Origine de la Lune : une nouvelle théorie peu convaincante

La Lune nouvellement formée autour de la toute jeune Terre, il y a 4,5 milliards d'années. DR
Un nouveau scénario de formation de la Lune publié dans la revue “Nature Geoscience” laisse entendre qu’il surmonte les difficultés des précédents. Mais en réalité, cette solution très médiatisée apporte à ce domaine de recherche plus de problèmes que de solutions.

La Lune serait née non pas d’une collision entre la Terre et une protoplanète, mais d’une vingtaine de collisions avec des corps un peu moins gros. Telle est la théorie avancée par l’équipe de Raluca Rufu (Weizmann Institute of Science, Israël) et publiée dans la revue Nature Geoscience. En multipliant ainsi les événements catastrophiques dans la prime jeunesse de notre planète, les trois chercheurs israéliens annoncent soustraire au scénario existant son problème majeur : celui de la composition comparable entre la Terre et la Lune.

Un fort lien de parenté entre la Terre et la Lune

Depuis les vols Apollo, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, les astronomes disposent d’échantillons lunaires qu’ils ont pu dater et analyser. Ils ont ainsi établi que la Lune s’était formée voici 4,5 milliards d’années, c’est-à-dire quelques dizaines de millions d’années après la Terre. La similitude de composition entre les roches lunaires et le manteau terrestre a conduit à une conclusion aujourd’hui bien établie : la Lune est née d’une collision entre la jeune Terre et un corps de la taille de Mars.

Le choc a éjecté des roches dans l’espace, dont une partie, restée en orbite autour de la Terre (devenue plus grosse), se sont rapidement agglomérées pour former un nouvel astre : la Lune. Ce scénario, détaillé dans Ciel & Espace n° 549, est étayé par quelques arguments solides, dont le mode de formation des planètes (par collisions) et l’éloignement actuel de la Lune, compatible avec sa position initiale, juste après sa formation voici 4,5 milliards d’années.

Y a-t-il encore une controverse sur la formation de la Lune ? À cette question, Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’Irap (à Toulouse) et spécialiste de la Lune, répondait dans Ciel & Espace n° 550 : « Au premier ordre, il n’y a pas de débat : il y a bien eu un impact géant à l’origine de la Lune. »

Débat sur la composition de la Lune

Mais le même argument qui milite en faveur d’une collision initiale pose un problème, comme l’écrivait le journaliste Julien Bourdet dans Ciel & Espace n° 549 : « Jusqu’à maintenant, toutes les simulations numériques arrivent à la conclusion que les débris éjectés à la suite du choc, et qui vont donner naissance à notre satellite, proviennent essentiellement du corps impacteur. » Or, comme l’indique Alessandro Morbidelli, spécialiste du Système solaire à l’observatoire de Côte d’Azur dans le même article, les isotopes de l’oxygène trouvés dans les échantillons lunaires des missions Apollo sont identiques à ceux rencontrés sur Terre, ce qui laisse penser que les deux corps célestes se sont formés avec le même matériau.

Au cours de ces dernières années, les astronomes ont donc tenté de résoudre cette contradiction apparente. Plusieurs hypothèses ont été avancées : choc entre la Terre et un corps de même dimension, choc de plein fouet, très violent, ou encore rotation très rapide de la Terre il y a 4,5 milliards d’années. Chacun de ces scénarios, en apportant sa solution, demeurait imparfait.

La Terre et la Lune, photographiées par la sonde MRO depuis l'orbite martienne. Ces deux corps d'apparence très différente ont une composition voisine.
© Nasa/JPL-Calterch/Univ. of Arizona.

À l’automne 2016 toutefois, deux chercheurs américains, Kun Wang et Stein Jacobsen (respectivement de Saint-Louis et Harvard), ont pu analyser les échantillons lunaires avec une précision 10 fois meilleure que par le passé. Leur résultat, publié dans Nature, a renforcé l’idée d’un choc frontal très violent entre la Terre et la protoplanète appelée Théia. En vaporisant du matériau tout autour de la Terre, le cataclysme aurait créé une atmosphère transitoire dans laquelle les débris de Théia et ceux issus de la Terre se seraient mélangés, devenant impossibles à distinguer.

Le scénario de Raluca Rufu entend lui aussi venir à bout du problème de composition de la Lune. Pour cela, simulations numériques à l’appui, le chercheur propose une série d’impacts provoqués par des satellites naturels de la Terre qui se seraient formés lors du processus d’accrétion de notre planète. Sur des orbites instables, ils auraient fini par percuter la Terre en éjectant à chaque fois un peu de son manteau. Ce matériau se serait ensuite agrégé en orbite pour former la Lune.

Trois arguments contre la thèse des impacts multiples

Alessandro Morbidelli se montre sceptique : « Avoir vingt impacts de projectiles qui ont entre la masse de la Lune et la masse de Mars est plus problématique qu'avoir un seul impact d'un corps de taille martienne. Je ne suis pas non plus convaincu par le fait qu’à la fin la Lune aurait la même composition de la Terre. Même si le disque est fait de matière terrestre, il s'agit de matériau datant de l’époque de la collision, et non pas de la Terre finale. Vu qu'il faut du temps pour cumuler vingt impacts géants, la différence n'est pas négligeable. Troisièmement, si la formation de la Lune n'est pas due à une seule collision, mais à une multitude d'impacts, ce processus devrait être courant dans la formation planétaire. Donc, toute planète devrait avoir une Lune. Je pense donc que cet article pose plus de problèmes qu'il n’en résout. »

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