L’arrivée périlleuse du module Nauka a mis l’ISS en état d’urgence

Le module Nauka (second plan, gauche) et la capsule Soyuz Gagarin (premier plan, droite) amarrées à l'ISS. Crédit : O. Novitskiy
Trois heures après l’amarrage du module russe Nauka, ses propulseurs se sont allumés par surprise, provoquant une perte de contrôle de l’attitude de la Station spatiale internationale.

Gros coup de pression à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Trois heures après son amarrage, complété non sans mal jeudi 29 juillet à 15h30 (heure de Paris), le nouveau module russe Nauka est devenu hors de contrôle. A 18h34, les propulseurs du cylindre de 24 tonnes se sont subitement rallumés, alors que les deux cosmonautes à bord de la station s’apprêtaient à ouvrir la trappe pour y accéder. Le temps que les centres de contrôles à Moscou et Houston identifient le problème, l’ISS s’est mise à tourner sur elle-même, dans le sens du tangage, à une vitesse d’un demi degré par seconde. 

Mauvaise attitude

Une perte de contrôle d’attitude peut engendrer la mauvaise inclinaison de ses panneaux solaires, et donc la chute de la puissance électrique disponible, voire dégrader les communications avec le sol, qui emploient usuellement un lien radio passant par les satellites géostationnaires. Sans possibilité d’éteindre les propulseurs de Nauka, les équipes au sol ont ordonné l’allumage d’autres propulseurs à bord de l’ISS, notamment ceux des modules Zvezda et Progress, pour contrecarrer cette rotation. Comme le rapporte Eric Berger pour ArsTechnica, entre 18h42 (horaire de perte de contrôle de l’attitude de l’ISS) et 19h29 (reprise du contrôle après épuisement du carburant dans Nauka), l’ISS s’est inclinée jusqu’à 45° par rapport à son alignement nominal. “Je n’avais jamais [...] eu à déclarer une urgence sur la station spatiale”, a déclaré sur Twitter Zebulon Scoville, directeur du vol de Nauka depuis Houston.

[Mise à jour du 9 septembre 2021 : Le 3 août 2021, la Nasa a annoncé que l'ISS avait en réalité effectué une rotation totale de 540°, soit 1 tour et demi, avant reprise du contrôle de son attitude]

Thomas Pesquet, ses six collègues à bord et le personnel au sol vont consacrer la journée de vendredi 30 juillet à s’assurer que l’incident n’a eu aucune conséquence sur la structure de l’ISS. Un check-up complet qui pousse au report du décollage de la capsule Starliner de Boeing, au plus tôt le 3 août à 17h20.

Le module Nauka pendant sa phase d'approche photographiée depuis l'ISS. Crédit: Oleg Novitskiy

Péripéties en amont

Pendant son voyage vers l’ISS, Nauka, de son autre nom MLM (pour Multipurpose Laboratory Module), a connu plusieurs déboires. Parti le 21 juillet à bord d’une fusée Proton, l’engin de 13 mètres n’a initialement pas su allumer ses moteurs une fois inséré en orbite terrestre. 24h d’analyse du problème plus tard, l’usage de moteurs secondaires a enfin permis au module de rencontrer l’ISS, au terme d'un voyage de 8 jours. Après avoir entamé son approche finale le 29 juillet à 15h17, le vaisseau a dû effectuer de nombreuses corrections de trajectoire dans la dernière centaine de mètres. Il a enfin pris la place du module Pirs, désorbité au-dessus du Pacifique le 26 juillet après 20 ans de services sur l’ISS.

Station étendue

Le MLM est aujourd’hui le plus gros module russe de la station spatiale. 20% plus imposant que Zvezda. En plus de servir de laboratoire, Nauka contient un port d’amarrage, un sas de décompression pour les sorties extravéhiculaires, ainsi qu’une cabine supplémentaire où peut dormir un astronaute. Sa paroi arbore également le bras robotique européen ERA, destiné aux opérations de maintenance à l’extérieur du segment russe.

Recevez Ciel & Espace pour moins de 6€/mois

Et beaucoup d'autres avantages avec l'offre numérique.

Voir les offres

Nous avons sélectionné pour vous

  • Avec Desi, une nouvelle fissure ouverte en cosmologie ?

    La première année d’observation du relevé céleste Desi suggère que l’énergie noire, qui accélère l’expansion de l’univers, pourrait avoir varié dans le temps. Un résultat qui défie notre compréhension de l’évolution cosmique et qui suscite tour à tour prudence, enthousiasme et curiosité chez les spécialistes.

  • Kamo’oalewa, l’astéroïde cible de la sonde Tianwen 2, est bien un morceau de Lune

    Le petit corps céleste qui gravite sur une orbite très voisine de celle de la Terre semble avoir la Lune pour origine. Outre sa composition, des simulations de trajectoire militent en ce sens. Un cratère est même suspecté : Giordano Bruno.

  • Expansion de l’Univers : la tension s’accroit sur la constante de Hubble

    L’Univers est en expansion. Soit. Mais à quelle vitesse ? Selon la méthode utilisée, ce taux d’expansion, ou constante de Hubble, varie. Et les mesures les plus récentes viennent encore confirmer cette tension. Au point que des cosmologistes mettent en cause les modèles théoriques les mieux établis.