Un congrès d’astronomie raconté de l’intérieur (VII)

L’étoile variable bleue AG Carinae est l’une des étoiles les plus brillantes de la Voie lactée. © Nasa/STSCI
Le congrès scientifique : un grand classique dans la vie du chercheur ! L’astrophysicienne Yaël Nazé nous dévoile les coulisses de l'un de ces rendez-vous en Nouvelle-Zélande, du 28 novembre au 2 décembre 2016. Avec ses découvertes et ses controverses…

Débats et polémiques

Autre domaine en plein boum, abordé lors du congrès : le magnétisme des étoiles massives. Si la première observation d’un champ magnétique sur un tel objet eut lieu en 1978 (pour Sigma Ori E), elle ne fut pas suivie d’autres détections.

Du coup, le magnétisme est longtemps resté une sorte de yéti, un truc qu’on invoquait quand quelque chose ne « collait » pas. Il a fallu attendre les instruments précis des années 2000 pour étudier véritablement les champs magnétiques.

Des étoiles très magnétiques

Les premières grosses campagnes d’observation se terminent actuellement, et leurs résultats ont été présentés ici : environ 5 à 10 % des étoiles massives sont magnétiques — très magnétiques, les deux tiers arborent un champ de 0,6 à 10 kG, avec un pic à 3kG (le champ magnétique terrestre vaut moins d’un Gauss).

Si l’origine de ce champ est encore discutée, on commence aussi à avancer sur son évolution, quand les étoiles massives quittent leur vie d’adulte pour s’acheminer vers leur fin. En effet, les premières mesures sur ces objets évolués doivent être complétées pour avoir un échantillon sérieux, mais les débats enflent pour savoir si le flux magnétique se conserve ou diminue — avec des conséquences différentes sur l’évolution stellaire.

Vent stellaire et évolution

On progresse aussi sur les conséquences du champ magnétique sur le vent (une éjection permanente de matière) des étoiles massives. Ce vent quitte la surface stellaire en moins grande quantité mais, de plus, il y retourne en partie, ou s’accumule non loin de la surface — des phénomènes que l’on commence doucement à cerner. Or, là aussi, l’évolution de l’étoile change puisqu’elle perd moins de masse !

Enfin, grande nouveauté, on commence à parler de champ magnétique interne, qui naîtrait par effet dynamo au cœur de l’étoile massive. Les théoriciens pensent désormais que ce champ interne serait responsable du lancement de pulsations, et pourrait éventuellement interagir avec l’autre champ magnétique, celui de surface (là, c’est vraiment le tout début des calculs !).

D’après de premières observations, pour des étoiles moins massives il est vrai, la moitié des étoiles posséderait un tel champ magnétique interne. C’est sûr, on n’en a pas fini avec le magnétisme des étoiles massives !

Idées provocantes et controverses

À part cela, le symposium a aussi été l’occasion de proposer quelques idées provocantes — et si les étoiles massives jeunes restaient dans leur cocon un certain temps, ce qui expliquerait qu’on ne les voit pas bien en rayons X ? Et si, pour trouver des supergéantes rouges (étoiles massives évoluées), il fallait regarder dans les catalogues de quasars (des galaxies au noyau très actif) ?

Il y a aussi eu quelques controverses. Ainsi, l’existence d’étoiles de plus de 300 masses solaires, annoncée il y a quelques années, fait toujours débat. Alors que l’équipe d’origine maintient ses propositions, en les élargissant même à d’autres galaxies, d’autres chercheurs proposent une diminution drastique de la masse observée (à moins de 200, voire 100 masses solaires), en corrigeant de la pollution des données par les objets voisins. Bref, on n’en a pas fini avec les étoiles hypermassives.

Turbulences autour des variables bleues

Enfin, il y a aussi le cas Nathan Smith (dont l’enregistrement avec le titre de « Sa Sainteté », et non les classiques Pr ou Dr, avait fait jaser). Il a annoncé avec force et fracas que le premier catalogue du satellite Gaia induisait que HR Car, une étoile évoluée de type « LBV » [étoile variable bleue très lumineuse], était bien plus proche que prévu, ce qui bouleverse les modèles en place pour de ces hypergéantes bleues …

Mais plusieurs ont rappelé les précautions à prendre avec ce nouveau catalogue et la bonne utilisation de la barre d’erreur : une tempête dans un verre d’eau, donc ? À voir avec le prochain catalogue, qui lui devrait être très précis en ce qui concerne les distances.

Le même a aussi avancé que les LBV, de manière générale, semblaient plus isolées, et finalement quelque peu déconnectées de la population des autres types d’étoiles massives, avec comme conséquence une révision indispensable de notre compréhension de ces objets.

Il a trouvé ici un supporter pour le défendre ardemment, devant une audience polie. Mais il faut aussi avouer que l’opposition (qui a répondu point par point à ses allégations sur le web) n’était pas présente, ce qui limitait la possibilité de coup de sang.

Bref, comme il a été mentionné lors du congrès : « Nathan’s right. Something’s odd » [Nathan a raison, il y a quelque chose qui cloche]. À moins que ce ne soit le contraire, ou aucun des deux… On en saura plus au prochain meeting !

 

Découvrez les autres billets de Yaël Nazé sur le congrès d'Auckland, consacré aux étoiles massives.

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