la résolution reste limitée par le diamètre des miroirs.

Ci-dessous une vue du LBT. Crédit : NASA.


Que se passe-t-il avec un seul œil ?


La taille apparente des volcans de Io est à la limite des capacités de résolution d'un télescope de 8,4 m.

En observant d'un seul œil, le LBT verrait se former des anneaux autour des volcans (plus ou moins visibles selon leur luminosité).

Ceux-ci sont créés par la diffraction de la lumière sur les bords du miroir.

On observe cet effet sur les sources ponctuelles comme les étoiles. Il s'agit de la figure d'Airy bien connue des astronomes amateurs : lorsqu'elle est homogène et circulaire, le télescope est bien réglé.

L'image ci-dessous est une illustration de ce que verrait le LBT avec un seul miroir. On voit effectivement un anneau se former autour de Loki, le volcan le plus actif à la surface de Io.


Avec les deux yeux


Lorsque le télescope ouvre son deuxième œil, la figure qui se forme est très différente, on voit une structure en « peigne » se former sur les détails. Elle est liée à l'interférence de la lumière issue des deux miroirs : la résolution augmente sur un axe.


Ce vue réelle est particulièrement pédagogique pour comprendre comment fonctionne un interféromètre.


Ce comportement des ondes lumineuses avait été découvert par le physicien de géni Thomas Young dès 1801.

Son expérience est expliquée dans le petit dessin animé ci-dessous :



Laisser le satellite tourner devant le télescope

En observant Io suffisamment longtemps, l'orientation du satellite change par rapport aux télescopes.

Du coup, les astronomes recueillent de l'information avec un supplément de résolution sur d'autres axes.

En combinant ces images, il est finalement possible de reconstruire une vu de Io avec une résolution équivalent à celle d'un seul miroir de 22,8 m :

Le LBT est un cas de figure simple : les deux télescopes se comportent comme les deux fentes dans l'expérience de Young.

D'autres observatoires comme CHARA ou le VLTI permettent de combiner la lumière d'un plus grand nombre de télescope.

Les figures d'interférence sont plus complexes mais l'image de l'objet peut être plus rapidement reconstruite.

Un télescope amateur est lui aussi un interféromètre en quelque sorte. Au lieu de créer des franges d'interférences horizontales comme le LBT il produit un phénomène d'interférence d'aspect circulaire : la fameuse figure d'Airy, visible ci-dessous :

Le bord du miroir agit à la manière d'une infinité de petits télescopes répartis sur le bord et interférant entre eux. La résolution est la même sur tous les axes et les images produites sont directement exploitables.


La vidéo bonus


En prime de cette observation spectaculaire, le LBT a filmé le passage du satellite Europe devant Io.
Il est sombre car l'observation se fait dans l'infrarouge, et sa surface glacée et froide émet peu de lumière dans ce domaine.

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