L’océan d’Encelade n’est qu’à quelques kilomètres sous sa surface glacée

Encelade photographié par la sonde Cassini. Crédit : NASA/JPL/SSI/Ciel et Espace Photos
L’océan souterrain d’où fusent les geysers d’Encelade est moins inaccessible qu’on le pensait. Au pôle Sud de la petite lune de Saturne, il affleurerait presque, à peut-être 1500 m sous la surface.

C’est une bonne nouvelle pour tous ceux que l’exploration du Système solaire fascine. L’océan souterrain d’Encelade, le petit satellite de 500 km de diamètre qui avait stupéfié les astronomes en 2008, lorsqu’ils y avaient découvert des geysers remplis de molécules organiques, pourra sans doute être atteint dans les prochaines décennies par une de nos sondes.

Une étude par des chercheurs tchèques, belges et français montre en effet que la couche de glace qui nous le cache est bien moins épaisse que prévu : 18 à 22 km en moyenne, et même jusqu’à 1,5 km à son pôle Sud, strié de failles d’où émergent les geysers.

Des données contradictoires

Jusqu’à présent, il fallait imaginer une couche de glace de 30 à 60 km d’épaisseur pour expliquer les données gravimétriques et topographiques récoltées par la sonde Cassini. Mais cela collait assez mal avec la composition des geysers, qui pointaient plutôt vers une source unique, donc un océan global, pas trop profond sous la glace”, explique le planétologue Gabriel Tobie, de l’université de Nantes, et coauteur de l’étude. La découverte en 2015 de la libration d’Encelade (une modulation de sa rotation) suggérait elle aussi une couche de glace plus fine.

En introduisant dans leur modèle de structure interne l’existence d’une couche de glace superficielle suffisamment élastique, Gabriel Tobie et ses collègues sont parvenus à réconcilier ces données contradictoires.

Dans notre nouveau modèle, Encelade est composé d’un noyau poreux de 370 km de diamètre – que l’on peut s’imaginer comme un conglomérat de sable et de cailloux traversé par de l’eau, qui en émerge à plus de 100 °C –, d’un océan à 0 °C en moyenne et d’environ 45 km d’épaisseur, puis d’une couche de glace de 20 km en moyenne, sauf au pôle Sud où le bassin que l’on observe s’explique par une couche plus fine”, précise le chercheur.

Malaxée par Saturne

L’amincissement de la couche de glace d’Encelade conforte l’hypothèse selon laquelle son noyau serait sa principale source d’énergie. En fait, il en produit sans doute plus qu’on l’imaginait ! “Le noyau d’Encelade est soumis à un intense chauffage de marée”, souligne Gabriel Tobie.

Ce sont les forces gravitationnelles de Saturne, à l'arrière-plan de cette image, qui échauffent le coeur d'Encelade.
Crédit : NASA/JPL/SSI/Ciel et Espace Photos

Ainsi, comme d’autres satellites de planètes géantes (le cas le plus spectaculaire étant celui de Io, autour de Jupiter), le cœur d’Encelade est malaxé par les forces gravitationnelles de Saturne. C’est l’énergie dissipée au cours de ce processus qui chauffe le noyau et, par là, l’océan de la petite lune qui à son tour produit des geysers.

Une cartographie radar devient possible

Si la couche de glace ne fait que quelques kilomètres aux pôles, il devient possible de voir l’interface entre l’océan et la glace avec un radar”, se réjouit Gabriel Tobie.

Pour le moment, aucune mission spatiale embarquant un radar n’est envisagée en Europe pour Encelade. Essentiellement parce que la technique est gourmande en énergie et que l’ESA s’est interdit l’utilisation de générateurs à radioisotopes, alors que les panneaux solaires sont trop peu efficaces à la distance de Saturne.

Mais on sait que la technique fonctionne : c’est elle qui a été utilisée en Antarctique pour cartographier le lac Vostok, et elle va être utilisée pour l’observation du satellite Europe, qui tourne autour de Jupiter et est donc plus proche du Soleil”, explique Gabriel Tobie.

Avec son collègue du laboratoire de planétologie et géodynamique à Nantes, Giuseppe Mitri, le chercheur travaille actuellement sur un projet de mission spatiale à destination de Titan et d’Encelade. Nul doute qu’avec ses 26 millions de kilomètres cubes d’eau salée (une fois et demie le volume de l'océan glacial arctique) et ses geysers truffés de molécules organiques, la petite lune de Saturne n’a pas fini de faire rêver.

 

Pour en savoir plus :

Ecoutez le début de l’émission “La tête au carré” du 23 juin 2016 (“La une de la science”), avec la participation du planétologue Gabriel Tobie et de Philippe Henarejos, rédacteur en chef de Ciel & Espace.

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